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La pyramide de consommation des médias de Wired ou l’art d’induire le public en erreur

Via Twitter, les blogs, etc., vous avez peut-être, sans doute, vu passer cette magnifique pyramide de consommation des médias : c’est le schéma à la mode du moment.

Wired pyramide conso medias

Bluffant non ? Je me l’étais mise de côté sans l’analyser en détail, en remarquant d’une part que l’objet avait l’air de bien tourner dans le petit milieu des webologues, technologues et médiaphiles, et en me disant : « ça fera bien dans une prochaine présentation ».

Et en même temps quelque chose me gênait… non pas que je m’offusque de l’existence cette pyramide qui ose concurrencer la mienne (c’est un autre niveau de réalisation et ça ne traite pas le même sujet), mais en raison de l’absence de sources ou de certitudes sur l’origine des infos dans les sources auxquelles j’avais pu accéder.

Par exemple, les deux premiers résultats Google sur « Pyramide de consommation des médias » renvoient sur Emilie Ogez qui parle du « temps que nous passons à écouter/utiliser les médias » et pour qui « C’est une moyenne je suppose ». Et qui je pense a été loin dêtre la seule à faire cette hypothèse. Et pourtant… 1,5 heure de télé seulement sur 9h de consommation des médias ?

Aujourd’hui, en retombant sur ce chart cette fois chez Laurent, je comprends que la source est Wired, donc une bonne référence. Et le texte d’accompagnement du chart explique tout : « Here are Wired‘s suggested servings for optimal media health. »

C’est là qu’est le twist : le chart ne représente pas un état des lieux de la consommation de médias aux USA, mais la recommandation de Wired pour une consommatiobn médiatique « équilibrée ». Pas du réel, mais du souhaité.

On comprend mieux : aux dernières nouvelles, la consommation de TV aux USA était quand même proche de 5 heures par jour… sacré gap avec le schéma proposé…

Et c’est là que je m’énerve.

La pyramide en elle-même est contre-intuitive : en tombant sur cet objet, on pense forcément à un état des lieux. L’objet est une image, il est donc clair quand on s’appelle Wired et qu’on le publie, que cette image va être reprise, republiée, twittée, qu’elle va circuler dans tous les sens. C’est un objet de buzz par excellence.

Or, l’image ne contient ni titre, ni source, ni signature, ni précision quand au fait qu’il s’agit d’une consommation « recommandée » et non réelle. La confusion sur la vocation de ce schéma est très prévisible.

Une pensée pour tous les gus qui ont dû se dire « waouh, incroyable la consommation de médias sociaux aux USA ». (Et quand je vois qu’on a eu une petite discussion là-dessus sur Twitter avec d’autres gars à l’oeil pourtant exercé, j’en suis d’autant plus persuadé). D’autant plus que même si les commentaires du blogueur ou du média sur le chart en restituent correctement le sens (comme c’est le cas chez Laurent), le regard du lecteur se dirige forcément directement sur le chart et pas sur ce commentaire…

Donc le schéma est fondamentalement trompeur pour son public. Au mieux, une sacrée maladresse. Au pire, du prosélytisme. Je ne suis pas adepte des théories du complot, mais quand on lit l’interview de Chris Anderson publiée avant-hier par Der Spiegel (1), on en vient à se demander s’il n’y a pas une volonté de brouiller les cartes en favorisant la perception qu’a le public des médias sociaux. On connaît les mécaniques d’évangélisation du web 2.0 : des parties prenantes qui se focalisent sur les « bonnes nouvelles » (principe du blog de Loïc Le Meur il y a quelques années, mais pas seulement bien sûr).

C’est le genre de truc qui m’énerve et qui m’avait amené à publier les 10 mythes du web 2.0. Non pas que je ne crois pas aux médias sociaux, mais merde, il faut être clair et intellectuellement honnête. Il y a assez de confusion comme ça.

Maintenant, il faut imaginer le même schéma avec la consommation actuelle des médias. Si l’hypothèse de 9h de consommation des médias est exacte (c’est ce que dit Wired, faisons-leur confiance), les 5h de consommation de TV (la base de la pyramide) occuperaient plus de la moitié de l’espace…

(1) : dont voici quelques extraits : « I don’t use the word media. I don’t use the word news »… « the vast majority of news is created by amateurs »… « (Information) comes to me in many ways: via Twitter, it shows up in my inbox, it shows up in my RSS feed, through conversations. I don’t go out looking for it »… « We’re tuning out television news, we’re tuning out newspapers. And we still hear about the important stuff »…

La pyramide de consommation des médias en ligne

Voici une présentation que nous avons réalisée il y a quelques mois et dont l’objectif est de modéliser « la pyramide de consommation des médias en ligne ». Elle est un peu cheap sur la forme, mais c’est le fond qui compte, n’est-ce pas ;-).

L’idée principale est de montrer que le participatif n’est pas un phénomène automatique mais au contraire le résultat d’un ensemble d’étapes que le média doit franchir : on n’obtient pas des effets participatifs juste en claquant des doigts. On y introduit aussi la distinction entre l’audience et le public (en ligne, un média a intérêt à avoir comme objectif de transformer son audience en public) et l’idée que les médias en ligne (qu’ils soient éditeurs, blogs, réseaux sociaux, marques-médias etc.) doivent entrer dans une logique de cercle vertueux.

J’espère que la présentation est assez claire ainsi… A vos commentaires.

10 mythes du web 2.0

Ah, le web 2.0… Il va vite, très vite, trop vite. Et ce qu’on en dit aussi : dans le web 2.0, les blogs sont « influents » ; le journalisme est « citoyen », le marketing est « viral »…

Depuis environ 4 ans, de nombreux mythes ont jalonné les discours sur les médias sociaux. On est revenus de certains, mais d’autres ont la dent dure. Petite revue de 10 mythes du web 2.0, dans le désordre.

[Edit : le mot « mythe » est fort. Certains mythes ne sont peut-être que des « idées reçues » : l’exercice d’en sélectionner 10 oblige à grossir le trait. Ce billet n’a pas pour objectif de tomber dans la caricature inverse et de dire que la réalité se situe dans l’inverse des mythes tels que je les formule. Chacun des 10 points que je présente ici renvoie à une réalité, mais une réalité souvent exagérée. L’idée est donc d’introduire de la nuance, de réajuster, de « remettre les choses à leur place ».]

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1.    « Wikipédia est aussi fiable que Britannica. »

C’est le mythe sur lequel Wikipédia a bâti toute son image et sa crédibilité. La source paraît infaillible : c’est une étude de la très sérieuse revue Nature qui le dit : en comparant Wikipédia et Britannica, on trouve moins d’erreurs dans le premier que dans le deuxième.

Pourtant c’est archifaux. Relisez ce billet d’Emmanuel qui explique pourquoi.

2.    « Le Drudge Report est plus fort que le New York Times. »

L’idée est séduisante : le Drudge Report, cette page de liens qui incarne à merveille ce qu’on appelle le linkjournalism ou Journalisme de Liens, aurait réalisé davantage d’audience que le New York Times pendant la nuit des élections américaines (arrivé 6ème des audiences Internet selon Hitwise). Sans budget, sans équipe…

C’est Yohann, un commentateur chez Narvic (le #9), qui m’a mis la puce à l’oreille : « Les seuls classements où Drudge arrive en tête, ce sont les classements basés sur les pages vues, où il n’a pas de mal à arriver premier vu qu’il est le seul à s’auto-rafraîchir toutes les trois minutes ».

Le Drudge Report, ça marche — et de façon même assez  étonnante —, mais pas dans les proportions que l’on a décrites. On peut aussi comparer une estimation du trafic NY Times / DR ici.

3.    « Sur Internet, c’est facile de faire du participatif. »

Les internautes commentent sur les blogs, postent des photos sur FlickR, des vidéos sur YouTube, construisent Wikipédia… Le web 2.0 donne la possibilité à tous de participer à la production du contenu, c’est donc facile de faire du participatif.

Un raisonnement souvent tenu par les annonceurs, parfois mal conseillés. Résultat : combien de blogs de marques sans aucun commentaire, de sites soi-disant participatifs, de concours désertiques ?

On ne répètera jamais assez que la participation active est le fait d’une minorité. On ne génère pas de la participation en claquant des doigts (ni de l’audience d’ailleurs). A relire : ce tableau de McKinsey qui montre la proportion d’internautes actifs dans les grandes plates-formes web2 (Wikipédia, YouTube, FlickR, Felicious…) ainsi que l’étude de Rue89 sur la participation de son lectorat.

On y voit très clairement que « the many benefit from the few » : sur FlickR, 2% des utilisateurs génèrent 95% du contenu ; sur YouTube, 6% génèrent 95% ; etc.

4.    « Avec Internet, chacun peut devenir journaliste. C’est le journalisme citoyen. »

L’expérience Agoravox le montre : le journalisme citoyen produit avant tout de l’opinion — et beaucoup moins d’information brute.

Normal : chacun n’a pas sous le coude une pile de scoops à révéler ; produire de l’information, cela suppose du temps, des méthodes, des moyens. Le journalisme est un métier.

Je ne saurai pas mieux faire que de vous renvoyer à cette remarquable note d’Aurélien Viers sur la question du journalisme citoyen. Depuis 4 ans, on se trompe de vocabulaire : ce qu’Internet permet, ce qui a le vent en poupe, ce sont les témoignages participatifs.

5.    « Les blogs influents. »

Des 10 mythes, c’est sans doute le plus durable, car le moins faux. On en a parlé, reparlé, on a discuté, disserté, analysé… Il existe plusieurs formes d’influence des blogs, de la capacité de nuisance à la capacité de rectification, les search, les scoops, les communautés ou l’influence auprès de leaders d’opinion comme des journalistes…

Mais écrire un blog, ça ne veut pas dire avoir un public ; ni être audible ; ni être écouté. Bref, prendre la parole, ce n’est pas prendre le pouvoir. Et on a certainement tendance à exagérer l’influence réelle de beaucoup de blogs qui fonctionnent dans l’entre-soi.

6. « L’UGC prend le pas sur les contenus professionnels. »

Les mythes liés à l’UGC sont nombreux : leur qualité, leur emprise sur le web…

Mais dans l’immense masse de contenus générés par les utilisateurs, une faible proportion sont de bonne qualité. Et voici 3 exemples pour illustrer le fait que l’UGC ne prend pas nécessairement le pas sur les contenus professionnels :

– Au niveau de la vidéo, Youtube et DailyMotion ont construit leur audience sur la republication de contenus professionnels (avec ou sans les droits) plutôt que de contenus amateur. Wat a de son côté renoncé à faire de l’UGC son coeur de business.

– Au niveau médias, l’expérience Rue89 est éclairante : le site a ouvert une brèche entre le journalisme et l’UGC, en proposant le concept de l’info à 3 voix : journalistes, experts, citoyens. Autrement dit, du journalisme et de l’UGC encadré et validé par des journalistes.

Avec l’exigence journalistique qui est la sienne, le constat de Rue89 a rapidement été que peu de contenus amateurs était publiables : les contenus de journalistes ont toujours été dominants dans le site, causant un conflit avec Mikiane, l’un des fondateurs. Ce soir, je prends la home de rue89 : 12 des 16 articles du « fleuve » sont signés de journalistes ou assimilés.

– Au niveau des marques, on dit souvent que les contenus UGC sont plus visibles que les contenus officiels. C’est parfois vrai, parfois faux : quand on tape les noms des grandes marques dans les moteurs de recherche, les contenus officiels restent les plus accessibles.

7. « Le marketing viral, ça cartonne. »

Ah, le mythe de la publicité gratuite… C’est un mythe qui s’est assez largement dégonflé maintenant, mais on a connu une période où le marketing viral était le graal de la communication en ligne pour les annonceurs. On fait une vidéo rigolote ou sympa, et ça buzze.

Résultat : une profusion de campagnes de faible qualité qui n’ont jamais décollé de là où on les avait mises. Le cimetière du web est plein de campagnes virales. D’après Jupiter research, 15% des campagnes virales atteindraient leurs objectifs. D’après Georges Mohammed-Cherif (Buzzman), qui a signé quelques unes des campagnes les plus virales de ces dernières années, il y a une dizaine de campagnes vraiment virales par an.

Et ce n’est pas parce que l’on devient viral que c’est gagné : encore faut-il que cela serve réellement les intérêts de la marque.

8. « L’audience des médias traditionnels se dégrade. »

Pour la presse écrite, c’est très clair : baisse constante de la diffusion de la presse depuis 2000.

Mais pour la radio et la télévision, c’est moins évident. Le temps passé devant la télévision a même progressé d’une minute au dernier pointage : 3h28 par personne en octobre 2008. Aux Etats-Unis, la TV est à son plus haut historique.

9. « La confiance dans les médias traditionnels se dégrade. »

Pas en France en tout cas. Malgré les discours ambiants, malgré les affaires, la question de l’indépendance, les relations entre actionnaires et groupes médias, entre le pouvoir et les patrons de rédaction…

Non pas que la confiance dans les médias traditionnel soit élevée. Mais depuis 2000, les études ne montrent pas qu’elle a fondamentalement évolué : un peu moins bien par ci, un peu mieux par là…

Un aperçu de l’évolution de la confiance dans les médias telle que la mesure TNS Sofres pour la Croix et Logica, depuis plus de 20 ans, ne montre pas d’évolution majeure dans les années 2000 : les taux de confiance dans la presse écrite, la radio et la télévision sont supérieurs ou égaux à leurs niveaux de 2000. Et en 2009, toutes les catégories de médias voient leur côte de confiance remonter. C’est dans les années 90 que la confiance dans les médias s’est affaissée. cela mérite une petite image :

confiance-medias-2009

10. « Obama a construit sa victoire sur le réseau de petits donateurs. »

On l’a vu un peu partout : Obama aurait amassé plus d’argent via ses petits donateurs que via les gros donateurs. Un véritable effet longue traîne avec un bénéfice important : une moindre dépendance aux lobbies, grâce à des dizaines de milliers de petits donateurs ayant mis la main à la poche dans la mesure de leurs moyens (petit donateur = moins de 200 $).

Le problème, c’est que c’est faux, révèle le Campaign Finance Institute, un organisme indépendant. Les petits donateurs n’auraient représenté que 26% des finances d’Obama… soit approximativement la même proportion que les petits donateurs de Bush en 2004. Avec 210 millions de $ en provenance de gros donateurs et 120 millions de $ en provenance de petits donateurs, on est dans des proportions classiques.

La confusion vient du fait que beaucoup de donateurs ont fait plusieurs petits dons. Si je donne 6 fois 50 $, je fais 6 fois un petit don, mais à l’arrivée, je ne suis plus un « petit » donateur, ayant dépassé les 200$.

[Comment ça, le mythe n°10 n’est pas un mythe 2.0 ? avec les mots-clé « Obama » et « Longue Traîne », ça a sa place ici non ?]

—–

Voilà pour les 10 mythes qui me viennent à l’esprit. Il y a en a sans doute beaucoup d’autres (par exemple, j’ai évité le mythe de la « conversation » qui a déjà été évoqué sur ce blog dans un billet plus ancien ; on aurait aussi pu écrire « sur Facebook, tout le monde voit votre vie privée »). J’attends avec impatience que vous complétiez la liste ou que vous vous offensiez de ce que vous venez de lire…

Et si la sagesse des foules c’était d’abord celle de se taire ?

Relevé chez François Laurent qui reprend sur son blog l’intervention de Philippe Jourdan (maître de conférence à l’IUT d’Evry Val d’Essonne et fondateur de Panel on the Web) au SEMO et intitulée « L’éthique en marketing » :

Selon plusieurs enquêtes désormais concordantes, un ratio très restreint – moins de 10% de la population aux Etats-Unis – participe aux enquêtes et aux sondages. En d’autre terme, seule une minorité régulièrement consultée participe à la définition des produits, des services, des campagnes, des modes qui s’imposent pourtant à tous.

Ce constat est particulièrement instructif : on voit que, dans les études comme dans les commentaires ou dans les sites participatifs, la production de l’information repose sur des groupes d’individus assez minoritaires qui assemblés représentent environ 10 ou 20% de la population générale (de la société, du site, etc.)… Une sorte de Loi de Pareto de l’opinion dont Internet est le grand révélateur comme Didier Durand le remarquait sur la question des plate-formes de vidéos et la contribution des amateurs. Les instituts de sondage comme les sites communautaires souffrent tous les deux du même phénomène : tout le monde n’a pas quelque chose à dire, tout le monde ne veut pas dire quelque chose tout le temps… C’est peut-être surtout ça la fameuse sagesse des foules 😉 ?. En tout cas les lieux et dispositifs pour saisir la parole des individus peuvent donc arriver à saturation.

Pour ce qui est de la question éthique en marketing et des enjeux professionnels que posent cette faible participation, je vous laisse lire les deux billets (number one et number two) publiés par François Laurent.

Traiter de la violence conjugale sur Internet : un exemple de communication responsable

Vous avez sûrement entendu parler de la campagne de sensibilisation au problème des violences conjugales. Un site existe également, stop-violences-femmes.gouv.fr, et il remarquablement bien fait.

Un de nos fidèles lecteurs, passionné de communication institutionnelle, a un oeil de lynx. Il a remarqué qu’en haut à droite, le site disposait de deux boutons :

  • Effacer les traces de votre passage explique la démarche nécessaire pour effacer l’historique et la saisi-automatique des requêtes dans un moteur.
  • Quitter rapidement ce site pointe vers MétéoFrance, ce qui permet de « zapper » si quelqu’un passe dans votre dos par exemple

Ne retenir que cela du site c’est évidemment le voir par le petit bout de la lorgnette. Mais c’est aussi insister sur l’intelligence des situations dont les concepteurs du site ont fait preuve  : on est pas toujours seul devant son écran et il est important de préserver son intimité ou le secret de la consultation d’un tel site.

Seul regret, les deux boutons sont quand même difficilement visibles.

Question d’usage : la confidentialité des SMS

image-port.pngL’affaire du SMS présidentiel n’aura pas eu que des côtés négatifs. On commence à tout savoir des tenants et aboutissants des usages des SMS. Le Challenges en date du 6 mars nous propose ainsi un article détaillé sur cette question. Et au détour d’un paragraphe on découvre un usage bien particulier du SMS, assez inattendu même :

Trafic des textos par les seuls serveurs des opérateurs dont ils sont rapidement éliminés, faible capacité des cartes SIM : on comprend pourquoi les SMS sont de plus en plus prisés dans les grandes entreprises comme une alternative sécurisée aux courriels. Les dirigeants de la Société Générale communiquent ainsi entre eux depuis quelques semaines. Plus sûr, donc, que les courriels, souvent gérés sur des serveurs internes, où il peuvent être lus (et copiés) par un informaticien maison trop curieux, ou piratés. Tout comme les ordinateurs recevant ces courriels et dont les gros disques durs peuvent stocker des milliers de correspondances électroniques pourtant a priori effacées.

Evidemment la question n’est pas de savoir si cela est vrai ou pas mais plutôt d’observer que des utilisateurs « détournent » le SMS de son usage de départ pour en faire un support stratégique et confidentiel de leurs échanges. By the way, cela montre aussi comment les acteurs essayent de contourner la transparence et la traçabilité qu’imposent les technologies actuelles.

La première page de recherche

Et allez, hop, une petite vieillerie.

Delerm nous a habitué à la première gorgée de bière. Avec Google, nous nous sommes habitués à la première page de résultats. Abondance avait relevé cette étude en provenance de la société iprospect (et réalisée par Jupiter Research) qui date de 2006.

À la question, « quand vous faites une requête sur un moteur de recherche et que vous regardez les résultats, combien approximativement, d’entrées regardez-vous avant de cliquer sur l’une ? » 62 % des internautes interrogés cantonnent leur recherche à la première page. Le genre de résultat qu’il est bon d’avoir en tête, même si il a sûrement évoulé depuis.

whitepaper_01.gif

Le triangle d’or de Google (notre vieillerie de la semaine)

cropped.jpgLa vieillerie de la semaine revient !

Nous sommes en mars 2005. Quelques sites et blogs (entres autres, prweaver et prweb) relayent une étude eye-tracking américaine (commanditée par Did-it, Enquiro et réalisée par Eyetools). Ce qui donne l’image à votre gauche, la heatmap (pour bien la lire : cliquez ici pour l’agrandir, pour bien la comprendre : rendez-vous plus-bas dans ce post). Cela a-t-il évolué depuis ou est-ce toujours autant d’actualité ?

Comme le font remarquer les auteurs de l’étude, il s’agit plus d’un « F » que d’un triangle car l’oeil effectue son trajet à la fois de manière verticale mais aussi de manière horizontale. Pour compléter cette image, on disposait aussi des taux de regards. Les résultats pour les liens référencés « naturellement » sont les suivants :

Organic Ranking Visibility
(shown in a percentage of participants looking at a listing in this location)

Rank 1 – 100%
Rank 2 – 100%
Rank 3 – 100%
Rank 4 – 85%
Rank 5 – 60%
Rank 6 – 50%
Rank 7 – 50%
Rank 8 – 30%
Rank 9 – 30%
Rank 10 – 20%

En ce qui concerne la publicité, les résultats sont sans appel. Seul le lien du haut qui ouvre la liste des résultats est visible quasiment à 100%. Pour les liens à droites, les taux chutent très vite :

Side sponsored ad visibility
(shown is percentage of participants looking at an ad in this location)

1 – 50%
2 – 40%
3 – 30%
4 – 20%
5 – 10%
6 – 10%
7 – 10%
8 – 10%

tobii_tracker_1.jpgeyetools-explain_387x180.gifCette étude avait été réalisé de la manière suivante : un panel de 50 individus est recruté. On demande à chacun des internautes sélectionnés de suivre 5 scénarios différents de recherche sachant que le moteur adopté était obligatoirement Google. Leur lecture des pages de résultats est alors enregistrée par une machine ad hoc, un tracker (en gros cela ressemble à un ordinateur équipé d’une webcam).

Pour terminer, petit rappel didactique sur la lecture de ce genre de tracker (cliquez pour agrandir et pouvoir lire correctement) :legend_individual.jpgheatmap_explained.png


L’usage! l’usage! l’usage! l’exemple du détournement des jeux vidéos

Et les rédacteurs d’Internet & Opinion sont déjà sur leurs chaises à sauter comme des cabris.

S’il est un univers fait de contraintes c’est bien celui des jeux vidéos. Le joueur, qu’il le veuille ou non, est toujours contraint (de manières plus ou moins importantes et plus ou moins visibles) par le script du jeu : marquer un but, réussir une mission, trouver des objets, parcourir un niveau le plus rapidement possible… Sans oublier la programmation même  qui rend ou non possible telle ou telle action, tel ou tel geste.

carte-postale_ferte.jpgL’article d’Ecrans, Détournements : jeu est un autre, est donc des plus intéressants. Même si cela relève peut-être de l’anecdote, la présentation de plusieurs détournements de jeux vidéos par leurs utilisateurs rappelle encore une fois l’importance de la notion d’usage. Si tout joueur est étroitement cadré dans ces actions il lui est aussi possible (cela dépend de ces compétences et appétences, entre autres choses) de « braconner » le jeu et en proposer une autre version.

L’écrit sur l’écran : analyse et conseils du Professeur Roger Chartier

logocdf.jpgQuand nous avons commencé à réfléchir à Internet & Opinion, la première chose qui nous est venue à l’esprit tournait autour d’une question grossière et un peu floue : que change Internet à nos opinions? On s’interrogeait donc, entre autres choses, sur le rôle de la matérialisation des idées.

Une contribution de taille à cette question est celle de Roger Chartier qui avec d’autreschartier.jpg a tenté d’analyser les enjeux des « écrits d’écrans » (une autre de ses communications se trouve par là; son point de vue d’historien sur les droits d’auteurs, c’était en 2005 et c’est toujours aussi intéressant). Sa leçon inaugurale au Collège de France est l’occasion de parler de son travail. Les plus intéressés pourront lire des longs extraits dans Le Monde sous le titre : L’écrit et l’écran, une révolution en marche (espérons que la page reste disponible à tous… merci d’avance Bruno Patino) .

Je pense pouvoir affirmer, sans trahir j’espère sa pensée, qu’une des idées de Chartier est la suivante : ce que nous voyons en ce moment même avec Internet fait écho à des pratiques éloignées et oubliées de circulations très particulières des textes. Chartier, dans ses cours montrait (et il le fait encore dans sa leçon inaugurale) comment il existait toute une circulation éphémère de textes, où la question de l’auteur n’était pas stabilisée , où l’on reprenait et modifiait les histoires etc. Ca ne vous rappelle pas quelque chose ?

Ce qui me semble particulièrement intéressant dans sa leçon, concerne les principes d’analyses qu’il emploie pour travailler et qui font sens à mon avis pour celui qui veut comprendre la circulation des idées et les usages dits « nouveaux ». Pour Chartier, l’enjeu fondamental est le suivant :

comprendre comment les appropriations particulières et inventives des lecteurs, des auditeurs et des spectateurs dépendent, tout ensemble, des effets de sens visés par les textes, des usages et des significations imposés par les formes de leur publication, et des compétences et des attentes qui commandent la relation que chaque communauté de lecteurs entretiennent avec la culture écrite.

Un second principe d’analyse, défendu par bien d’autres chercheurs (et l’on y reviendra moins pompeusement un de ces jours) est de :

« lier la puissance des écrits qui donnent à lire, ou à entendre [les représentations] avec les catégories mentales, socialement diffirenciées, qui sont les matrices des classements et des jugements ».

Quand l’on pense opinion on pense trop souvent (ou trop vite ou trop facilement) information sans se rendre compte que les représentations se jouent aussi (et peut-être surtout) dans les productions culturelles.

Enfin, Chartier rappelle l’importance de comprendre un objet présent par l’histoire dans lequel il s’inscrit et dont il emprunte des formes, des références, des caractéristiques :

cette possession [de la maîtrise historique] ou son absence distingue les savants des naïfs et elle porte les diverses relations que chaque oeuvre nouvelle entretient avec le passé : l’imitation académique, la restauration kitsch, le retour aux anciens, l’ironie satirique, la rupture esthétique.

475px-don_quixote_1.jpgDon Quichotte est l’exemple le plus connu de cette importance du contexte historique dans lequel s’inscrit cette oeuvre pour saisir toute son épaisseur .

So what dirons certains. Chartier nous rappelle simplement quelques principes de lecture et d’analyse sérieuses pour comprendre les productions actuelles – même si lui s’approche en historien d’objets très lointains pour la plupart d’entre nous. Il évoque, après bien d’autres, l’importance du métier d’historien qui contribue « à un diagnostic plus lucide sur les tranformations qui enthousiasment ou inquiétent ses contemporains ».

Il suffit de lire le début de sa leçon pour comprendre les implications actuelles de son travail. Mais ça, je vous laisse découvrir.