Le papier de Marie-Catherine Beuth dans le Figaro de vendredi, « Renault, champion des conversations sur les blogs« , a naturellement attiré mon attention.
Il reprend des éléments d’une étude d’Oto Research qui est parue il y a un gros mois. Tubby Dev en avait fait un résumé assez complet.
Alors, de quoi s’agit-il ? D’un livre blanc (sur demande auprès d’Oto Research) qui s’attache à mettre des chiffres en face d’un certain nombre de questions qui se posent pour les marques autour du web, et notamment à mesurer l’ampleur du phénomène « UGC ».
Je ne vais pas revenir sur l’ensemble de l’étude et vous conseille pour cela Tubby Dev. Le point qui attire mon attention est le même que celui autour duquel Marie-Catherine Beuth a construit le papier du Figaro : la « part de voix » des marques par rapport aux autres sources d’information : l’UGC, les distributeurs, les médias. Les discours sur les marques sont-ils dominés par les marques elles-même (sites de la marque), par l’UGC (internautes), les distributeurs (e-commerce) ou les médias ?
Pour mesurer cela Oto Research a étudié les 100 premiers résultats Google sur les requêtes concernant 110 marques de grande consommation. Et produit le camembert suivant :

Les marques produiraient à peine plus d’un quart des discours qui les concernent et l’UGC est le premier vecteur de discours. C’est la conclusion du Figaro et du livre blanc d’Oto Research.
Voilà qui est fort séduisant et qui est susceptible d’enflammer tout ce que le web et les métiers du conseil comptent d’évangélistes du web 2.0, non ?
Sauf que la méthode et la conclusion… sont assez contestables.
L’étude a été chercher les résultats Google du les requêtes concernant 110 marques. Les cent premiers résultats Google.
Vous allez souvent sur la 10ème page de résultats, vous ? Souvenez-vous de cette petite étude qui montrait que 62% des internautes ne vont jamais au-delà de la première page de recherche. Et même si les choses ont évolué depuis, une chose est sûre, le nerf de la guerre, ce sont les 10 premiers résultats Google. Pas les 100 premiers.
En allant chercher les 100 premiers résultats, on plonge dans la longue traîne. Normal d’y trouver beaucoup d’UGC. Tiens, je pourrais faire la même étude sur les 1000 premiers résultats Google des 110 marques étudiées et en conclure que 90% des contenus sur les marques sont UGC ! (Et les annonceurs affolés viendront m’acheter du conseil web, et je me frotterais les mains.)
Pour me faire une idée un peu plus précise, j’ai repris le principe de l’étude et l’ai raccourci à la première page de recherche pour les 10 sociétés qui, selon Oto Research, suscitent le plus de commentaires (commentaires de blogueurs en l’occurrence, dans la méthodologie de l’étude).
Ce top 10 des marques qui font buzzer les consommateurs est composé de : Renault, Nokia, Canon, Orange, Samsung, Peugeot, Panasonic, SNCF, France Télécom et Philips.
Donc, à la question, quelles sont les sources d’info à propos de ces marques quand on s’intéresse à la première page de résultats de Google, la réponse est :

Dans cas de figure, qui correspond beaucoup plus à la réalité des usages du web, les 10 marques qui font le plus parler maîtrisent plus de 50% du contenu Google qui les concerne. On est quand même nettement au-dessus des 27% d’Oto Research… Et l’UGC, sur la première page de recherche, est tout d’un coup bien moins inquiétant : moins de 10% des résultats contre plus de 30% dans la méthode Oto Research.
Sur ces 10%, 80% de Wikipédia et aucun blog.
Donc, tout ça n’est pas pour dire que l’UGC n’a aucune importance. Mais on en revient à un débat de fond qui anime ce blog : ce n’est pas parce que le phénomène de l’UGC est important qu’il faut exagérer son influence. Le web 2.0 n’a pas tout changé ; il ne faut pas confondre longue traîne et usages de l’internaute ; quantité de contenu et visibilité des sources ; visibilité et influence.
Les système d’opinion évoluent. Mais pas autant que certains le disent (les certains en question étant généralement curieusement des vendeurs de conseil web, ce que je suis aussi il faut bien le reconnaître, mais pas seulement 😉 ).
Ce type d’études permet de se remettre les idées au clair : les blogs sont essentiellement des médias de niche ; Wikipédia est un outil de réputation (on est quelques-uns à insister là-dessus et le débat n’est pas fini) ; l’influence UGC se fait beaucoup par les avis conso sur les sites marchands ; les forums restent des endroits hyperactifs.
Allez quand même jeter un œil à l’étude, notamment pour ce qu’elle fait ressortir en termes de « bruit sectoriel ». « Les secteurs qui génèrent le plus de bouche-à-oreille et de messages sur les blogs sont l’automobile (27 %), l’équipement (25 %) et le voyage (6 %). », relève Le Figaro.