Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace

Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des 15 derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS

L’affaire, donc : à la mi-mars, Greenpeace a déclenché une campagne online contre KitKat, marque du groupe Nestlé, responsable à ses yeux de la déforestation de l’Indonésie pour la production de l’huile de palme.

On peut lire une chronologie de la crise ici, et une interview de Greenpeace sur son dispositif là.

Au travers des différentes sources que j’ai pu réunir, voici une reconstitution des faits :

16 mars : le rapport Greenpeace

Greenpeace incrimine Nestlé dans un rapport sur la déforestation en Indonésie. Les victimes sont le climat, la forêt et les orangs-outangs.

17 mars : la machine se met en route

Nestlé répond dans une position officielle qu’il ne travaille plus avec le fournisseur incriminé, Sinar Mas, et dit son engagement à n’utiliser plus que de l’huile de palme « durable » en 2015. (un engagement qui semble antérieur).

Je ne suis pas sûr de savoir si cette position a été publiée avant ou après les autres événements de la journée (voir ci-dessous), mais peu importe.

Greenpeace entre en campagne avec mini-sites dédiés à l’appui, sur lesquels on trouve vidéo parodique, « kit de campagne » (avec logos détournés), information de référence, fil twitter en temps réel, connection avec Facebook, Twitter et YouTube, e-cards de Pâques, email à envoyer au Président de Nestlé, etc.

Des militants Greenpeace déguisés en orangs-outangs manifestent devant les bureaux du groupe en Angleterre.

Greenpeace poste la vidéo parodique sur Youtube, parodiant le concept « have a break » de KitKat de manière, disons, interpellante :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=VaJjPRwExO8]

Alors que la vidéo a été vue moins de 1000 fois, Nestlé la fait retirer de YouTube pour violation du copyright.

Réponse de Greenpeace : republication de la vidéo sur Viméo et information via les médias sociaux comme quoi Nestlé a tenté de censurer la vidéo.

Les militants Greenpeace commencent à poster des commentaires négatifs sur la page Facebook de Nestlé, qui compte 90 000 fans. Nestlé ne les censure pas.

Nestlé répond via un statut sur sa page Facebook qui et renvoie vers la page « statements » de son site corporate – le post reçoit 30 commentaires.

Certains utilisateurs Facebook modifient leur photo de profil au profit du logo KitKat détourné en « Killer », créant un « meme ».

En parallèle, Nestlé publie aussi sa position sur Twitter (moins de 1000 followers) et répond à deux commentaires.

18 mars

Nestlé reçoit un certain nombre de critiques sur la manière dont la page est gérée et réagit de façon sèche. Un statut demande aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné.

Nouveau statut Nestlé, reprenant la position officielle. Une quarantaine de commentaires s’ensuivent.

Le même jour, Nestlé publie un update plus détaillé sur son site corporate, sous la forme d’un questions-réponses.

19 mars : emballement sur Facebook

C’est le jour où l’activité sur la page Facebook et dans les médias sociaux sera la plus intense. Nestlé demande aux utilisateurs Facebook de ne pas utiliser le logo KitKat détourné (tout en se disant prêt à accepter tous les commentaires). C’est le premier d’une série de 8 statuts consécutifs dans la journée, qui seront commentés de 30 à 200 fois.

Nestlé publie un update de « mea culpa » sur la demande de non-utilisation du logo détourné et l’impolitesse des réponses faites.

L’histoire fait le tour des médias sociaux et de Twitter en particulier, alimentée notamment par Greenpeace qui a habillé ses pages web et médias sociaux aux couleurs de la campagne « Killer » et renvoie vers la page Facebook de Nestlé.

Nestlé republie aussi sa position sur Twitter.

Il est mentionné à plusieurs reprises que Nestlé a fermé sa page Facebook pendant quelques jours, mais je n’ai pas réussi à savoir quand exactement.

22 mars

Nouveau statut de Nestlé : « Social media: as you can see we’re learning as we go. Thanks for the comments. »

Le syndicat des producteurs d’huile de palme indonésiens publie un communiqué menaçant Nestlé de boycott.

23 mars et depuis

Greenpeace appelle a continuer à faire pression sur Nestlé : les engagements pris ne sont « pas suffisants ».

On notera aussi le très grand nombre de posts anti-Nestlé sur la page Facebook, dans l’onglet « just fans » : le rythme de publication continue à être soutenu (une vingtaine rien qu’aujourd’hui, 3 semaines après les faits). Cela continue à être le principal élément visible aujourd’hui. Nestlé ne les retire pas.

LES QUESTIONS QUE CE CAS POSE

La première question est la suivante : la crise présente-t-elle un caractère exceptionnel ?

C’est une des questions les plus importantes et la réponse est oui et non.

La campagne est-elle exceptionnelle par le caractère de l’attaque de Greenpeace ?

Pas vraiment. Les méthodes de Greenpeace sont connues et on a déjà vu de sa part des cas de campagnes :

–       ciblées contre une marque

–       produisant un rapport « choc » de référence

–       parodiant les codes et les publicités de la marque, vidéo à l’appui

–       proposant un site dédié et habillant les espaces web de l’ONG

–       équipant les militants pour faire du bruit (e-mailing au Président de l’entreprise, maintenant social media)

–       comportant des manifestations « IRL » d’activistes

Les précédentes campagnes Greenpeace contre Apple et Dove, contre la déforestation de l’Indonésie déjà, étaient de bons exemples d’un peu tout cela.

L’originalité de la campagne Greenpeace repose donc plutôt sur la combinaison des moyens proposés et sur le fait d’utiliser tous les canaux disponibles, comme la modification des avatars des militants et le vandalisme de la page Facebook de la marque.

On l’avait vu à l’occasion du « hoax » Sprite de l’été dernier : les formes d’attaques contre les marques se font de plus en plus sophistiquées. La contestation des marques et des entreprises a toujours existé, elle s’étend sous de nouvelles formes, de nouveaux territoires et avec plus de professionnalisme.

Le web social offre aux organisations qui ont des bases de militants de nouveaux moyens d’action : c’était d’ailleurs la principale leçon de la campagne online du candidat Obama.

Là où le cas Nestlé n’a pas de précédent, c’est dans le vandalisme de la page Facebook de l’entreprise ciblée. Et c’est justement sur cet espace-là que Nestlé a commis ses erreurs.

Mais dire qu’on entre dans l’ère de la web-guérilla, comme le fait ReadWriteWeb, n’aura comme effet de faire fuir les entreprises du web social dont le cauchemar est de se retrouver à gérer une situation similaire à Nestlé.

La campagne est-elle exceptionnelle par les résultats qu’elle a obtenus ?

Oui, mais pas unique pour autant. Pour répondre à cette question, je prendrais 4 indicateurs qui se veulent objectifs :

–       le nombre de vidéos vues. Greenpeace en comptabilise plus de 900 000 sur l’ensemble de la campagne. Il est certain qu’aucune entreprise ne signerait pour avoir 900 000 vues sur une vidéo dénigrante. Pour autant, on a déjà vu des phénomènes d’embrasement plus importants : les vidéos Domino’s par exemple avaient totalisé 1 million de vues en deux jours. Les vidéos Sprite sus-mentionnées n’en étaient pas loin après quelques jours d’activité. Certaines vidéos de « mauvaises pratiques » de la grande distribution ont été vues des millions de fois sur DailyMotion.

–       l’activité sur la page Facebook. Les statuts postés par Nestlé ont donc été commentés jusqu’à 200 fois, ce qui n’est somme toute pas gigantesque pour une page qui compte 90 000 fans. En revanche, sur l’onglet « just fans », c’est un véritable carnage.

–       La visibilité dans les médias de masse. Difficile d’avoir une réponse claire à cette question pourtant clé : c’est lorsque la crise bascule dans les médias de masse que l’entreprise ou la marque est véritablement en danger. Hors, il est difficile de reconstituer le bruit « offline » autour de cette affaire. On retrouve assez facilement la couverture des grands médias anglophones de la presse écrite ; en ce qui concerne l’impact télévision et radio, je n’ai pas beaucoup d’éléments.

–       l’impact sur le cours de bourse : il est réel comme le montre la capture d’écran de ReadWriteWeb. Mais pas forcément durable.

A noter enfin sur ces aspects quantitatifs : Greenpeace annonce 120 000 e-mails envoyés à Nestlé.

Le reste (billets sur les blogs, mentions sur Twitter, etc.) est surtout un gros os à ronger pour les experts en médias sociaux qui font leurs choux gras de ce genre de cas, pas si fréquents d’ailleurs, afin de démontrer l’impact du web social en matière d’opinion et de réputation.

Méfions-nous de la circulation circulaire (tous les professionnels de la communication en auront entendu parler, mais quelle part du grand public ?) et de l’ethnocentrisme du microcosme et de l’intelligentsia des médias sociaux (« les blogs que je lis en parlent, donc tout le monde en parle »).

Mais surtout, la visibilité de cette campagne, Greenpeace la doit à… Nestlé : ce qui a permis à la mayonnaise de monter, c’est avant tout la réaction de Nestlé qui a ouvert des brèches à Greenpeace.

Chercher à faire retirer la vidéo a été une aubaine pour Greenpeace. Demander aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné à envenimé les choses.

Bref, et une nouvelle fois dans l’histoire de la communication sensible, c’est en plaçant le juridique (le droit) avant l’opinion (le débat, la morale) qu’on jette de l’huile sur le feu.

Pour autant, la campagne montre-t-elle le rôle déterminant du community manager ?

On aurait tort de croire qu’un bon community manager, ou un bon community management, aurait permis de rééquilibrer la situation (voir l’analyse très juste d’Anthony Poncier): le community management ici aurait surtout pu éviter quelques erreurs :

–       la demande de non-utilisation du logo détourné

–       le trop grand nombre de statuts qui montrait une forme de panique

–       les réponses sèches à certains internautes, qui ont donné lieu à des captures d’écran qui sont en effet assez hallucinantes. L’humilité est pourtant l’une des premières valeurs à s’appliquer en situation sensible. Ici, la tonalité employée est évidemment inadmissible de la part d’une entreprise… C’est en réalité celle d’un individu, forcément rendu nerveux par les événements, et on ne peut faire que l’hypothèse d’une trop grande liberté laissée à l’administrateur de la page.

Cela dit, je trouve injuste de dire que Nestlé n’a pas géré ou a fait preuve de l’amateurisme le plus total.

Des erreurs plombantes ont été commises, cf. ci-dessus, mais c’est assez facile de charger l’entreprise et on notera que Nestlé a quand même :

–       fait preuve de réactivité : réponses quasi-immédiates sur le site du groupe, certes dans une tonalité très corporate, mais elles étaient là et bien là

–       systématiquement renvoyé sur ces positions qui n’ont pas bougé

–       observé un principe de « laisser parler », quitte à laisser sa page facebook se faire vandaliser

–       publié son mea culpa quant à son attitude

Quelle organisation pour les médias sociaux ?

On peut se demander à qui reportait l’administrateur de la page Facebook Nestlé, ce qui pose justement la question de l’organisation de la fonction social media dans l’entreprise.

Derrière cela, il y a deux choses :

–       la question du profil du community manager

Si vous vous êtes intéressés au cas, vous aurez déjà lu plusieurs fois qu’il faut cesser de confier des postes de community managers à des juniors juste parce qu’ils sont de la génération Y. C’est tout à fait exact. Jeremiah Owyang : « voyez votre page Facebook comme un point de vente. Le confieriez-vous à un junior ? ».

La compétence est complexe parce qu’elle suppose à la fois une compréhension des codes des médias sociaux (et on observe de sacrés gaps culturels entre, disons, les moins de 35 ans et les plus de 35 ans) et une compréhension des enjeux de marque (rare chez les juniors), voire du porte-parolat (qui demande carrément d’être très senior).

C’est aussi une compétence qui s’encadre : par exemple avec des guides d’animation des médias sociaux et des formations à l’animation des espaces sociaux. Pas de solution miracle pour autant : le community manager va apprendre l’essentiel en marchant.

–       la question du pilotage de la fonction.

Je suis effaré de voir ReadWriteWeb (dont vous aurez compris que le papier m’a quelque peu… agacé) écrire que les agences de communication doivent être hors du coup, c’est une grave méconnaissance du rôle des agences qui sont là pour conseiller (et justement pour éviter aux entreprises de commettre des erreurs), pas pour piloter… Mais passons.

Plus globalement, il s’agit de savoir si la fonction community management relève du marketing (ce qui fait sens sur Facebook quand on est sur une page de marque, outil de relation client avant tout), de la communication (ce qui fait sens pour un espace d’entreprise), d’une autre direction ou d’un autre service.

Le ou les community managers de Nestlé viennent-ils d’une culture marketing ou réputation ? Dans un cas de crise comme ici, c’est en tout cas à la communication de piloter, pas au marketing. Les process internes doivent donc permettre à la com de prendre le lead.

Quid du porte-parolat sur les médias sociaux ?

Et oui, une entreprise cotée a des obligations et on voit ici à quel point les médias sociaux sèment la zizanie dans l’organisation de la communication des entreprises : un statut, un commentaire sur Facebook restent des prises de position publiques de la compagnie… Les procédures de validation ont parfois du bon.

Un problème de stratégie ?

On a aussi beaucoup lu dans les billets d’analyse de cette crise Nestlé que cela montrait que Nestlé n’avait pas de stratégie médias sociaux, pas de réflexion, que cela montrait qu’on avait juste lancé un outil, etc.

Peut-être est-ce le cas, peut-être pas, je n’en sais rien : personnellement, je ne crois pas que Nestlé partait de zéro ou a construit tout cela n’importe comment ; mais je crois surtout que la question posée ici est celle de la bonne gestion de crise plutôt que de la bonne stratégie médias sociaux.

Car ce n’est pas en définissant des principes de bonne conduite sur sa page Facebook que l’on empêche des militants d’ONG motivés de la pourrir.

Comment gérer les attaques ?

C’est ici qu’il ne faut pas confondre expertise des médias sociaux et expertise de la crise. De nombreuses entreprises se préparent aux situations de crise en réfléchissant sur la nature des risques, les scénarios possibles, en définissant des process et des responsabilités et en formant leurs équipes. D’autres ne le font pas et ce cas vient rappeler qu’il est tout simplement bon de se préparer.

Rien de nouveau sous le soleil : il faut se préparer aux crises, entretenir son état de préparation… et intégrer la dimension social media dans la crise, à plusieurs niveaux :

–       dans l’analyse des risques (les médias sociaux font naître de nouveaux risques ou permettent à des signaux de se propager plus facilement)

–       dans la fonction de veille (savoir ce qui se dit en situation sensible)

–       dans la gestion de crise (du site corporate aux espace sociaux, en passant par les moteurs de recherche), ce qui suppose a minima d’intégrer un spécialiste du web dans la cellule de crise. Voir notre billet « 15 trucs pour la communication de crise en ligne ».

Qu’aurait pu faire Nestlé ?

En dehors de toutes les considérations de stratégie ou d’organisation, la réponse n’est pas franchement simple.

Il me paraît d’abord difficile, comme je le disais ci-dessus, de se fixer comme objectif de calmer les ardeurs de militants d’ONG. Ils ne sont pas là pour être de bonne foi avec Nestlé et feront tout ce qu’ils peuvent pour appuyer là où ça fait mal. Avec ce type de public, c’est une bataille de communication qui s’engage, mais l’enjeu est la décision industrielle (raccourcir le délai de 2015 comme horizon pour une « huile de palme 100% durable », entre autres).

Au mieux peut-on donc ne pas envenimer la situation, ce qui consiste souvent à faire le dos rond.

De plus, il s’agit d’un sujet où la marque n’aura pas d’ambassadeurs : on ne peut pas imaginer de voir la conversation s’équilibrer d’elle-même.

Il aurait sans doute fallu davantage de proximité dans la formulation des positions : la production d’une vidéo questions – réponses avec la Président ou l’autorité compétente chez Nestlé aurait peut-être permis de mieux faire comprendre les positions de la compagnie et permis d’équilibrer le débat.

Je ne crois pas à la possibilité de cantonner le débat dans un onglet spécifique de la page Facebook prévu à cet effet. Je pencherais plutôt pour la définition d’une politique d’usage de la page Facebook qui renverrait l’intégralité de la discussion « huile de palme » sur un espace type plate-forme de feedback (« si vous souhaitez parler de l’huile de palme, rendez-vous sur notre espace dédié »), plus facile à modérer.

Maintenant, faut-il ou pas supprimer les commentaires négatifs qui continuent à être postés en permanence, telle est la question. C’est tout à l’honneur de Nestlé de les laisser en ligne, mais ça fait sacrément désordre.

Franchement ? Comme Cédric Deniaud, qui a à mon avis produit la meilleure analyse du web francophone sur le sujet, je définirais le « contrat social » de la page Facebook et une fois que l’espace de « discussion » sur l’huile de palme (et/ou d’autres sujets) est créé, je renverrais la totalité des conversations dessus, quitte à supprimer les commentaires « hors sujet ».

La bonne nouvelle pour Nestlé, c’est que la critique se lasse toujours. Nestlé doit donc aussi et surtout reprendre le cours de l’animation de sa page avec son flux d’infos et d’annonces, et reprendre la question de son organisation social media et process de crise.

LES ENSEIGNEMENTS

Allez hop, on résume en 10 points clé :

  1. Cette crise nous apprend que les attaques contre les marques peuvent se faire de façon de plus en plus sophistiquée, en s’engouffrant sur les espaces sociaux des marques.
  2. Facebook (beaucoup plus que Twitter) est le lieu à risque, de par la population massive qu’on y trouve d’une part, de par la liberté de s’exprimer que les fonctionnalités permettent.
  3. Quand la logique juridique prend le pas sur la logique d’opinion, on risque le pire. Les codes du web s’accomodent mal des réglementations : les entreprises sont renvoyées à des interrogations morales et ne peuvent se réfugier derrière le Droit.
  4. Tous les cas de démonstration de l’impact du web, comme celui-ci, sont utilisés par les professionnels de la profession à des fins prosélytes. C’est à la fois normal et polluant, mais cela invite à bien se poser la question de l’impact réel.
  5. Cette crise peut être qualifiée de crise à fort impact, mais on n’est pas pour autant devant quelque chose de dévastateur (notamment parce que l’impact dans les médias audiovisuels ne semble pas clair et massif)
  6. L’activisme est avant tout un truc anglo-saxon. Très clair ici.
  7. C’est grâce aux erreurs de Nestlé que Greenpeace a réussi sa campagne.
  8. Cette crise pose la question de la réflexion de l’entreprise sur la gestion de ses risques, plutôt que de celle de sa stratégie médias sociaux (mais elle ne l’empêche pas pour autant). Il faut plus que jamais se préparer aux risques (évaluation, scénarios, process, formations), et y intégrer la dimension médias sociaux.
  9. La bonne gestion des médias sociaux est avant tout une question d’organisation pour les entreprises, et une question complexe. Nécessité d’avoir une stratégie claire, besoin de profils seniors, de multi-compétences, enjeux de périmètres entre la communication et le marketing, ROI à expliciter : c’est la quadrature du cercle et il faut faire des choix.
  10. Chaque espace social doit avoir une vocation clairement définie : le mythe de la transparence et du laisser-faire doit être dépassé. Laisser publier des messages négatifs revient in fine à les encourager (enfin, à ne pas les décourager). Et à ce sujet, Facebook est davantage un lieu à vocation « marketing » que « corporate ». Même si les deux ne s’excluent pas toujours.

27 réponses à “Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace

  1. Et le fait que le gus chez ReadWriteWeb qui ait écrit cet article ait monté deux énormes agences web, ça ne vous effare pas encore un peu plus ?

    Bis répétita, les agences ne sont pas en mesure de gérer ce genre de crise, c’est sur un dispositif interne qu’il faut pouvoir compter (j’imagine que vous travaillez en agence, d’où cet effarement).

    • François Guillot

      Bravo d’avoir lu le billet si vite ;-). Pour vous, agence de com et agence web c’est la même chose ?

      Je réagis en effet sur le fait que vous dites que le pilotage ne peut pas être confié à une agence : mais ce n’est pas son rôle, une agence c’est un conseil ! Le pilotage se fait forcément en interne. Vous dites que l’agence augmente le risque de fuite : ça me semble être quelque chose de très contrôlable et d’assez périphérique. Les agences, pardon les bonnes agences, conseillent, orientent, évitent des erreurs, etc.

      En l’occurrence ici personne ne sait quel a été le rôle d’une ou des agences de Nestlé mais une agence avec une culture de conseil en com de crise n’aurait certainement pas conseillé à Nestlé d’user d’arguments juridiques ou de poster presque une dizaine de statuts sur Facebook en l’espace d’une demi-journée.

      Ca n’empêche l’enjeu d’organisation interne qui est crucial et sur lequel je reviens par ailleurs (et sur lequel je pense qu’on se rejoint).

      Et donc oui, je travaille en agence. Une agence avec une culture corporate et réputation, pas que web, ce qui m’est cher car je ne suis pas sûr que les structures tout-web ou tout-offline puissent conseiller de façon complètement indépendante.

      • En l’occurrence, les agences (enfin, surtout Babel) dont je parle faisaient les deux, et pour fréquenter de près de gros acteurs du CAC qui anticipent de telles crises, je peux vous garantir que confier leurs petits secrets à leurs agences ne leur viendrait pas à l’esprit, notamment quand il s’agit de problématique financières ou qui sont liées à cela.

        Mon argumentation pour ne pas confier cela à une agence (360, mix web/off, whatever) est plus évoluée que vous semblez le croire 😉

      • François Guillot

        Je sais que vous argumentez beaucoup mais justement je trouve que c’est particulièrement définitif de mettre les agences hors jeu sur ce type de problématiques.

        Perso je travaille plutôt pour des groupes dans le même type de profil que celui de Nestlé (grande conso / groupes internationaux), et je suis loin de penser que tous les secrets sont partagés avec nous, mais ça n’empêche pas de faire du conseil en crise.

        Et là on est devant une problématique dont la complexité est telle qu’il me semble difficile d’espérer que l’interne puisse les porter et de pouvoir se passer de conseils (que je mets au pluriel car la réunion de l’ensemble des compétences requises est une espèce de gageure)…

    • Je suis en partie d’accord avec François.

      Oui Fabrice beaucoup d’agences actuelles n’ont pas compris les enjeux liés communication et relation (pour ne pas en citer d’autres) liés à développer une stratégie sur les médias sociaux (je ne te parle meme pas de celle qui ne pensent meme pas en terme de stratégie). Mais toutes les agences ne sont pas à mettre dans le meme panier.

      Il y a une vraie demande aujourd’hui des annonceurs sur une meilleure compréhension des enjeux. Le cas Nestlé permet d’appuyer une évangélisation en interne sur les enjeux, risques et opportunités. I&E fait partie des rares agences du marché qui ont compris cela. Après il est vrai entre ce qu’une agence comprend et ce qu’elle vend c’est délicat. Les agences de veille vendent de la veille, les agences de comm vendent de la comm. C’est le jeu… là où il est vrai les enjeux appellent surement une réflexion plus globale qui doit être menée en interne au sein des entreprises mais qui doit savoir être accompagné. C’est là clairement le rôle du fameux Social Media Strategist et d’acteurs comme toi ou moi qui apportont un oeil indépendant sur ces réflexions.

      • Hum… tu travailles pas en interne chez un… annonceur (on va dire ça comme ça) qui a préféré internaliser cette dimension plutôt que de la confier à une agence, toi ? 😉

        C’est un cas typique, car Dieu sait que s’il est un ‘annonceur’ qui doit gérer un paquet de crises à la Nestlé, c’est bien au sein de la cellule que tu anime que cela va se gérer, pas en agence. Le fait qu’ils aient opté pour le recrutement en interne d’un pro qui comprend bien ce genre d’enjeux est assez parlant, IMHO.

      • François Guillot

        Merci pour la pub ;-). L’image de compétence en social media des agences a été entâchée par les nombreuses erreurs qui ont été faites mais qui font partie d’un apprentissage global. Après tout, c’est le far west.

        Ensuite, la réunion de l’ensemble des compétences souhaitées pour être au top, à mon avis, n’existe pas (fort en conseil + fort en crise + grosse compréhension des médias sociaux + conseil en orga + compétence marketing et corporate + compréhension des enjeux on et off).

        Entre les deux, il y a plein d’agences capables de faire plein de choses. Les annonceurs ont besoin d’être conseillés.

      • François Guillot

        @Fabrice : mais en fait je crois que c’est un faux débat ! Il est urgent pour les annonceurs de se construire ou d’acquérir des compétences social media en interne. Cela n’empêche en rien qu’ils aient besoin de conseil. Je crois vraiment que ce n’est pas une question internalisation / externalisation.

  2. Pingback: Tweets that mention Allez, mon billet Nestlé - Greenpeace - Facebook est en ligne : -- Topsy.com

  3. Il semble que Nestlé a commis une autre erreur que tu ne mentionnes pas : lors de la manifestation devant le QG en Grande-Bretagne, une affiche incitait les passants (et donc les employés sur le chemin du travail) de se connecter à une page du site Greenpeace à une heure précise. Nestlé a paniqué et bloqué l’accès à cette page. Du coup, au lieu que chaque employé se connecte puis revienne à ses moutons, chacun a parlé avec son voisin pour savoir ce dont il retournait, trouver celui de l’étage qui avait un iPhone et pouvait se connecter malgré tout…

    • François Guillot

      Je ne savais pas. Comment Nestlé peut bloquer l’accès à une page Greenpeace ? Argument juridique, again ?

      • ils ont bloqué l’accès au site Greenpeace à leur employés utilisant leur machine au bureau, Dieu merci ils ne peuvent pas aller plus loin (tant qu’Acta n’est pas en place).

      • François Guillot

        Accès bloqué en interne. I get it.

      • Je peux me tromper mais… J’imagine que le site de Greenpeace a été bloqué pendant toute la crise et pas seulement l’heure de rendez-vous fixé.
        C’est une sage décision pour éviter que les employés ne multiplies les perches tendues à l’ONG non?
        Et puis c’est une décision interne, et je doute que l’impact ce soit répercuté ailleurs qu’en interne.

        Papier intéressant sinon… Je rejoins l’idée d’utiliser une agence pour conseil dans ce cas précis, à condition qu’elle ait une réelle expérience en communication de crise parce que c’est une communication qui n’a rien à voir avec la com’ classique ou le marketing.

        Le réel défi ici est aussi de savoir estimer l’impact potentiel de la campagne de Greenpeace et des interventions sur les médias sociaux. Je pense que la personne qui a commencé à répondre n’a pas du tout anticipé l’impact possible de son activité et il y a surement eut une réunion de crise avant le mea culpa.

        C’est aussi bon de rappeler qu’il faut relativiser l’impact de toute cette « crise » comme vous l’avez fait. Le paragraphe sur l’intelligentsia des médias sociaux m’a fait beaucoup rire tant il est réaliste. La preuve, si j’ose dire, c’est qu’en tant qu’étudiant en marketing je n’ai découvert cette histoire qu’un mois plus tard. Le consommateur moyen doit encore manger ses barres chocolatées à l’huile de palme sans le moindre complexe :).

        Le suis curieux du choix de Greenpeace par contre. Justement je sais qu’en cours on a vu que Nestlé promettait de changer de fournisseurs pour des plantations « durables ». N’y a-t-il pas de plus mauvais élèves qu’eux? Et si c’est le cas, bien que je comprenne le choix d’une groupe tel que Nestlé comme cible, ce qui m’inquiète dans ce billet c’est le potentiel pouvoir de nuisance injustifié d’un buzz bien géré.
        Savoir diffuser un message négatif peut avoir un impact important sans même avoir à se justifier de sources ou du bien fondé de la critique. En baignant au quotidien dans ce milieu, je pense qu’on est parfois hors de la réalité… La e-réputation, les médias sociaux et même internet fait encore peur à certaines entreprises (je ne parle pas du CAC 40) et c’est parfaitement compréhensible même si ce n’est pas justifié.

  4. raaaaa!!!
    les renforts du web monitoring arrive après que la cavalerie analytique ait finit sa charge!

    dommage, again?

    http://bienbienbien.net/2010/04/02/la-crise-du-lien/

  5. Perso, je trouve qu’on n’évoque pas assez le professionnalisme de la MARQUE Greenpeace, qui elle, a su trouver la parfaite stratégie de conseil + génération de crise + compréhension des médias sociaux + d’orga + marketing et corporate + compréhension des enjeux on et off !! 😉

    Lancer un boycott sur une marque de barres chocolatées (et par extension, un groupe agro-alimentaire) juste avant les fêtes de Pâques relève d’une très grande finesse calendaire…

  6. Merci pour la citation dans l’article

    Je partage en grande partie l’analyse du billet notamment sur le rapport entre gestion au quotidien des medias sociaux et gestion de crise qui renvoi à d’autres pratiques voir compétences.

    Cependant, même si le titre de Fabrice est assez « hard », je ne crois pas qu’on puisse dire que cela va faire peur aux entreprises. Il y a quelques années sans doute, mais aujourd’hui toute les entreprises savent qu’elles ne peuvent ignorer le web. La question n’est dois-je utiliser les médias sociaux, mais plutôt comment (ce qui est une différence significative). On en revient à quelle stratégie et pratiques et non pas juste une présence sur le web pour faire comme tout le monde.

    Mais souvent les entreprises apprennent des crises, c’est le cas de Dell, dont l’entrée sur les médias sociaux a été plus que mouvementée et qui aujourd’hui est souvent citée en exemple, notamment pour son utilisation de twitter.

  7. Je suis d’accord avec toi : bien que le community manager n’ait pas brillé, il n’est pas responsable de tous les maux. Cela dit, ce sera intéressant de voir à les effets à plus long terme car au final, si ce n’est pas dans les médias de masse, et que ça n’influence pas le cours de bourse à long terme, quel est vraiment l’effet de cette crise (à part avoir perdu quelques clients)?
    J’ai l’impression que cette crise à relier à une stratégie du silence de Nestlé, qui semble peu communiquer en tant que groupe : est-ce que cela ne plaide pas pour plus de communication corporate sur le long terme, plus de story telling de marque ?
    Dernier point : je comprends bien l’idée de déplacer le débat dans une autre zone, plus facile à modérer. Mais j’ai du mal à me rendre compte de sa réalisation : tu postes le même message 15 milliards de fois et tu effaces tous les comms de la page ? est-ce que ça ne risque pas de jeter encore de l’huile (de palme bien sûr :)) sur le feu ?

  8. Excellent papier : documenté, utile et intéressant… Merci !

  9. Excellente analyse comme d’habitude. En revanche, la posture à prendre face à une avalanche de commentaires négatifs me semble assez inextricable…

  10. merci pour cette synthèse fort instructive!

  11. Pingback: Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace | Owni.fr

  12. Bonjour François,
    Merci pour ce débat.
    Petite contribution sur le sujet:
    Gestion de crise Internet – Ne pas confondre « risk management » et « community management »
    http://www.xeres.com/xerescom/2010/04/gestion-de-crise-internet-ne-pas-confondre-risk-management-et-community-management-.html

  13. Pingback: links for 2010-04-13 « Alan Vonlanthen's blog

  14. Pingback: Nestlé Vs Greenpeace en 2 billets — Blog d'un WebActeur !

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