Le blog est-il mort ? Le débat (à la fois très déstructuré et très ethnocentré) qui a agité la blogosphère (voir ici, là, là, là, là ou encore là) et (un tout petit peu) les médias fin août dernier trouve un prolongement avec la conférence Apple Expo sur l’avenir des blogs qui aura lieu samedi 29 septembre.
C’est l’occasion d’esquisser des réponses aux questions qui sont posées : le blog est-il passé de mode ? Est-il supplanté par les nouveaux outils de publication comme Facebook et Twitter ? Quelle sera son influence dans le débat public ?
A vrai dire, ce débat était attendu depuis un bon moment : la surchauffe qui a alimenté les fantasmes autour des blogs depuis deux bonnes années ne pouvait pas nous emmener ailleurs. C’est donc finalement un débat assez sain, qui peut permettre de recadrer des idées reçues exagérées dans un sens (« le blog est mort ») comme dans l’autre (« les blogs sont la révolution de l’information »).
En préambule, il me semble utile de rappeler que cette réflexion se heurte à 2 écueils :
– le fait que le blog ou plutôt « les blogs » sont un univers extrêmement divers et donc difficile à décrire : je suis toujours gêné par les « les blogs ceci, les blogs cela »…
– le fait que les blogs ne sont qu’une composante des médias 2.0. La question la plus fondamentale dépasse les seuls blogs : il s’agit de comprendre comment les individus s’expriment et avec quel impact. C’est une question de société, alors que la question des seuls blogs, du seul Facebook, du seul journalisme citoyen, des seuls commentaires dans les médias online etc., relève davantage du débat d’expert.
Mais nous sommes justement sur un blog qui se veut expert donc on se lance. Qu’est-ce qui pourrait faire dire que le blog en tant qu’outil de publication, est mort, ou plutôt, en perte de vitesse ?
1. Les chiffres. Mais je ne crois pas beaucoup à l’intérêt des chiffres comme « X% des internautes lisent des blogs » ou « Y millions de blogs existent en France ou dans le monde ». Ils négligent d’une part le rôle de la recherche d’information dans le surf (on ne lit pas un média online comme un média papier), d’autre part le niveau réel d’activité des blogs.
Que ces chiffres augmentent ou baissent ne nous apprend donc pas grand-chose, et il est bien normal que le nombre de blogs créés ralentisse, par un double effet d’apprentissage (on expérimente le blog, puis on se rend compte que ce n’est pas nécessairement l’outil d’expression qu’il nous faut) et de saturation (la croissance n’est pas infinie).
2. Les blogs qui ferment. Je ne crois pas non plus que la fermeture récente de quelques blogs historiques ou emblématiques (le Domaine d’Extension de la Lutte qui annonce sa fin puis change de mains) ou des changements de positionnement, puissent amener à une conclusion généralisée : ces fermetures viennent surtout nous rappeler le caractère par essence intermittent des blogs. Un blog vit et meurt. Un blog, c’est chronophage et sa vie est aléatoire car le plus souvent l’auteur n’est pas rémunéré. Il est tout à fait normal que des blogs, fussent-ils « influents », meurent. Que des blogs meurent ne signifie pas que le blog est mort.
3. L’après-élections. Il était parfaitement prévisible que la blogosphère politique connaisse à la fois une agitation et un certain succès jusque début mai, puis que l’audience des blogs concernés retombe. Là non plus on ne peut pas en conclure que « le blog est mort », mais plutôt qu’il accompagne les grands événements de société.
4. Une nouvelle concurrence. Celle des Twitter, Facebook & co. Mais si les blogs sont concurrents des réseaux sociaux, c’est uniquement en tant qu’outils d’expression personnelle. Car ces différents outils n’ont pas la même vocation que le blog et finalement le complètent assez bien :
– un blog est un carnet de bord, il s’inscrit dans la durée et est relativement chronophage par définition ; il peut être ouvert au monde si son auteur le veut bien
– un réseau social (je parle de mon expérience Facebook) est un trombi géant et dynamique qui correspond beaucoup mieux à des tas de gens ; il est par définition centré sur l’individu
Finalement ce dont on s’aperçoit, c’est que le temps (qui efface l’effet de mode) et l’émergence de nouveaux outils 2.0 viennent plutôt clarifier le paysage des blogs en donnant le choix à l’utilisateur de l’outil qui lui convient le mieux pour s’exprimer. La blogosphère était, et reste, un incroyable et bordélique fourre-tout, mais avec un peu de recul elle est mieux comprise : maintenant, quand on blogue, on sait davantage pourquoi et on sait ce que cela implique. Et on a compris que les blogs font beaucoup de commentaire et très peu d’information.
Dans cette blogosphère consolidée ou « rationalisée », on aura moins de blogs morts ou morts-vivants, sans audience, sans idées ou purement auto-centrés (pour ça il y a d’autres moyens). Si c’est cela la mort des blogs tant mieux… mais je parlerais plutôt de fin d’une époque des blogs. Fin d’un âge d’or, avec ses pionniers, ses effets d’emballement et ses expérimentations. Ce n’est pas le blog qui est mort, c’est l’époque 2002-2007.
Oui, les blogs sont en perte de vitesse : ils ne sont plus en excès de vitesse, mais en vitesse de croisière. Le paysage est plus installé, même si toujours foisonnant et dynamique. Les blogs occupent une place assez bien cernée dans le paysage médiatique : celui-ci a pris une forme de longue traîne et les blogs en sont essentiellement la partie basse.
En revanche, il est certain que l’avenir des blogs n’est pas le même si on en vient à les reconnaître comme potentiellement influents ou comme un simple outil d’expression.
Et la question de l’influence des blogs reste très ouverte : un outil comme Facebook a peut-être davantage de potentiel d’influence collective que les blogs, avec l’effet « pétition » qu’il permet (ce que mon ami Emmanuel appelle le nouveau consumérisme). Les blogs, eux, ont à mon sens une influence ou plutôt des influences de niche, d’ailleurs très imprévisibles : ils sont influents quand ils soulèvent le bon sujet, au bon moment, avec les bons arguments.
Si l’avenir des blogs est réel, il sera plus ou moins radieux en fonction de l’idée qu’on se fera de leur influence. Et pour être influents, il faut qu’ils soient utilisés dans une logique d’influence : l’avenir des blogs dépend aussi de l’usage que leurs auteurs en feront.
Edit 02/10 – Il fallait être là : les comptes-rendus de la conférence ne nous apprennent pas grand-chose sur ce qui s’y est dit. Le blog n’est pas mort, mais il a du mal à exploiter toutes ses potentialités…