En forme d’hommage à André Gunthert ;-), une série de quatre billets, au titre mélancolique, histoire de voir ce qu’Internet a changé (et aller un peu plus loin évidemment). On regardera quatre champs différents : consommation, savoir, culture et ennui… à travers quatre catégories d’acteurs : les consommateurs, les intellectuels, les cinéphiles et les glandeurs.
Cela reste anecdotique (indiciaire dirait l’autre) mais j’espère intéressant.
On commence maintenant avec la consommation et un des organes de presse des publicitaires.
Publi10, sous titré le nouveau « Journal de la publicité » (oui parce qu’avant il y avait un ancien) et en date du 10 janvier 1975 nous propose sa revue de presse de la semaine. Le journal a ainsi relevé le tirade d’une sacré grosse tête. Jugez un peu :
Philippe Bouvard raconte dans « France Soir » qu’il a récemment vu dans Paris un cabriolet de marque étrangère sur les deux portières duquel son propriétaire aurait calligraphié cette inscription vengeresse : « je ne suis pas content de cette voiture »
« La vraie révolte des consommateurs passe d’abord par le réflexe de dire publiquement ce qu’on pense d’un produit.
Bien sûr, cette contre-publicité est mille fois plus efficace sur une automobile que sur un kilo de sucre. Mais dès que l’œil ou l’oreille d’un futur acheteur peut se trouver sollicité par une information défavorable, le plus humble usager tient le fabricant à sa merci. Et le fait de dire à autrui « N’achetez-pas ! » constitue un moyen de pression autrement efficace que le simple refus d’achat.
Nous pouvons donc tous être des Ralph Nader à l’échelle de notre immeuble, de notre quartier ou de notre ville. Pourquoi ne pas accrocher à la boutonnière d’un costume mal coupé un badge affirmant « mon tailleur est un sacré maladroit » ? Pourquoi lorsqu’on sort d’une salle obscure où l’on a vu un film inepte, ne pas avertir les candidats-spectateurs qui se pressent, confiants, à l’entrée ?
Seul le respect humain, la peur du ridicule et une certaine lâcheté sociale nous empêchent encore de réagir comme il le faudrait quand il faut ».
Désormais, il existe Internet et tout ces machins qui nous permettent de nous lâcher (en plus on peut être un courageux anonyme). Ce papier de Bouvard est intéressant car il évoque toutes les difficultés que nos « ancêtres » avaient pour s’exprimer et donner leur avis. Avec nos sites comparatifs, on mesure le chemin parcouru en trente ans. Pour un dernier exemple en date d’initiative consumériste très utile, rendez-vous sur trocdestrains.
Il est néanmoins remarquable que, comme tous les grands récits, le mouvement consumériste ne soit pas plus à la pointe que ça aujourd’hui. Alors que les frustrations liées à la prise de parole étaient à leur comble ces années durant, le mouvement consumériste qui aurait désormais à disposition les outils concrets de généralisation de sa politique semble assez moribond (c’est mon avis perso, je peux me tromper). Alors qu’à l’époque être audible signifiait être plusieurs – un collectif, un mouvement, une association, j’ai l’impression qu’on peut dire que le consumérisme s’est individualisé et que le net correspond très bien à cette logique là (au mieux on est communautaire ou affinitaire).