Archives mensuelles : septembre 2010

Les blogueurs sont-ils journalistes ? (intervention colloque Ethic)

J’ai eu la chance d’intervenir hier au cours du colloque organisé par le Mouvement Ethic au Press Club sur le thème de la responsabilité des médias (programme complet). On peut d’ores et déjà en lire la synthèse complète de l’excellent @olivcim qui était dans la salle.

Ma table ronde portait sur le thème « tous journalistes ? », elle réunissait Pascal Perri à l’animation, et en intervenants Jean-François Kahn, le Général Jean-Philippe Ster du Sirpa et votre serviteur, dont la tâche était de répondre à la question « les blogueurs sont-ils journalistes ? »

Marrant comme angle, car si la question est aussi vieille que la blogosphère et paraîtra dépassée à certains, elle n’a me semble-t-il plus fait l’objet de grands débats blogosphériques depuis environ deux ans [et la polémique qui avait mis aux prises, entre autres Aphatie / Birenbaum / Morandini / Versac / Embruns / Luc Mandret / Koz, et qui avait conduit Versac a fermer Versac.net — une date dans l’histoire de la blogosphère a posteriori].

Mais je suis assez content que la question ait été posée, car depuis que toute l’attention publique s’est portée sur Twitter et Facebook, on parle moins du rôle des blogs qui sont toujours là et qui contrairement à Twitter et Facebook qui sont des lieux de distribution de contenus, sont des lieux de production de contenus. Au même titre que les médias.

Les blogueurs sont-ils des journalistes, donc ? A part Narvic (dont la relecture de la prose m’a beaucoup aidé à structurer mon intervention) et quelques autres, on va avoir du mal à trouver un journaliste qui considère qu’un blogueur est un alter ego, et un blogueur qui revendique faire du journalisme… La question pourrait donc être vite réglée.

Et pourtant : il y a « être journaliste » et « faire du journalisme ».

Etre journaliste (professionnel) : on peut identifier facilement un certain nombre de différences fondamentales entre l’exercice du blog et celui du journalisme (activité récréative vs. activité principale, point de vue particulier vs. point de vue général, prisme de l’information vs. prisme de l’opinion…). « Les blogs sont des médias, mais les blogueurs ne sont pas des journalistes », dit-on par chez nous pour résumer.

« Faire du journalisme » : de ce point de vue on peut tout à fait avancer l’idée que les blogueurs pratiquent une certaine forme de journalisme, voire en inventent de nouvelles. Commentaire, opinion, point de vue, humeur, contre-pouvoir sont aussi après tout des formes de journalisme, même quand on est dans un processus de production individuel qui ne comporte pas la commande d’un rédacteur en chef ou de contrainte de format (« tu me fais deux feuillets »).

Tous journalistes ? Non, mais tous médias… Potentiellement.

Au-delà de ces questions qui sont finalement des questions de définition (qu’est-ce qu’un journaliste ? Qu’est-ce qu’un blogueur ? Qu’est-ce qu’un média ? Qu’est-ce que l’information ?), il m’a semblé utile de réfléchir à la question de la concurrence et de la complémentarité entre les deux univers.

J’ai préparé une petite présentation sur tous ces sujets que vous trouverez à la fin du billet, et dont la conclusion aurait été (si le débat ne s’était pas installé en chemin, ô joies des tables rondes) que « bloguer n’est pas sale ».

Devant un parterre de chefs d’entreprises et d’intellectuels, cette idée est fondamentale. Dans un espace public ou la webophobie est encore maîtresse, je ne peux que vous conseiller de lire, relire, partager et archiver le billet de Cecil Dijoux intitulé « Intellectuels vs. Internet : l’autre fracture numérique« . Il y explique les résistances de l’élite intellectuelle française de multiples manières et conclut ainsi :

« Il est de la responsabilité des intellectuels d’aller au delà du rejet pour s’immerger enfin dans cette culture numérique pour l’enrichir, lui donner du sens et stimuler une innovation et une créativité numérique qui s’inscrit dans la tradition culturelle hexagonale. Sans quoi, l’adoption (inéluctable) de ces outils restera sans “conscience” et, en France, le 21ème siècle n’aura pas lieu. »