Archives mensuelles : avril 2009

Sur le cas de crise Domino’s Pizza

Hop là, plus de deux mois après mon dernier billet, je sors de ma léthargie. D’abord merci à Emmanuel qui a tenu la maison tout seul comme un grand pendant tout ce temps. Ensuite, un mot sur cette absence : peut-être parce que c’était l’hiver, peut-être était-ce un contrecoup de ma boulimie blogosphérique de fin 2008, peut-être parce qu’il y a eu des vacances, mais c’est toujours avant tout une question « disponibilité d’esprit ». Disponibilité que je n’ai pas eu depuis deux mois comme vous vous en doutez.

On m’a dit plusieurs fois : « alors t’as abandonné ton blog ? », ce à quoi j’ai systématiquement répondu que « non, ça va, ça vient, ça reviendra ». Le blog reste une activité secondaire, récréative si on veut. Plusieurs sujets auraient mérité d’être traités ici depuis le début de l’année et ne l’ont pas été, comme le rapport (passionnant) de la mission Obama ou l’initiative de Skittles avec son site de marque « 100% web social » (voir l’avis de Michaël à ce sujet).

Peut-être aussi y a-t-il eu moins de débats passionnants dans notre blogosphère ces dernières semaines, sous l’effet de Twitterisation-massive-dans-les-milieux-web-medias-techno. Hypothèse, d’ailleurs exprimée dans un ancien tweet : Twitter [et Delicious] sont en train de tuer le netlinking des blogs entre eux : au lieu de faire un billet pour réagir sur un point de vue émis par un blogueur, on le twitte, et hop c’est torché.

Mais bref, ce qui m’amène, ou plutôt me ramène ici donc, c’est le cas de crise de Domino’s Pizza de ces derniers jours.

Premier point qui m’intéresse : c’est un cas de crise née sur le web. Je me souviens d’un participant à une formation il y a quelques mois, qui dans le traditionnel tour de table, avait exprimé les raisons de sa présence ainsi : « je suis ici pour comprendre l’impact réel du web sur les marques. J’en ai assez d’entendre l’histoire de Kryptonite… et pratiquement aucune autre ».

Alors si bien sûr le cas Kryptonite reste LE cas historique de la naissance d’une crise majeure en ligne (coût estimé pour la société : 10 millions de $), et si bien sûr OUI il y a plein d’autres histoires que celles de Kryptonite à raconter, il y a un peu de vrai dans ce que disait ce Monsieur : on parle des risques du web (pour les marques, encore une fois), on parle des risques du web, on en parle et reparle, mais à l’arrivée, des cas majeurs, on n’en a pas vu une floppée non plus. Alors peut-être que les entreprises évitent de mettre en service des produits aussi défectueux qu’un cadenas qui s’ouvre avec un stylo Bic, mais ce n’est sans doute pas tout.

Bref, je ne sais pas s’il faut appeler le cas Domino’s Pizza un cas majeur mais c’est en tout cas un bon cas d’école.

041309-005-dominoes-nose-cheese2Si vous n’avez pas suivi l’affaire, voici en gros ce qui s’est passé. Il y a quelques jours, deux salariés d’un magasin Domino’s Pizza en Caroline du Nord mettent en ligne des vidéos sur Youtube où on les voit sur leur lieu de travail. Et plus, précisément, où on les voit faire des trucs assez dégueu sur leur lieu de travail. Avec les produits qu’ils vendent. Comme par exemple de se mettre du fromage dans le nez avant de le remettre dans le sandwich qui va être livré chez un particulier dans quelques minutes. Ou d’éternuer sur lesdits sandwich. (Note aux fans : peut-être s’inspirent-ils de Fight Club ??)

Les vidéos ne sont plus disponibles sur Youtube mais ont été conservées et visibles par exemple sur le blog The Consumerist (BTW, c’est quoi le Consumerist français ???). Je n’ai pas la chronologie exacte des événements mais le billet de Consumerist est publié le 13 avril. On parle d’un million de vues.

Bon déjà, sur l’origine de la crise, il faut quand même relever qu’elle est intimement liée à l’hallucinantes bêtise de deux salariés. C’en est quand même assez surprenant. Toutes les marques peuvent se sentir menacées par ce genre de dérapages… mais quand même…

La suite, c’est Time qui la raconte le mieux : après avoir fait l’autruche (enfin, d’après Time, car je ne sais pas exactement ce qui leur fait dire ça…), la direction de Domino’s Pizza prend le taureau par les cornes et prend trois initiatives de réponse :

– une vidéo du Président de Domino’s USA (publiée le 15 avril), que voici :

– la publication de la position officielle sur le site accompagnée de la vidéo du Président republiée

– l’ouverture d’un compte corporate sur Twitter, également ouvert le 15 avril.

Il semblerait que les salariés de Domino’s possédant un compte Twitter aient aussi été encouragés à linker vers la position officielle sur le site corporate.

La vidéo, dans son style, n’est pas sans rappeler celle de David Neeleman, le PDG de JetBlue qui s’était excusé publiquement après que sa société a connu les pires emmerdes il y a de cela un peu plus de deux ans. C’était déjà un bon cas d’école de sortie de crise : des excuses publiques à ses usagers, des annonces d’améliorations sur le service, l’usage de la vidéo à la fois pour toucher le public en direct et pour faire oeuvre de proximité : la vidéo est 100 fois plus puissante qu’un communiqué corporate : Neeleman y apparaît sincère, fatigué, authentique. On se dit que ce type n’a pas dormi depuis 10 jours et on a de la peine pour lui.

En deux ans, la vidéo de JetBlue a été vue 350 000 fois. En une petite semaine, celle de Domino’s a été vue près de 600 000 fois.

Quelques constats : sur le nombre de vues, si les vidéos « dégoûtantes » ont été vues 1 million de fois, 600 000 pour la vidéo du Président me semble être un très bon score : un point de vue officiel est toujours moins viral qu’une bonne vidéo bien trash.

Bien sûr, cela n’empêche pas une partie des commentaires de promettre qu’ils « ne remettront jamais les pieds chez Domino’s ». Mais d’une part, on ne peut pas se sauver aux yeux de tout le monde, d’autre part il y a toujours des écarts entre déclarations et pratique, enfin les commentaires sur YouTube sont de niveau médiocre et ne seront de toute façon lus que par une minorité.

Ce bon score d’audience est peut-être dû au fait que les vidéos d’origine ne sont plus sur Youtube (à la demande de Kristy Hammonds, l’employée qui a filmé) ET au choix du nom de la vidéo : « Disgusting Dominos People – Domino’s responds ». Là où JetBlue avait intitulé sa vidéo « Our Promise To You » (choix d’intitulé classique en communication corporate mais insignifiant en SEO), l’usage du mot « Disgusting » semble montrer que le titre de la vidéo a été pensé pour la faire en réponse aux (probablement nombreuses) requêtes sur « domino’s + disgusting ».

Sur la prise de parole, le patron de Domino’s, Patrick Doyle, est sérieux mais on voit qu’il lit : il ne regarde pas exactement la caméra. Nobody’s perfect. Au niveau des messages, c’est carré, responsable et attendu dans ce type de situation : l’incident est isolé, les deux employés incriminés ont été virés et font l’objet de poursuites, le magasin fermé pour remise à niveau hygiénique, Domino’s ré-affirme que rien n’est plus important que la confiance de ses consommateurs, etc.

Le compte Twitter est plus qu’un gadget : 200 updates en 6 jours d’existence pour 1300 followers. Au niveau des chiffres, ce ne sont bien sûr jamais que 1300 personnes, mais étant donnée la typologie du twitterer il est probable qu’il y ait dans le tas un bon nombre de blogueurs et de fans de la marque, donc des leaders d’opinion en puissance pour Domino’s. Les tweets me semblent être principalement de deux ordres :

– des liens vers des articles sur l’affaire (c’est comme ça que j’ai trouvé celui de Time)

– des échanges avec des consommateurs

Il est intéressant de noter la suite de l’article de Time, qui évoque « les 5 choses que Domino’s pourrait faire » :

– bloguer

– écrire à sa base de  consommateurs fidèles / fans de la marque

– updater Wikipédia

– acheter des liens commerciaux sur Google

– arrêter de faire de la pub le temps que l’histoire se tasse

Bien sûr, toute initiative que Domino’s peut prendre peut être perçue comme un risque d’aggravtion du problème : comme le relève Time, « plus on demande pardon, plus on sait que vous avez pêché ». Mais rien ne différencie de ce point de vue la communication de crise en ligne de la communication de crise offline.

Si on revient sur les différentes initiatives effectivement prises par Domino’, on a un choix d’ensemble de moyens assez naturels étant donnée la nature de la crise (position officielle sur le site, réponse vidéo, compte Twitter). Finalement le point le plus innovant et intéressant n’est-il pas l’association des salariés de Domino’s, en les encourageant à twitter la position officielle ? Sur le web social, la marque est toujours toute petite et mal armée pour la conversation, et les initiatives qui peuvent faire que les salariés soient des ambassadeurs sont potentiellement les plus puissantes… (Référence du genre : les Social Media Guidelines d’Intel à destination de ses salariés).

Enfin, je ne trouve pas de communiqué de presse officiel de Domino’s sur l’affaire. La position officielle publiée sur le site fait office de, ce qui montre que Domino’s reste dans une logique réactive en relations médias. Ce qui peut être perçu comme une application du principe de cantonnement : à crise web, réponse web.

Et ce qui ne veut pas dire que les relations médias sont parfaitement maîtrisées, comme on le voit dans ce reportage d’une TV régionale (le point qui m’intéresse est à 0’55) :

Traduction : (alors que l’on s’aperçoit que Kristy, l’employée en question, avait déjà un « record » pour diverses affaires de menaces et de harcèlement téléphonique), « nous avons demandé à Domino’s pourquoi ils ont embauché Kristy. Réponse corporate : ce sont les franchises locales qui s’occupent du recrutement. Réponse locale : nous n’en avons jamais eue« .

La poupée Vaudou de Sarkozy : retour sur l’affaire par Jeanne Favret-Saada

Cette fois, la vidéo de la semaine fait dans le lourd, dans le dur.

Une vidéo de 50 minutes d’un séminaire à l’EHESS. Rajoutez-y le fait que le son n’est pas bon (comme d’hab dans les vidéos de la vie des idées) et vous obtenez une des vidéos les plus rebutantes de Dailymotion…

Oui, mais voilà, on y parle d’un sujet qui me tient à coeur – la poupée Vaudou de N. Sarkozy (deux billets ici et la); et l’oratrice, Jeanne Favret-Saada aura marqué plus d’un étudiant en sciences sociales (et d’un sociologue) avec son livre sur la sorcellerie en Mayenne, Les mots la mort, les sorts (pour ceux qui souhaitent en savoir plus je conseille son entretien avec la revue Vacarmes).

Le lien vers la vidéo puisque l’insertion déconne :

http://www.dailymotion.com/video/

La SCNF s’inspire d’un groupe Facebook : Quand Homer Simpson fait les annonces en gare

La veille sur Internet est souvent présentée comme une force occulte. Un fliccage soft qui renverrait au roman d’Orwell, 1984  (c’est d’ailleurs faire un peu injure à Orwell que de sortir le Big Brother alors que l’ouvrage est beaucoup plus riche et plus fin que la simple référence à Big Brother). On se souvient de la polémique autour de la veille du ministère de l’Education Nationale en pleine grêve des enseignants.

Néanmoins la veille a aussi son bon côté – un peu comme le Jedi qui peut choisir entre le côté obscure de la force et son bon côté. Bien utilisée, elle favorise le « dialogue » ou « la conversation » avec un public. Une extension du service consommateur en quelque sort (en France, le fin du fin de cette vision du marketing est tenue par François Laurent sur son blog Marketing is dead). C’est ce qui c’est passé le 1er Avril avec la SNCF.

Plusieurs groupes Facebook demandent qu’Homer Simpson fasse les annonces en gare (Petition pour mettre la voix d’Homer comme annonce dans les gares SCNF est composé de plus de 140 000 membres,ou plus anecdotique pour le remplacement de la voix sncf par celle d’homer simpson représente 120 personnes). Un « signal faible » succès de potaches comme seul Facebook en connaît. Quelques zozos rêvent d’un petit détournement… Et bien la SNCF l’a organisé pour le 1er Avril :

  • Homer interpelle un messieurs qui met les doigts dans son nez :
  • Homer chauffe la foule en délire 😉

Et le tout médiatisé en relations presse puisque, manifestement, le buzz est d’abord passé par les grands médias comme le Figaro. C’est aussi ça prendre en compte les avis et les demandes de ces usagers… Et cela prouve qu’une institution peut avoir le sens de l’humour…

Edit du 03 avril : Merci à Janny de m’avoir remis dans le droit chemin. J’ai écris mon billet trop vite et mal cherché sur FB tant et si bien que j’avais loupé un gros groupe… Erreur réparée dans le corps du billet