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Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace

Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des 15 derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS

L’affaire, donc : à la mi-mars, Greenpeace a déclenché une campagne online contre KitKat, marque du groupe Nestlé, responsable à ses yeux de la déforestation de l’Indonésie pour la production de l’huile de palme.

On peut lire une chronologie de la crise ici, et une interview de Greenpeace sur son dispositif là.

Au travers des différentes sources que j’ai pu réunir, voici une reconstitution des faits :

16 mars : le rapport Greenpeace

Greenpeace incrimine Nestlé dans un rapport sur la déforestation en Indonésie. Les victimes sont le climat, la forêt et les orangs-outangs.

17 mars : la machine se met en route

Nestlé répond dans une position officielle qu’il ne travaille plus avec le fournisseur incriminé, Sinar Mas, et dit son engagement à n’utiliser plus que de l’huile de palme « durable » en 2015. (un engagement qui semble antérieur).

Je ne suis pas sûr de savoir si cette position a été publiée avant ou après les autres événements de la journée (voir ci-dessous), mais peu importe.

Greenpeace entre en campagne avec mini-sites dédiés à l’appui, sur lesquels on trouve vidéo parodique, « kit de campagne » (avec logos détournés), information de référence, fil twitter en temps réel, connection avec Facebook, Twitter et YouTube, e-cards de Pâques, email à envoyer au Président de Nestlé, etc.

Des militants Greenpeace déguisés en orangs-outangs manifestent devant les bureaux du groupe en Angleterre.

Greenpeace poste la vidéo parodique sur Youtube, parodiant le concept « have a break » de KitKat de manière, disons, interpellante :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=VaJjPRwExO8]

Alors que la vidéo a été vue moins de 1000 fois, Nestlé la fait retirer de YouTube pour violation du copyright.

Réponse de Greenpeace : republication de la vidéo sur Viméo et information via les médias sociaux comme quoi Nestlé a tenté de censurer la vidéo.

Les militants Greenpeace commencent à poster des commentaires négatifs sur la page Facebook de Nestlé, qui compte 90 000 fans. Nestlé ne les censure pas.

Nestlé répond via un statut sur sa page Facebook qui et renvoie vers la page « statements » de son site corporate – le post reçoit 30 commentaires.

Certains utilisateurs Facebook modifient leur photo de profil au profit du logo KitKat détourné en « Killer », créant un « meme ».

En parallèle, Nestlé publie aussi sa position sur Twitter (moins de 1000 followers) et répond à deux commentaires.

18 mars

Nestlé reçoit un certain nombre de critiques sur la manière dont la page est gérée et réagit de façon sèche. Un statut demande aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné.

Nouveau statut Nestlé, reprenant la position officielle. Une quarantaine de commentaires s’ensuivent.

Le même jour, Nestlé publie un update plus détaillé sur son site corporate, sous la forme d’un questions-réponses.

19 mars : emballement sur Facebook

C’est le jour où l’activité sur la page Facebook et dans les médias sociaux sera la plus intense. Nestlé demande aux utilisateurs Facebook de ne pas utiliser le logo KitKat détourné (tout en se disant prêt à accepter tous les commentaires). C’est le premier d’une série de 8 statuts consécutifs dans la journée, qui seront commentés de 30 à 200 fois.

Nestlé publie un update de « mea culpa » sur la demande de non-utilisation du logo détourné et l’impolitesse des réponses faites.

L’histoire fait le tour des médias sociaux et de Twitter en particulier, alimentée notamment par Greenpeace qui a habillé ses pages web et médias sociaux aux couleurs de la campagne « Killer » et renvoie vers la page Facebook de Nestlé.

Nestlé republie aussi sa position sur Twitter.

Il est mentionné à plusieurs reprises que Nestlé a fermé sa page Facebook pendant quelques jours, mais je n’ai pas réussi à savoir quand exactement.

22 mars

Nouveau statut de Nestlé : « Social media: as you can see we’re learning as we go. Thanks for the comments. »

Le syndicat des producteurs d’huile de palme indonésiens publie un communiqué menaçant Nestlé de boycott.

23 mars et depuis

Greenpeace appelle a continuer à faire pression sur Nestlé : les engagements pris ne sont « pas suffisants ».

On notera aussi le très grand nombre de posts anti-Nestlé sur la page Facebook, dans l’onglet « just fans » : le rythme de publication continue à être soutenu (une vingtaine rien qu’aujourd’hui, 3 semaines après les faits). Cela continue à être le principal élément visible aujourd’hui. Nestlé ne les retire pas.

LES QUESTIONS QUE CE CAS POSE

La première question est la suivante : la crise présente-t-elle un caractère exceptionnel ?

C’est une des questions les plus importantes et la réponse est oui et non.

La campagne est-elle exceptionnelle par le caractère de l’attaque de Greenpeace ?

Pas vraiment. Les méthodes de Greenpeace sont connues et on a déjà vu de sa part des cas de campagnes :

–       ciblées contre une marque

–       produisant un rapport « choc » de référence

–       parodiant les codes et les publicités de la marque, vidéo à l’appui

–       proposant un site dédié et habillant les espaces web de l’ONG

–       équipant les militants pour faire du bruit (e-mailing au Président de l’entreprise, maintenant social media)

–       comportant des manifestations « IRL » d’activistes

Les précédentes campagnes Greenpeace contre Apple et Dove, contre la déforestation de l’Indonésie déjà, étaient de bons exemples d’un peu tout cela.

L’originalité de la campagne Greenpeace repose donc plutôt sur la combinaison des moyens proposés et sur le fait d’utiliser tous les canaux disponibles, comme la modification des avatars des militants et le vandalisme de la page Facebook de la marque.

On l’avait vu à l’occasion du « hoax » Sprite de l’été dernier : les formes d’attaques contre les marques se font de plus en plus sophistiquées. La contestation des marques et des entreprises a toujours existé, elle s’étend sous de nouvelles formes, de nouveaux territoires et avec plus de professionnalisme.

Le web social offre aux organisations qui ont des bases de militants de nouveaux moyens d’action : c’était d’ailleurs la principale leçon de la campagne online du candidat Obama.

Là où le cas Nestlé n’a pas de précédent, c’est dans le vandalisme de la page Facebook de l’entreprise ciblée. Et c’est justement sur cet espace-là que Nestlé a commis ses erreurs.

Mais dire qu’on entre dans l’ère de la web-guérilla, comme le fait ReadWriteWeb, n’aura comme effet de faire fuir les entreprises du web social dont le cauchemar est de se retrouver à gérer une situation similaire à Nestlé.

La campagne est-elle exceptionnelle par les résultats qu’elle a obtenus ?

Oui, mais pas unique pour autant. Pour répondre à cette question, je prendrais 4 indicateurs qui se veulent objectifs :

–       le nombre de vidéos vues. Greenpeace en comptabilise plus de 900 000 sur l’ensemble de la campagne. Il est certain qu’aucune entreprise ne signerait pour avoir 900 000 vues sur une vidéo dénigrante. Pour autant, on a déjà vu des phénomènes d’embrasement plus importants : les vidéos Domino’s par exemple avaient totalisé 1 million de vues en deux jours. Les vidéos Sprite sus-mentionnées n’en étaient pas loin après quelques jours d’activité. Certaines vidéos de « mauvaises pratiques » de la grande distribution ont été vues des millions de fois sur DailyMotion.

–       l’activité sur la page Facebook. Les statuts postés par Nestlé ont donc été commentés jusqu’à 200 fois, ce qui n’est somme toute pas gigantesque pour une page qui compte 90 000 fans. En revanche, sur l’onglet « just fans », c’est un véritable carnage.

–       La visibilité dans les médias de masse. Difficile d’avoir une réponse claire à cette question pourtant clé : c’est lorsque la crise bascule dans les médias de masse que l’entreprise ou la marque est véritablement en danger. Hors, il est difficile de reconstituer le bruit « offline » autour de cette affaire. On retrouve assez facilement la couverture des grands médias anglophones de la presse écrite ; en ce qui concerne l’impact télévision et radio, je n’ai pas beaucoup d’éléments.

–       l’impact sur le cours de bourse : il est réel comme le montre la capture d’écran de ReadWriteWeb. Mais pas forcément durable.

A noter enfin sur ces aspects quantitatifs : Greenpeace annonce 120 000 e-mails envoyés à Nestlé.

Le reste (billets sur les blogs, mentions sur Twitter, etc.) est surtout un gros os à ronger pour les experts en médias sociaux qui font leurs choux gras de ce genre de cas, pas si fréquents d’ailleurs, afin de démontrer l’impact du web social en matière d’opinion et de réputation.

Méfions-nous de la circulation circulaire (tous les professionnels de la communication en auront entendu parler, mais quelle part du grand public ?) et de l’ethnocentrisme du microcosme et de l’intelligentsia des médias sociaux (« les blogs que je lis en parlent, donc tout le monde en parle »).

Mais surtout, la visibilité de cette campagne, Greenpeace la doit à… Nestlé : ce qui a permis à la mayonnaise de monter, c’est avant tout la réaction de Nestlé qui a ouvert des brèches à Greenpeace.

Chercher à faire retirer la vidéo a été une aubaine pour Greenpeace. Demander aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné à envenimé les choses.

Bref, et une nouvelle fois dans l’histoire de la communication sensible, c’est en plaçant le juridique (le droit) avant l’opinion (le débat, la morale) qu’on jette de l’huile sur le feu.

Pour autant, la campagne montre-t-elle le rôle déterminant du community manager ?

On aurait tort de croire qu’un bon community manager, ou un bon community management, aurait permis de rééquilibrer la situation (voir l’analyse très juste d’Anthony Poncier): le community management ici aurait surtout pu éviter quelques erreurs :

–       la demande de non-utilisation du logo détourné

–       le trop grand nombre de statuts qui montrait une forme de panique

–       les réponses sèches à certains internautes, qui ont donné lieu à des captures d’écran qui sont en effet assez hallucinantes. L’humilité est pourtant l’une des premières valeurs à s’appliquer en situation sensible. Ici, la tonalité employée est évidemment inadmissible de la part d’une entreprise… C’est en réalité celle d’un individu, forcément rendu nerveux par les événements, et on ne peut faire que l’hypothèse d’une trop grande liberté laissée à l’administrateur de la page.

Cela dit, je trouve injuste de dire que Nestlé n’a pas géré ou a fait preuve de l’amateurisme le plus total.

Des erreurs plombantes ont été commises, cf. ci-dessus, mais c’est assez facile de charger l’entreprise et on notera que Nestlé a quand même :

–       fait preuve de réactivité : réponses quasi-immédiates sur le site du groupe, certes dans une tonalité très corporate, mais elles étaient là et bien là

–       systématiquement renvoyé sur ces positions qui n’ont pas bougé

–       observé un principe de « laisser parler », quitte à laisser sa page facebook se faire vandaliser

–       publié son mea culpa quant à son attitude

Quelle organisation pour les médias sociaux ?

On peut se demander à qui reportait l’administrateur de la page Facebook Nestlé, ce qui pose justement la question de l’organisation de la fonction social media dans l’entreprise.

Derrière cela, il y a deux choses :

–       la question du profil du community manager

Si vous vous êtes intéressés au cas, vous aurez déjà lu plusieurs fois qu’il faut cesser de confier des postes de community managers à des juniors juste parce qu’ils sont de la génération Y. C’est tout à fait exact. Jeremiah Owyang : « voyez votre page Facebook comme un point de vente. Le confieriez-vous à un junior ? ».

La compétence est complexe parce qu’elle suppose à la fois une compréhension des codes des médias sociaux (et on observe de sacrés gaps culturels entre, disons, les moins de 35 ans et les plus de 35 ans) et une compréhension des enjeux de marque (rare chez les juniors), voire du porte-parolat (qui demande carrément d’être très senior).

C’est aussi une compétence qui s’encadre : par exemple avec des guides d’animation des médias sociaux et des formations à l’animation des espaces sociaux. Pas de solution miracle pour autant : le community manager va apprendre l’essentiel en marchant.

–       la question du pilotage de la fonction.

Je suis effaré de voir ReadWriteWeb (dont vous aurez compris que le papier m’a quelque peu… agacé) écrire que les agences de communication doivent être hors du coup, c’est une grave méconnaissance du rôle des agences qui sont là pour conseiller (et justement pour éviter aux entreprises de commettre des erreurs), pas pour piloter… Mais passons.

Plus globalement, il s’agit de savoir si la fonction community management relève du marketing (ce qui fait sens sur Facebook quand on est sur une page de marque, outil de relation client avant tout), de la communication (ce qui fait sens pour un espace d’entreprise), d’une autre direction ou d’un autre service.

Le ou les community managers de Nestlé viennent-ils d’une culture marketing ou réputation ? Dans un cas de crise comme ici, c’est en tout cas à la communication de piloter, pas au marketing. Les process internes doivent donc permettre à la com de prendre le lead.

Quid du porte-parolat sur les médias sociaux ?

Et oui, une entreprise cotée a des obligations et on voit ici à quel point les médias sociaux sèment la zizanie dans l’organisation de la communication des entreprises : un statut, un commentaire sur Facebook restent des prises de position publiques de la compagnie… Les procédures de validation ont parfois du bon.

Un problème de stratégie ?

On a aussi beaucoup lu dans les billets d’analyse de cette crise Nestlé que cela montrait que Nestlé n’avait pas de stratégie médias sociaux, pas de réflexion, que cela montrait qu’on avait juste lancé un outil, etc.

Peut-être est-ce le cas, peut-être pas, je n’en sais rien : personnellement, je ne crois pas que Nestlé partait de zéro ou a construit tout cela n’importe comment ; mais je crois surtout que la question posée ici est celle de la bonne gestion de crise plutôt que de la bonne stratégie médias sociaux.

Car ce n’est pas en définissant des principes de bonne conduite sur sa page Facebook que l’on empêche des militants d’ONG motivés de la pourrir.

Comment gérer les attaques ?

C’est ici qu’il ne faut pas confondre expertise des médias sociaux et expertise de la crise. De nombreuses entreprises se préparent aux situations de crise en réfléchissant sur la nature des risques, les scénarios possibles, en définissant des process et des responsabilités et en formant leurs équipes. D’autres ne le font pas et ce cas vient rappeler qu’il est tout simplement bon de se préparer.

Rien de nouveau sous le soleil : il faut se préparer aux crises, entretenir son état de préparation… et intégrer la dimension social media dans la crise, à plusieurs niveaux :

–       dans l’analyse des risques (les médias sociaux font naître de nouveaux risques ou permettent à des signaux de se propager plus facilement)

–       dans la fonction de veille (savoir ce qui se dit en situation sensible)

–       dans la gestion de crise (du site corporate aux espace sociaux, en passant par les moteurs de recherche), ce qui suppose a minima d’intégrer un spécialiste du web dans la cellule de crise. Voir notre billet « 15 trucs pour la communication de crise en ligne ».

Qu’aurait pu faire Nestlé ?

En dehors de toutes les considérations de stratégie ou d’organisation, la réponse n’est pas franchement simple.

Il me paraît d’abord difficile, comme je le disais ci-dessus, de se fixer comme objectif de calmer les ardeurs de militants d’ONG. Ils ne sont pas là pour être de bonne foi avec Nestlé et feront tout ce qu’ils peuvent pour appuyer là où ça fait mal. Avec ce type de public, c’est une bataille de communication qui s’engage, mais l’enjeu est la décision industrielle (raccourcir le délai de 2015 comme horizon pour une « huile de palme 100% durable », entre autres).

Au mieux peut-on donc ne pas envenimer la situation, ce qui consiste souvent à faire le dos rond.

De plus, il s’agit d’un sujet où la marque n’aura pas d’ambassadeurs : on ne peut pas imaginer de voir la conversation s’équilibrer d’elle-même.

Il aurait sans doute fallu davantage de proximité dans la formulation des positions : la production d’une vidéo questions – réponses avec la Président ou l’autorité compétente chez Nestlé aurait peut-être permis de mieux faire comprendre les positions de la compagnie et permis d’équilibrer le débat.

Je ne crois pas à la possibilité de cantonner le débat dans un onglet spécifique de la page Facebook prévu à cet effet. Je pencherais plutôt pour la définition d’une politique d’usage de la page Facebook qui renverrait l’intégralité de la discussion « huile de palme » sur un espace type plate-forme de feedback (« si vous souhaitez parler de l’huile de palme, rendez-vous sur notre espace dédié »), plus facile à modérer.

Maintenant, faut-il ou pas supprimer les commentaires négatifs qui continuent à être postés en permanence, telle est la question. C’est tout à l’honneur de Nestlé de les laisser en ligne, mais ça fait sacrément désordre.

Franchement ? Comme Cédric Deniaud, qui a à mon avis produit la meilleure analyse du web francophone sur le sujet, je définirais le « contrat social » de la page Facebook et une fois que l’espace de « discussion » sur l’huile de palme (et/ou d’autres sujets) est créé, je renverrais la totalité des conversations dessus, quitte à supprimer les commentaires « hors sujet ».

La bonne nouvelle pour Nestlé, c’est que la critique se lasse toujours. Nestlé doit donc aussi et surtout reprendre le cours de l’animation de sa page avec son flux d’infos et d’annonces, et reprendre la question de son organisation social media et process de crise.

LES ENSEIGNEMENTS

Allez hop, on résume en 10 points clé :

  1. Cette crise nous apprend que les attaques contre les marques peuvent se faire de façon de plus en plus sophistiquée, en s’engouffrant sur les espaces sociaux des marques.
  2. Facebook (beaucoup plus que Twitter) est le lieu à risque, de par la population massive qu’on y trouve d’une part, de par la liberté de s’exprimer que les fonctionnalités permettent.
  3. Quand la logique juridique prend le pas sur la logique d’opinion, on risque le pire. Les codes du web s’accomodent mal des réglementations : les entreprises sont renvoyées à des interrogations morales et ne peuvent se réfugier derrière le Droit.
  4. Tous les cas de démonstration de l’impact du web, comme celui-ci, sont utilisés par les professionnels de la profession à des fins prosélytes. C’est à la fois normal et polluant, mais cela invite à bien se poser la question de l’impact réel.
  5. Cette crise peut être qualifiée de crise à fort impact, mais on n’est pas pour autant devant quelque chose de dévastateur (notamment parce que l’impact dans les médias audiovisuels ne semble pas clair et massif)
  6. L’activisme est avant tout un truc anglo-saxon. Très clair ici.
  7. C’est grâce aux erreurs de Nestlé que Greenpeace a réussi sa campagne.
  8. Cette crise pose la question de la réflexion de l’entreprise sur la gestion de ses risques, plutôt que de celle de sa stratégie médias sociaux (mais elle ne l’empêche pas pour autant). Il faut plus que jamais se préparer aux risques (évaluation, scénarios, process, formations), et y intégrer la dimension médias sociaux.
  9. La bonne gestion des médias sociaux est avant tout une question d’organisation pour les entreprises, et une question complexe. Nécessité d’avoir une stratégie claire, besoin de profils seniors, de multi-compétences, enjeux de périmètres entre la communication et le marketing, ROI à expliciter : c’est la quadrature du cercle et il faut faire des choix.
  10. Chaque espace social doit avoir une vocation clairement définie : le mythe de la transparence et du laisser-faire doit être dépassé. Laisser publier des messages négatifs revient in fine à les encourager (enfin, à ne pas les décourager). Et à ce sujet, Facebook est davantage un lieu à vocation « marketing » que « corporate ». Même si les deux ne s’excluent pas toujours.

15 trucs pour la communication de crise sur Internet

Je sais, les listes en 10 ou 15 points c’est putassier, mais sur Internet et Opinion(s), on en fait. Bon, il se trouve qu’un sujet professionnel m’amène à poser quelques idées sur la gestion de crise sur le web. J’en profite donc pour dresser quelques grands constats et principes qui me semblent pouvoir s’appliquer à la gestion de crise en ligne.

1. Le web ne change rien aux principes universels de la gestion de crise : réactivité, humilité, circonscription, etc. Mais si la crise porte une dimension web spécifique, la cellule de crise doit accueillir un spécialiste du web.

2. La rapidité de circulation de l’information en ligne crée une tentation de la précipitation à laquelle il faut résister : en situation de crise, on ne peut communiquer que lorsqu’on a réuni un niveau d’information complet, ce qui n’est le plus souvent pas le cas en début de crise.

3. Une des difficultés réside dans la bonne évaluation de l’impact du web dans l’opinion. En multipliant le bruit à l’infini (ou presque), le web crée deux réactions potentiellement contradictoires au sein de l’entreprise : la dramatisation (« vous avez vu tout ce qui se dit sur le web ») et la banalisation (« de toute façon ce n’est que le web »).

4. En cas de crise de grande ampleur médiatique, le rôle du web est secondaire. La communication web de la Société Générale au moment de l’affaire Kerviel, c’est… la mise en ligne des statements officiels sur le site corporate, et c’est tout. A partir de là, le web reprend, commente et analyse les informations distillées dans les « grands » médias. Le besoin spécifique de parler aux publics du web est faible. Les interventions chirurgicales que supposent une stratégie sur les médias sociaux (répondre à un commentaire, contacter un blogueur, etc.) doivent être mesurées par rapport aux priorités (en cas de grande crise, on parle aux masses, donc à la TV).

5. Le choix de parler ou non aux publics en ligne est le résultat d’une équation entre la part d’influence du web dans la crise et la spécificité des communautés online (si certaines parties prenantes ne sont joignables que par le canal web).

6. Comme en gestion de crise offline, produire du silence peut être un objectif. Une prise de parole en situation de crise peut revenir à jeter de l’huile sur le feu.

7. Il est essentiel de distinguer les faits des opinions. Parce que les faits se propagent plus vite que les opinions, et parce que l’entreprise en crise à intérêt à répondre sur des faits plutôt qu’à entrer dans un débat d’opinion. La prise de parole doit viser à corriger au maximum les informations erronées.

8. Au niveau des moyens, le minimum est la publication des statements officiels sur le site corporate de l’entreprise. Le dispositif de prévention doit envisager l’hypothèse où le site saute et est remplacé par une simple page avec le statement.

9. L’achat de mots-clé pour renvoyer sur le site corporate doit être envisagé : il est facile à mettre en place et crée un contrepoids en dirigeant des internautes vers la position de l’entreprise.

10. L’idée d’un blog de crise ne fonctionne pas de manière évidente : le blog porte en lui une promesse de transparence et de régularité de publication qui n’est pas évidente à tenir lorsqu’on est en situation de crise et que les éléments d’information sont difficiles à réunir. La gestion de la crise des steaks hachés sur le blog de Michel Edouard Leclerc reste une exception.

11. En revanche, l’utilisation de son compte Twitter est un moyen rapide et viral de faire connaître ses positions en renvoyant vers son site corporate, d’autant plus que les blogueurs et journalistes en ligne sont nombreux sur Twitter. Twitter apparaît en particulier comme un des meilleurs moyens de lutter contre la désinformation et permet de répondre individuellement aux questions des internautes, donc d’afficher son attention.

12. Plus généralement, le web et les médias sociaux sont des moyens privilégiés de tenir informés ses publics les plus engagés (abonnés, membres du groupe Facebook…)

13. La vidéo est un moyen privilégié de nourrir le web et d’humaniser la communication, à chaud comme lors de la sortie de crise. Revoir l’exemple de la « promesse » du patron de JetBlue il y a deux ans. Le type est sincère, n’a pas dormi depuis une semaine… on y croit beaucoup plus qu’en lisant un communiqué de presse impersonnel.

14. Toutes les mises en ligne sur les médias sociaux et le site corporate doivent tenir compte des mots-clé recherchés par les internautes, de façon à favoriser leur position en référencement naturel.

15. En situation de crise le web est aussi un terrain de veille, qui permet de comprendre l’opinion en temps réel et d’ajuster sa stratégie (off et on) en fonction.

Quelques lectures pour approfondir ? Notre analyse du cas Domino’s et tous les billets tagués « crise » de ce blog.

Vos réactions, compléments, indignations, etc. naturellement bienvenus 😉

C’est quand même injuste la crise

Quand on pense aux efforts déployés par les entreprises pour faire parler d’elles (et nous avec), et quand on voit dans quelles circonstances on parle d’elles vraiment… :

airfrance by blogpulseC’est graphiquement moins spectaculaire avec Linkscape, mais c’est le même effet (et on peut faire beaucoup plus de choses avec) :

aifrance by linkscape

Sinon et au-delà de la boutade, je n’ai pas vu beaucoup d’analyses (contrairement à l’habitude) sur la façon dont Air France avait géré (le début de) la crise. Mais ce n’est peut-être que moi.

Sur le cas de crise Domino’s Pizza

Hop là, plus de deux mois après mon dernier billet, je sors de ma léthargie. D’abord merci à Emmanuel qui a tenu la maison tout seul comme un grand pendant tout ce temps. Ensuite, un mot sur cette absence : peut-être parce que c’était l’hiver, peut-être était-ce un contrecoup de ma boulimie blogosphérique de fin 2008, peut-être parce qu’il y a eu des vacances, mais c’est toujours avant tout une question « disponibilité d’esprit ». Disponibilité que je n’ai pas eu depuis deux mois comme vous vous en doutez.

On m’a dit plusieurs fois : « alors t’as abandonné ton blog ? », ce à quoi j’ai systématiquement répondu que « non, ça va, ça vient, ça reviendra ». Le blog reste une activité secondaire, récréative si on veut. Plusieurs sujets auraient mérité d’être traités ici depuis le début de l’année et ne l’ont pas été, comme le rapport (passionnant) de la mission Obama ou l’initiative de Skittles avec son site de marque « 100% web social » (voir l’avis de Michaël à ce sujet).

Peut-être aussi y a-t-il eu moins de débats passionnants dans notre blogosphère ces dernières semaines, sous l’effet de Twitterisation-massive-dans-les-milieux-web-medias-techno. Hypothèse, d’ailleurs exprimée dans un ancien tweet : Twitter [et Delicious] sont en train de tuer le netlinking des blogs entre eux : au lieu de faire un billet pour réagir sur un point de vue émis par un blogueur, on le twitte, et hop c’est torché.

Mais bref, ce qui m’amène, ou plutôt me ramène ici donc, c’est le cas de crise de Domino’s Pizza de ces derniers jours.

Premier point qui m’intéresse : c’est un cas de crise née sur le web. Je me souviens d’un participant à une formation il y a quelques mois, qui dans le traditionnel tour de table, avait exprimé les raisons de sa présence ainsi : « je suis ici pour comprendre l’impact réel du web sur les marques. J’en ai assez d’entendre l’histoire de Kryptonite… et pratiquement aucune autre ».

Alors si bien sûr le cas Kryptonite reste LE cas historique de la naissance d’une crise majeure en ligne (coût estimé pour la société : 10 millions de $), et si bien sûr OUI il y a plein d’autres histoires que celles de Kryptonite à raconter, il y a un peu de vrai dans ce que disait ce Monsieur : on parle des risques du web (pour les marques, encore une fois), on parle des risques du web, on en parle et reparle, mais à l’arrivée, des cas majeurs, on n’en a pas vu une floppée non plus. Alors peut-être que les entreprises évitent de mettre en service des produits aussi défectueux qu’un cadenas qui s’ouvre avec un stylo Bic, mais ce n’est sans doute pas tout.

Bref, je ne sais pas s’il faut appeler le cas Domino’s Pizza un cas majeur mais c’est en tout cas un bon cas d’école.

041309-005-dominoes-nose-cheese2Si vous n’avez pas suivi l’affaire, voici en gros ce qui s’est passé. Il y a quelques jours, deux salariés d’un magasin Domino’s Pizza en Caroline du Nord mettent en ligne des vidéos sur Youtube où on les voit sur leur lieu de travail. Et plus, précisément, où on les voit faire des trucs assez dégueu sur leur lieu de travail. Avec les produits qu’ils vendent. Comme par exemple de se mettre du fromage dans le nez avant de le remettre dans le sandwich qui va être livré chez un particulier dans quelques minutes. Ou d’éternuer sur lesdits sandwich. (Note aux fans : peut-être s’inspirent-ils de Fight Club ??)

Les vidéos ne sont plus disponibles sur Youtube mais ont été conservées et visibles par exemple sur le blog The Consumerist (BTW, c’est quoi le Consumerist français ???). Je n’ai pas la chronologie exacte des événements mais le billet de Consumerist est publié le 13 avril. On parle d’un million de vues.

Bon déjà, sur l’origine de la crise, il faut quand même relever qu’elle est intimement liée à l’hallucinantes bêtise de deux salariés. C’en est quand même assez surprenant. Toutes les marques peuvent se sentir menacées par ce genre de dérapages… mais quand même…

La suite, c’est Time qui la raconte le mieux : après avoir fait l’autruche (enfin, d’après Time, car je ne sais pas exactement ce qui leur fait dire ça…), la direction de Domino’s Pizza prend le taureau par les cornes et prend trois initiatives de réponse :

– une vidéo du Président de Domino’s USA (publiée le 15 avril), que voici :

– la publication de la position officielle sur le site accompagnée de la vidéo du Président republiée

– l’ouverture d’un compte corporate sur Twitter, également ouvert le 15 avril.

Il semblerait que les salariés de Domino’s possédant un compte Twitter aient aussi été encouragés à linker vers la position officielle sur le site corporate.

La vidéo, dans son style, n’est pas sans rappeler celle de David Neeleman, le PDG de JetBlue qui s’était excusé publiquement après que sa société a connu les pires emmerdes il y a de cela un peu plus de deux ans. C’était déjà un bon cas d’école de sortie de crise : des excuses publiques à ses usagers, des annonces d’améliorations sur le service, l’usage de la vidéo à la fois pour toucher le public en direct et pour faire oeuvre de proximité : la vidéo est 100 fois plus puissante qu’un communiqué corporate : Neeleman y apparaît sincère, fatigué, authentique. On se dit que ce type n’a pas dormi depuis 10 jours et on a de la peine pour lui.

En deux ans, la vidéo de JetBlue a été vue 350 000 fois. En une petite semaine, celle de Domino’s a été vue près de 600 000 fois.

Quelques constats : sur le nombre de vues, si les vidéos « dégoûtantes » ont été vues 1 million de fois, 600 000 pour la vidéo du Président me semble être un très bon score : un point de vue officiel est toujours moins viral qu’une bonne vidéo bien trash.

Bien sûr, cela n’empêche pas une partie des commentaires de promettre qu’ils « ne remettront jamais les pieds chez Domino’s ». Mais d’une part, on ne peut pas se sauver aux yeux de tout le monde, d’autre part il y a toujours des écarts entre déclarations et pratique, enfin les commentaires sur YouTube sont de niveau médiocre et ne seront de toute façon lus que par une minorité.

Ce bon score d’audience est peut-être dû au fait que les vidéos d’origine ne sont plus sur Youtube (à la demande de Kristy Hammonds, l’employée qui a filmé) ET au choix du nom de la vidéo : « Disgusting Dominos People – Domino’s responds ». Là où JetBlue avait intitulé sa vidéo « Our Promise To You » (choix d’intitulé classique en communication corporate mais insignifiant en SEO), l’usage du mot « Disgusting » semble montrer que le titre de la vidéo a été pensé pour la faire en réponse aux (probablement nombreuses) requêtes sur « domino’s + disgusting ».

Sur la prise de parole, le patron de Domino’s, Patrick Doyle, est sérieux mais on voit qu’il lit : il ne regarde pas exactement la caméra. Nobody’s perfect. Au niveau des messages, c’est carré, responsable et attendu dans ce type de situation : l’incident est isolé, les deux employés incriminés ont été virés et font l’objet de poursuites, le magasin fermé pour remise à niveau hygiénique, Domino’s ré-affirme que rien n’est plus important que la confiance de ses consommateurs, etc.

Le compte Twitter est plus qu’un gadget : 200 updates en 6 jours d’existence pour 1300 followers. Au niveau des chiffres, ce ne sont bien sûr jamais que 1300 personnes, mais étant donnée la typologie du twitterer il est probable qu’il y ait dans le tas un bon nombre de blogueurs et de fans de la marque, donc des leaders d’opinion en puissance pour Domino’s. Les tweets me semblent être principalement de deux ordres :

– des liens vers des articles sur l’affaire (c’est comme ça que j’ai trouvé celui de Time)

– des échanges avec des consommateurs

Il est intéressant de noter la suite de l’article de Time, qui évoque « les 5 choses que Domino’s pourrait faire » :

– bloguer

– écrire à sa base de  consommateurs fidèles / fans de la marque

– updater Wikipédia

– acheter des liens commerciaux sur Google

– arrêter de faire de la pub le temps que l’histoire se tasse

Bien sûr, toute initiative que Domino’s peut prendre peut être perçue comme un risque d’aggravtion du problème : comme le relève Time, « plus on demande pardon, plus on sait que vous avez pêché ». Mais rien ne différencie de ce point de vue la communication de crise en ligne de la communication de crise offline.

Si on revient sur les différentes initiatives effectivement prises par Domino’, on a un choix d’ensemble de moyens assez naturels étant donnée la nature de la crise (position officielle sur le site, réponse vidéo, compte Twitter). Finalement le point le plus innovant et intéressant n’est-il pas l’association des salariés de Domino’s, en les encourageant à twitter la position officielle ? Sur le web social, la marque est toujours toute petite et mal armée pour la conversation, et les initiatives qui peuvent faire que les salariés soient des ambassadeurs sont potentiellement les plus puissantes… (Référence du genre : les Social Media Guidelines d’Intel à destination de ses salariés).

Enfin, je ne trouve pas de communiqué de presse officiel de Domino’s sur l’affaire. La position officielle publiée sur le site fait office de, ce qui montre que Domino’s reste dans une logique réactive en relations médias. Ce qui peut être perçu comme une application du principe de cantonnement : à crise web, réponse web.

Et ce qui ne veut pas dire que les relations médias sont parfaitement maîtrisées, comme on le voit dans ce reportage d’une TV régionale (le point qui m’intéresse est à 0’55) :

Traduction : (alors que l’on s’aperçoit que Kristy, l’employée en question, avait déjà un « record » pour diverses affaires de menaces et de harcèlement téléphonique), « nous avons demandé à Domino’s pourquoi ils ont embauché Kristy. Réponse corporate : ce sont les franchises locales qui s’occupent du recrutement. Réponse locale : nous n’en avons jamais eue« .

Polémique de la veille de l’Elysée : c’est aussi un banal dérapage de relations presse

3 lignes dans un article du JDD et la blogosphère est en émoi :

« Outre François de La Brosse qui s’occupe du site Internet de la présidence, un jeune normalien-HEC de 24 ans, Nicolas Princen, viendra renforcer ce pôle avec la charge de surveiller tout ce qui se dit sur la Toile, de traquer les fausses rumeurs et de déjouer toute désinformation à l’encontre du Président. L’objectif: contre-attaquer aussitôt. »

Pour revenir sur cette polémique, voir la remise en perspective de PR2Peer,  les conseils de veille online de Versac et la mise a point de Koz le rocker à l’attention de toutes les vierges effarouchées.

Un seul commentaire ici car tout est dit ailleurs : je suis très surpris par le nombre de commentateurs qui ont pris les 3 lignes de l’article du JDD pour une déclaration officielle de l’Elysée.

Car comment dire… Peut-on vraiment imaginer que l’Elysée ait communiqué la nomination de Nicolas Princen en disant qu’il devait « traquer les fausses rumeurs », « déjouer toute information » et « contre-attaquer aussitôt » ?

Alors soit on croit que les médias sont des machines entièrement contrôlées par l’Etat, soit on oublie de décrypter le langage du journaliste. Evidemment, ces 3 lignes sont « l’interprétation » que Florence Muracciole, la journaliste du JDD, fait de la description du job que l’Elysée lui a faite. Evidemment, l’Elysée a dû être sacrément en colère en découvrant le papier et ses conséquences sur le web. Le langage de l’Elysée est d’ailleurs très différent quand LePost lui redonne l’occasion de s’exprimer, cette fois avec ses propres mots, à ce sujet.

Tout cela est donc parti d’un banal dérapage de relations presse. Sans dérapage presse, pas de bad buzz. Ce qui nous apprend quoi ? Que le média « traditionnel » est encore le déclencheur, le faiseur d’opinion. Et que la parole du journaliste est perçue comme crédible et en l’occurrence assez faiblement décryptée. Bref, c’est un cas qui montre… l’importance des (bonnes vieilles) relations presse (traditionnelles).

Le Medef, l’UIMM et les blogueurs

Dans les relations publiques, on est tous amené à répondre à la question qui tue : « ça sert à quoi ce que vous faites ? ». Parmi les (bonnes) réponses possibles, j’insiste souvent sur un point : tisser des liens c’est aussi faire de la prévention de crise. Le jour où on a un problème, il vaut mieux que les commentateurs nous connaissent plutôt qu’ils n’aient jamais entendu parler de nous.

Illustration dans l’actualité avec Versac qui note sur les Echos.fr qu’entre le Medef et l’UIMM, c’est le Medef qui recueille les opinions favorables des blogueurs y compris à gauche. Gilles Klein se souvient avec raison que le Medef a multiplié les initiatives à destination de la blogosphère, alors que l’UIMM est au choix invisible ou opaque… Ceci expliquant cela ?

Comme le remarque Versac (sur son blog cette fois), l’affaire de l’UIMM est commentée bien au-delà du cercle de blogueurs avec qui le Medef a tisssé des liens : il ne faudrait donc pas en conclure que les seules RP du Medef lui garantissent « l’advocacy » des « leaders d’opinion » de la blogosphère. C’est loin d’être juste une question de communication, c’est aussi une question d’attitude et de fond : on préfère celui qui est engagé dans une démarche d’ouverture que celui qui est replié sur lui-même.

Mais les relations tissées depuis plus ou moins deux ans par le Medef avec des blogueurs apportent une pierre à cet édifice : on entend plus facilement l’argument de celui qu’on connaît que de celui qu’on ne connaît pas. La communication ne fait pas tout, elle traduit une attitude d’ouverture. Si on a de quoi justifier une attitude d’ouverture, on a beaucoup de cartes en mains. Si on n’a pas de quoi la justifier, mieux vaut éviter de communiquer pour communiquer. Il s’agit bel et bien de jouer le jeu.

Et hop encore une opération mal ciblée

Mauvaise pratiques, suite… et certainement pas fin. Après les agences qui se plantent, les annonceurs qui font n’importe quoi.

Car « l’émetteur » de cette approche « décalée » est bien un annonceur et non une agence comme le titre du billet de Bricablog « Les tapinades de l’agence online marketing X » le laisse penser. Marrant d’ailleurs de voir que le premier réflexe de l’auteur, Veuve Tarquine, est de penser qu’il s’agit d’une agence… Une erreur qui révèle la visibilité nouvelle des agences dans l’espace Internet et l’image qui leur est associée ?

On parle beaucoup de la fin du « off » sur ces pages, il faudrait monter un observatoire des méthodes d’approches des blogueurs puisqu’on voit se multiplier les exemples rendus publics. De gaffes en erreurs stratégiques en passant par les coups géniaux ou juste efficaces et en repassant par d’autres gaffes, il y a de quoi faire un bouquin, un blog, ou simplement un bon (prochain) post.

Droit ≠ Réputation

Des sociétés qui menacent des blogueurs pour l’utilisation des termes protégés « entreprenaute » et « web réputation », des blogueurs qui répliquent en truffant leurs billets des mots interdits… Voici 3 liens pour s’assurer que l’usage du droit n’est certainement pas la meilleure arme en termes de réputation sur Internet : Jacques Froissant, Palpitt et GuiM.

Un white paper sur le web et la crise

Je tombe grâce à mes collègues de PROI sur le white paper de OneUpWeb, une agence américaine de SEO, sur la gestion de crise sur Internet.

Ca s’appelle « Principles of Crisis Management in a Viral Age ». Téléchargez-le en cliquant ici : c’est très bien fait, agréable à lire, avec des retours sur les exemples bien connus de jetBlue et TacoBell.

Une bonne partie des conseils prodigués n’est pas spécifique au web (se préparer en évaluant risques et scénarios possibles, conseils classiques de posture comme de ne pas utiliser le registre du déni… ), mais toute la panoplie des actions web est passée en revue : RP en ligne, mini-sites, vidéo, achats de mots-clé, etc. (on voit d’ailleurs assez bien la sensibilité SEO de l’agence dans les conseils prodigués).

Aux 10 « best practices » de management listés en page 7, j’en ajouterais un qui me semble quand même fondamental : dosez votre investissement sur Internet.

Car à lire le white paper, on a le sentiment qu’on va devoir consacrer des moyens énormes à la gestion de crise en ligne. Pourtant, en situation de crise, tout ne se joue pas nécessairement sur Internet et on peut s’égarer dans les méandres de la longue traîne à vouloir parler à tous les publics en ligne et être partout sur le net.

En situation de crise, le web 2.0 fait du commentaire et l’entreprise n’a pas forcément le temps et les moyens d’aller participer au débat. La diffusion de son message auprès des influenceurs « classiques » peut suffire à assurer que celui-ci soit visible et accessible. Donc posez-vous la question de savoir quel est l’impact du web dans la crise que vous traversez : il peut être réel… ou secondaire.

Interro du jour pour raccrocher cela à l’actualité : quelles ont été les actions de crise spécifiques web entreprises par une grande banque française actuellement sous le feu des projecteurs, et dont on dit qu’elle communique très (trop) bien ?

L’affaire Société Générale : l’enseignement du rôle des blogs d’expert

Que nous apprend l’affaire de la Société Générale au sujet des phénomènes d’opinion sur le web ? Au-delà des traditionnels détournements, le principal enseignement me semble être celui du rôle des blogs d’expert, très bien résumé par Alain Joannes :

« Le fait de pouvoir suivre quasiment en temps réel des débats entre des professionnels du trading sur les agissements supposés du salarié de la Société Générale est quelque chose qui n’a jamais existé.

Aucun journaliste n’a jamais eu, pendant une enquête, une dizaine d’experts en train de s’expliquer publiquement – donc de lui expliquer – des mécanismes aussi compliqués que ceux des arbitrages sur les produits dérivés. »

On voit donc très bien l’importance que peuvent jouer des blogs auprès des médias « traditionnels » pour contribuer à diffuser largement un point de vue. Le blogueur expert éclaire le journaliste (moins expert) qui a son tour éclaire l’opinion (pas experte).

Les experts sectoriels ne sont plus une poignée d’individus médiatiques ayant des relations, mais des spécialistes, qui par une compétence technique ou analytique, apportent un éclairage. Ce que le web 2.0 change, c’est l’accessibilité à cette expertise, sa disponibilité. Encore faut-il s’en servir : l’analyse à froid du traitement médiatique de la crise nous montrera jusqu’où les journalistes ont, ou n’ont pas, intégré la richesse du web…

J’ajouterais que ce cas nous aide à relativiser le concept tarte à la crème de blogueurs « leaders d’opinion » ou de « blogs influents » : quand on est leader d’opinion, on l’est sur un champ thématique relativement restreint et dans un contexte donné. Parce qu’on est expert dans ce domaine. C’est le cas, dans le domaine de la finance, de blogs cités par Alain Joannes, comme Duo&Co.