Archives mensuelles : février 2008

L’avenir des médias (en toute simplicité)

Invité par la rédaction de Six35 à débattre avec Philippe Couve, Michel Levy-Provençal, Benoît Raphaël et Damien Van Achter sur LE sujet casse-gueule : l’avenir des médias.

Le résultat en version montée est ici, mais je vous recommanderais plutôt la version longue non coupée qui sera mise en ligne sur le PoliticShow la semaine prochaine. Ce genre de débat est à la base extrêmement difficile à cadrer et à approfondir, en plus pour ma part je n’avais pas suffisamment développé certaines idées… donc j’expérimente les joies d’un montage qui prend forcément des airs de bande-annonce.

Mais les joies du blog sont aussi d’aller au bout de ses idées comme Michel l’a déjà fait. Voici donc quelques points que j’aurais voulu développer davantage (quitte à dire des conneries comme l’exige l’exercice) :

– Le déplacement des audiences des médias traditionnels vers le web est progressif. Bien sûr, si on parle de la presse écrite, perdre environ 2% de son audience chaque année est catastrophique pour l’industrie. Mais du point de vue des usages, c’est un changement relativement progressif. Il ne faut pas confondre les usages technophiles et diversifiés des médias qui sont élitistes, et les usages traditionnels qui sont toujours bien là.

– Les écrans permettant la convergence de l’image, du son et de l’écrit et gagnant en nomadisme, ils ont de nombreux atouts pour l’avenir. Mais le format de presse écrite propose un usage de lecture confortable et nomade : il subsistera. La question est plutôt de savoir jusqu’où il va se faire grignoter par les écrans. Je pense que les nouveaux usages vont continuer à s’imposer progressivement, c’est une affaire de génération : il n’y a qu’à voir tous ces trentenaires qui n’ont un usage que minimal du web et qui ne vont pas opter pour le tout-techno demain.

– On va vers une normalisation du web, c’est à dire que le droit, la technique et les usages vont converger vers une voie médiane qui révèlera des formats de médias plus stables que ceux d’aujourd’hui qui évoluent constamment avec les nombreuses expérimentations. On observe déjà un impact stylistique (une écriture de moins en moins journalistique), la place grandissante de l’image, les formats interactifs, la cohabitation des professionnels de l’info et des amateurs au sein d’un même support… L’avenir n’est-il pas dans la mixité, quel que soit le support ?

– Les producteurs d’info brute que sont les agences de presse vont jouer un rôle encore plus déterminant.

– La demande d’information est au moins constante et l’information est stratégique dans les mieux économiques et politiques. Il n’y a pas à s’en faire pour le besoin d’information. Mais les thématiques couvertes seront de plus en plus segmentées et on pourrait voir certaines s’atrophier pendant que d’autres se développent. On verra donc peut-être surgir le débat sur un service public de l’information.

– Je crois à la voie de l’information d’enquête que seuls les journalistes professionnels peuvent produire ; cette information à forte valeur ajoutée pourra être payante – la revue XXI par exemple explore cette voie. Le web fera coexister l’information brute et les opinions ; la presse gratuite se consacrant à l’information brute (voir la nouvelle campagne de Métro ci-dessous), l’avenir de la presse écrite passe sans doute par l’enquête.

campagne métro

– Enfin et en vrac, on le voit déjà : un média, c’est une marque, capable de se décliner sous différents formats, différents supports, en information et en merchandising.

Sinon Emmanuel me dit qu’il va me démonter la gueule pour avoir parlé de « fin du média comme lien social de masse ». Je me protège en attendant.

Edit 3 mars : et voici la version longue du débat.

A propos des webreportages de Géo

geo

Mardi 19, je me suis prêté au jeu de l’événement blogueurs (en tant que blogueur, pas organisateur). Je voulais en faire l’expérience sur un sujet qui m’intéressait pour mieux approfondir la question du « mélange des genres » auquel sont confrontés les blogueurs qui travaillent dans la communication ET participent en tant que public à des événements pour les blogueurs qui peuvent être organisés par des concurrents.

Le sujet : les nouveaux webreportages du magazine Géo. Jean-Luc Marty, Directeur de la Rédaction de Géo (qui au passage ne se porte pas trop mal, avec une diffusion totale France 2007 de 330 000 exemplaires), a présenté le nouveau web reportage sur Johannesburg. Pas juste le film, mais le dispositif web (le site, la navigation, le format des reportages, etc.).

Ce qui est frappant dans les événements blogueurs, en particulier par rapport aux événements journalistes, c’est le côté « focus group » (ou « groupe conso »). Finalement l’essentiel de la discussion a porté sur la pertinence du site Géo et non sur le webreportage en lui-même. Toutes les personnes présentes donnaient un peu leur avis sur la façon dont le site était conçu. Une population de journalistes se serait sans doute beaucoup plus attardée sur ce que le reportage montre : les conditions de vie à Johannesburg, la délinquance, la situation immobilière, les conditions du reportage qui n’ont pas dû être simples, etc. Peut-être aurait-elle aussi davantage insisté sur le modèle économique du webreportage, les objectifs économiques, de trafic etc.

Le point qui a suscité les discussions les plus vives avec les blogueurs était celui de la durée des séquences vidéo. Géo a monté ses reportages par séquences d’environ 4mn, ce qui est finalement très court pour bien traiter des sujets comme les siens. L’internaute est zappeur, mais jusqu’où faut-il s’adapter ? La plupart des blogueurs présents arguaient que les films mériteraient d’être rallongés : parce que Géo table sur le haut de gamme avec son site assez design ; parce que le sujet le mérite ; parce que l’internaute-cible de Géo est sans doute moins zappeur que le dailymotioner moyen ; et peut-être aussi parce que les pratiques de consommation de vidéo en ligne sont en train d’évoluer.

Un focus group, c’est en principe une réunion où un annonceur rencontre (par la médiation d’un cabinet ou d’un institut d’études) des consommateurs pour les faire réagir sur son produit, sa pub, etc. Il bénéficie de conseils gratuits (enfin, sauf le coût de l’organisation du focus group) pour améliorer son produit. C’était vraiment le profil de cette réunion de mardi. Ceci dit et malgré une certaine forme d’unanimité de la population présente, les séquences du webreportage n’ont pas (encore ?) été rallongées. En tout cas, plus généralement, il ne faut pas négliger le bénéfice « focus group » dans la panoplie de ce que peut apporter une opération de relations blogueurs.

L’autre point qui m’a intéressé est celui de voir de l’investigation produite pour Internet. On a déjà dit ici qu’Internet que l’enquête devait rester la grande spécificité du journalisme professionnel. Les webreportages de Géo montrent une façon intéressante de mettre les moyens dont le journalisme professionnel peut disposer (et pas les blogueurs) pour faire de l’enquête et utiliser les possibilités du web pour varier les formats (la vidéo complète le papier) et approfondir les sujets. Internet doit pouvoir servir à approfondir les choses malgré la consommation instantanée qu’on en fait. J’espère donc que Géo va proposer plus de contenus, dans des formats plus longs, et qui rencontreront un large public.

Le Watermarking version INA ou la normalisation du web par la technique

Ces deux derniers jours (ici et ) j’ai évoqué l’idée d’une normalisation du web (l’expression d’ailleurs n’est peut-être pas la bonne, on y reviendra peut-être un de ses jours).

Un récent article d’Ecrans me permet de continuer sur ma lancée (il faut bien se donner des excuses, n’est-ce pas?). L’INA a développé depuis plusieurs mois une technologie de watermarking (préférez « filigrane »). Il désormais possible de savoir si les vidéos postées sont protégées par des droits. Chaque vidéo possède une empreinte numérique particulière qui peut-être scannée en amont de la diffusion sur Internet.

Cette technologie normalise donc les usages des plates-formes : fini (à terme) les épisodes de telles ou telles séries, ou les extraits (plus ou moins longs) de nos moments télévisuels préférés. Tout cela va pouvoir être mieux contrôler désormais.

Comme le dit Ecran : Dailymotion rentre dans le chemin des droits… Version moins alambiquée : Dailymotion rentre dans le droit chemin. Et ceci grâce à une technologie bien particulière.

Encore une fois, nous sommes dans une période de destruction créatrice, c’est-à-dire une période d’effervescence et de transformation. Il y a donc toujours des temps d’adaptation importants : ici il fallait imaginer et comprendre les nouveaux usages des internautes, concevoir puis développer une solution technologique, aligner les acteurs les plus importants pour l’adopter.

Ajoutez-y la pression juridique (cf. mon billet d’hier) et nous y voilà. Dailymotion et les autres plateformes se normalisent. On le voit, raisonner sur Internet toutes choses égales par ailleurs (sans penser à la force prescriptrice du droit, sans penser aux innovations techno régulatrices des usages, sans penser aux jeux d’acteurs producteurs off/on line) revient à raisonner dans le vide. Les usages ne font pas tout.

R4V3N & Cie c’est fini : la normalisation du web par le droit

mob14_1184908853.jpgJ’évoquais hier un sujet qui me tenait à coeur : l’hypothèse d’une normalisation du web de par une stabilisation des usages et des productions à mi-chemin entre l’avant garde du web et les médias traditionnels.

Dans le même temps, nous voyons la disparition des annuaires de streaming type R4v3n. Extrait du communiqué, dernier vestige de cet annuaire :

Quand r4v3n a lancé son projet d’annuaire de streaming au début 2007, nous pensions à l’époque, que faire des liens vers des sites diffuseurs de streaming qui ont pignon sur rue n’enfreignait en rien la loi. (…)

Mais suite à l’affaire Chacal-Stream de Janvier 2008, nous avons pris le temps de faire le tour des évènements judiciaire liés au streaming Français, de Juin 2007 à Janvier 2008. Nous avons pris connaissance de l’affaire MySpace/Lafesse de Juillet 2007. Ce jugement remet en question la pérennité de notre site et du concept même d’annuaire de streaming en france.

Depuis maintenant 1 an que nous existons, nous n’avons JAMAIS reçu de mail nous demandant d’arréter notre activité. A notre connaissance aucune poursuite judiciaire n’a été portée à notre encontre. Toutefois, à la vue des éléments de l’affaire MySpace/Lafesse et de chacal-stream nous décidons de stopper r4v3n de notre propre volonté. Nous suivons donc nos confrères, qui durant le mois de Février 2008, ont fermé les uns après les autres. Nous encourageons vivement les annuaires de streaming encore actifs à fermer leurs portes.

La normalisation du web s’effectue aussi (et surtout) par le droit. C’est évidemment un des outils les plus puissants pour contenir et réguler les nouveaux usages (que ces usages soient justes ou non etc. n’est pas la question).

Ainsi, les internautes peu expérimentés aux arcanes du code et du tag sur des plate-formes alternatives à Google vidéo, youtube, dailymotion etc. vont avoir du mal à trouver les vidéos de leur série préférée.

Une bonne solution donc pour endiguer les usages qui mettent en péril les modèles économiques des producteurs. L’économie traditionnelle est très loin d’avoir dit son dernier mot. Et avec le temps, ce genre de distinction n’aura plus de sens.

Le problème de la publicité dans les vidéos en ligne

Lu dans CB News aujourd’hui (papier intitulé : « Vidéo en ligne : un succès qui ne rapporte pas gros ») :

« La vidéo est la star incontestable d’Internet (…) Pourtant, ce succès d’audience ne se traduit pas en termes de revenus publicitaires. Le problème est ardu, les internautes allant sur ces sites pour regarder de la vidéo et non de la pub. Selon une étude menée par Burst Média, 77.5% des internautes considèrent intrusive l’insertion de publicités dans les vidéos. Du coup, quand ils y sont exposés, 40% stoppent le visionnage du document et 28% quittent le site sur lequel ils se trouvent (…) » (1)

CB News prend alors le point de vue du site qui doit monétiser son audience et part sur la question des modèles économiques pour les YouTube, DailyMotion et consorts.

L’autre question que pose cette problématique est celle du communicant qui cherche à faire entendre son message, et la conclusion est bien connue des lecteurs d’Internet et Opinion(s)… : la communication doit (aussi) être re-la-tio-nnelle. Le message doit être intégré dans le contenu éditorial. Bref il faut faire… des PR online. Ceci, que le format soit rédactionnel ou vidéo.

(1) Je ne lis pas les mêmes chiffres que CB News dans cette étude américaine (voir ci-dessous) : ceux-ci sont un peu moins épouvantables pour la publicité en ligne que les 40% d’internautes qui stoppent la vidéo et 28% qui quittent le site, mais l’idée est bien là…

burstmedia

Michel Lévy-Provençal contre Rue 89, un signal faible de la normalisation du web ?

info 3 voixJe ne pouvais pas ne pas m’attarder plus longuement sur un article déjà linké par François Guillot il y a quelques jours.

Rappel des faits : Un des fondateurs de Rue 89 critique ouvertement les options éditoriales prises par ses dirigeants au point de claquer la porte (en toute amitié ?). En résumé, il reproche à Rue89 une infidélité à son projet de départ (l’info à trois voix : journalistes, experts, internautes) et de n’être finalement qu’un Libé bis. Allez ici pour lire son point de vue très instructif et passionnant.

La question n’est pas de savoir qui a raison ou tort. Je me garderai bien d’avoir un avis tranché pour une simple raison : j’ai toujours été circonspect quant à la force du 2.0, etc. Je suis pour ma part partisan de l’hypothèse suivante : celle de la « normalisation du web ».

Je m’explique : l’intégration d’une innovation au sein d’une société suit plusieurs phases. Avec Internet, ces dernières années nous avons vécu dans un moment de destruction créatrice : pertes d’emplois, pertes de supports, pertes de repères qui s’accompagnent de nombreux discours optimistes sur l’avenir et de nouvelles applications en phase bêta (vous avez vu le web c’est du bêta), etc.

Mais les applications du 2.0 ont des usages socialement situés. Il n’est pas dit que tout le monde va s’en emparer. Au contraire, quand on connaît l’ensemble des travaux sociologiques sur la prise de parole et la formation des opinions, on a de quoi être dubitatif.

La normalisation du web résulte de la convergence entre deux types de nouveaux entrants :

– du côté de la demande, des internautes moins expérimentés que les avant-gardistes. Dès lors les usages les plus en pointe et les plus valorisés au sein des communautés très actives ne vont pas devenir des automatismes.

– du côté de l’offre, des producteurs traditionnels en difficulté sur leur secteur off-line et qui viennent continuer l’aventure en on (Arrêt sur Image, rue 89, Télérama, TF1 bientôt avec sa régie, Mediapart etc. et plus généralement tous les sites média en ligne). Les pure players en France et qui réussissent sont rares.

Dès lors, la critique adressée par Michel Lévy-Provençal est un bon exemple de cette normalisation : le projet de départ, l’info a trois voix, bat de l’aile. La faute à qui ? Aux internautes inexpérimentés qui envoient de mauvais papiers ? Aux journalistes qui veulent protéger leur juridiction (« les producteurs d’info c’est nous ») ? Je ne sais pas.

Ce que l’on sait grâce à MLP (et que les lecteurs de Rue89 avaient pu remarquer) c’est que Rue 89 devient un journal comme les autres. Son positionnement de départ le voulait différent, il se normalise.

Pour terminer un mot d’histoire. Prenez le projet d’origine de Libération et comparez avec aujourd’hui. Pour mémoire, un mot d’ordre lors de la création du journal était : « Peuple , prend la parole et garde-la » (tiens, cela ne vous rappelle pas les belles heures de la mythologie 2.0?). Vous connaissez la suite.

La normalisation médiatique, c’est ça (sur une question proche, vous pouvez lire ça).

Vidéo de la semaine : les casse-cous de la Défense

Cette semaine il ne s’agit pas d’une vidéo choisie pour ses vertus pédagogiques sur le web 2.0, mais parce que l’analyse de sa propagation et des commentaires associés me semble intéressante.

Cette vidéo que j’ai découverte en début de mois est l’une des plus impressionnantes que j’ai pu voir en ligne (ou même dans le zapping TV) et ne cesse de me terrifier. Mais étant persuadé que les lecteurs d’Internet et Opinion(s) sont des gens responsables qui ne vont pas reproduire ces comportements ni montrer ces images à leurs enfants :-), je me permets de la montrer. [par contre merci à Agoravox de ne pas reprendre ce billet]

Passé le frisson, un peu d’analyse (analyse de buzz diront certains).

Historique et visibilité sur DailyMotion

La vidéo originale (prise en mai 2007) a d’abord été postée le 13 janvier 2008 sur DailyMotion par un certain Johnleouf3 qui semble être l’un des 3 casse-cous.

Un gros mois plus tard, cette version intitulée « Grue Défense 2007 Bassequal » a été vue environ 15 000 fois. Mais elle a aussi été republiée par d’autres, dont Yom de Suchablog. Cette version republiée cette fois sous le nom de « 3 abrutis font des tractions en haut d’une grue » a elle été vue environ 40 000 fois et c’est la version la plus utilisée par les blogueurs qui l’ont postée. C’est aussi celle qui sort en premier lorsque l’on tape « grue » dans DailyMotion.

Les autres republications de cette vidéo n’ont pas été vues plus de 1000 fois et sont plus difficiles à trouver.

Premiers enseignements

Au total donc et au bout d’un mois, la vidéo a donc été vue environ 60 000 fois sur DailyMotion (ça ne me semble vraiment pas énorme au vu du contenu). Une version fait les deux tiers des visites et le reste se partage des miettes : on voit un effet, comme souvent sur Internet, « vainqueur prend tout ».

La version de Yom est la plus vue car elle a été publiée sur Suchablog, pas parce qu’elle a été mieux taguée. On voit donc aussi qu’une information (en l’occurrence, une vidéo), pour se propager, a besoin « d’amplificateurs » (en l’occurrence, Yom) qui s’appuient sur une audience. On voit aussi plusieurs niveaux d’amplificateurs puisque Yom cite sa source comme étant Koreus.

(Vous verrez le même raisonnement sur un autre exemple en lisant ce billet de Narvic de Novovision, qui analyse le trafic soudain et inattendu sur un de ses billets, 3 semaines après sa publication – l’amplificateur étant dans son cas Embruns).

Ces amplificateurs n’ont pas nécessairement pour fonction de transformer le message ou l’information – quoique, pour revenir à notre vidéo, c’est ce que fait Yom en décrivant les 3 casse-cous comme des « abrutis ».

Par ailleurs Yom a posté le 25 janvier, il a donc fallu 2 petites semaines pour que la vidéo originale trouve son « amplificateur » qui lui a fait rencontrer un plus large public.

Sur YouTube

La vidéo est également postée sur Youtube en 5 ou 6 versions différentes et raccourcies, où elle a été vue à ce jour environ 400 000 fois (7 fois plus que sur DM, ce qui rappelle la différence de marché entre l’américain et le français).

Là aussi, l’une des versions fait environ les 3/4 des vues totales (intitulée « Pull ups on top of a crane »). Là aussi ce n’est pas la première version postée : la plus vue est postée le 27 janvier, mais une autre version est postée sur YT dès le 24 janvier.

Mêmes conclusions : le vainqueur prend tout et l’accès au public le plus large dépend du « coup de pouce » d’un amplificateur (ou influenceur, si vous voulez). Ce qui ne veut pas dire que si Yom (2243 fans sur DailyMotion) poste votre vidéo, elle va automatiquement exploser (un bon nombre de ses vidéos n’ont pas été vues plus de 1000 fois).

Qui sont les « amplificateurs » ?

Il est également intéressant de comparer les profils des « amplificateurs » sur DailyMotion et YouTube. Sur DailyMotion, Yom est très bien identifié : c’est un blogueur et un Dailymotioner forcené (près de 1000 vidéos postées, 2243 fans donc).

Le profil de VRIESSS, qui a posté la version de référence (vue 300 000 fois) sur YouTube est différent. VRIESSS, qui est français et qui a aussi me semble-t-il un profil DailyMotion, n’a pas un public comme Yom. Que ce soit sur DailyMotion ou YouTube, il est un utilisateur régulier mais plus confidentiel (18 fans sur YouTube).

Qu’est-ce qui a donc fait que la version de VRIESSS soit celle qui a été vue plus de 300 000 fois ? Ce ne sont pas non plus les tags qui ne me semblent pas optimaux. Je n’ai pas trouvé la réponse. Mystères et joies de la viralité ? Par contre, ce qu’on peut observer, ce sont les reprises de la vidéo dans des blogs (version VRIESSS/ YouTube) grâce à Viral Vidéo Chart :

VVC grue vriesss

Il est enfin intéressant également de jeter un oeil aux commentaires associés aux vidéos.

On voit sur la version initiale postée sur DailyMotion par Johnleouf3 que les premiers commentateurs sont des proches des 3 casse-cous (« alors vous avez fini par mettre cette vidéo en ligne… »). Johnleouf3 lui-même intervient dans les commentaires, pour préciser que les 3 énergumènes ont 15 ans d’alpinisme dont 13 en option sans corde derrière eux. Un élément d’importance mais qui sera vite recouvert par le flot de commentaires et devient ensuite invisible et inaudible.

A partir de là, on voit s’organiser les différent registres de discours dans les commentaires :

– l’effroi, qui provoque l’admiration ou le respect – souvent évoqué en rendant hommage à la « virilité » de nos 3 casse-cous

– l’effroi, mais qui cette fois provoque des discours à caractère moral sur cette prise de risque. C’est le registre de l’irresponsabilité : non seulement celle des acteurs de la vidéo qui jouent avec leur vie, mais aussi celle, quoiqu’à la marge, de DailyMotion et YouTube qui en rendant la vidéo accessible peuvent faciliter l’imitation de ce comportement– contenu dénoncé par certains utilisateurs sans que l’hébergeur retire la vidéo… Ceci dit, si l’on trouve « l’incitation à la violence » dans les motifs de prohibition d’une vidéo sur DailyMotion, je ne vois pas le « comportement à risque » dans les vidéos à bannir… Et pas davantage sur YouTube.

– l’humour (« peut mieux faire », etc.)

– le hoax (« l’un d’entre eux s’est tué », « ils ont été redescendus par des pompiers »…)

– l’incrédulité (« cette vidéo est un fake »)

– plus marginalement, le rapprochement avec le PSG : le choix de la musique et l’insertion d’une image du Parc des Princes avec un son du Kop of Boulogne semble en effet révéler les préférences footballistiques des grimpeurs. D’où des commentateurs qui se voient confirmer que les supporters du PSG sont des abrutis.

La spécificité des commentaires sur YouTube me semble être celle de généraliser (dans une assez importante proportion) l’exploit aux Français en général. En clair, le commentateur de YouTube se dit que les Français ont de sacrées c……s. Ou comment, sans le vouloir, les casse-cous auront oeuvré à l’image de la France dans le monde 🙂

Que conclure de tout ça ? Plein de choses, assez connues mais qui sont bonnes à rappeler :

– La « viralité » peut prendre son temps
– L’essentiel de la visibilité d’une vidéo se focalise sur un petit nombre de versions de la vidéo (dans ce cas, sur DM comme sur YT, la vidéo de référence fait +/- 70% des vues)
– La visibilité dépend des « amplificateurs », mais la possibilité de toucher un « amplificateur » par le viral est aléatoire
– Les amplificateurs existent sur plusieurs niveaux
– Les amplificateurs peuvent transformer le message
– La viralité est imprévisible et dépend de peu de choses ; ce n’est pas forcément celui qu’on croit qui sera l’amplificateur, ni dans les proportions que l’on croit
– les tags ne semblent pas faire une différence fondamentale ici
– Une information importante qui n’est pas dans la vidéo sera totalement inaudible dans les commentaires
– Les opinions se polarisent autour du pour / contre, vrai / faux et de l’humour.

Prochain buzz à suivre : celui-ci. Vidéo prise samedi 23 février, vue 6 ou 8000 fois à l’heure où j’écris, mais déjà publiée 15 fois sur DailyMotion…

Les actus du Monde.fr linkent vers des blogs

Bien que lecteur quotidien du Monde.fr, je remarque pour la première fois ce matin que des liens de la homepage du site, dans les articles, pointent vers des blogs. En l’occurrence, les articles « La Graine et le Mulet sort gagnant de la 33ème cérémonie des césars » et « Microsoft s’ouvre, un peu » pointent respectivement vers Premières Prises, le blog de Thomas Sotinel et vers Transnets de Francis Pisani.

Cela fait déjà un moment que la page d’accueil du Monde.fr comprend une rubrique « blogs » qui pointe vers des blogs sous la marque Le Monde. Mais à moins que je sois vraiment à côté de la plaque, le fait de les linker depuis les titres des articles d’actualité doit être plutôt récent. En cela, Lemonde.fr emboîte le pas de Libération.fr qui fait la même chose depuis plus ou moins un an je pense, du Figaro.fr et de peut-être d’autres encore.

Mais il y a blogs et blogs : dans tous les cas, les blogs sélectionnés sont sous la marque du journal et tenus par des collaborateurs de la rédaction. En l’occurrence, pour les articles que je mentionne, Thomas Sotinel est chargé du cinéma et Pisani collabore sur les sujets technologiques. On n’est donc pas dans du cinquième pouvoir ou dans une démonstration de l’influence des blogs, pour reprendre le sujet à la mode cette semaine. Juste dans de la stratégie éditoriale. Qui illustre l’idée qu’un « grand média » est maintenant avant tout une marque, qui doit se décliner sur de multiples supports.

On pourrait dire qu’il s’agit de « faux 2.0 » : tout est verrouillé, le Monde, Libé ou le Figaro ne prennent pas le risque de la déperdition d’audience. Mais j’y vois plusieurs points positifs : mettre des visages sur les journalistes (très important à mon sens), créer de la proximité entre les lecteurs et les auteurs et secouer l’écriture « neutre ». C’est déjà ça.

De l’impact des blogs sur l’écriture journalistique

Emmanuel a déjà posé cette question sur ces pages (voir ici et ) : le premier impact du web 2.0 n’est-il pas culturel ? Un des exemples de cet impact culturel est dans l’évolution stylistique du journalisme professionnel – qui se met notamment de plus en plus utiliser le « je ».

Un nouvel et bon exemple de cette tendance est à lire aujourd’hui dans Libé, sous la plume de Sybille Vincendon, qui mêle style décomplexé, expérience personnelle et racontage d’un événement presse organisé par Philips (la fameuse fin du off avec laquelle on vous rabat les oreilles en ce moment).

Certes on peut arguer que Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, qui s’occupent des pages médias dans Libé, ont inauguré un style qui leur est propre et qui est autant susceptible d’influencer l’écriture de leurs collègues autant que les blogs eux-mêmes ; certes, il manque quand même dans cet article les liens hypertextes pour faire du vrai 2.0… Mais quand même. Merci à Fabien qui se reconnaîtra pour l’info.

Note : il est amusant de constater qu’en même temps qu’on écrit ici que l’écriture de Libé se rapproche celle des blogs, certains reprochent à Rue89 d’être moins un blog qu’un Libé bis…

Et hop encore une opération mal ciblée

Mauvaise pratiques, suite… et certainement pas fin. Après les agences qui se plantent, les annonceurs qui font n’importe quoi.

Car « l’émetteur » de cette approche « décalée » est bien un annonceur et non une agence comme le titre du billet de Bricablog « Les tapinades de l’agence online marketing X » le laisse penser. Marrant d’ailleurs de voir que le premier réflexe de l’auteur, Veuve Tarquine, est de penser qu’il s’agit d’une agence… Une erreur qui révèle la visibilité nouvelle des agences dans l’espace Internet et l’image qui leur est associée ?

On parle beaucoup de la fin du « off » sur ces pages, il faudrait monter un observatoire des méthodes d’approches des blogueurs puisqu’on voit se multiplier les exemples rendus publics. De gaffes en erreurs stratégiques en passant par les coups géniaux ou juste efficaces et en repassant par d’autres gaffes, il y a de quoi faire un bouquin, un blog, ou simplement un bon (prochain) post.