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The Social Network

Ca y est, j’ai vu The Social Network. LE film qui agite l’automne numérique, LE film qui par son existence même symbolise la toute-puissance de Facebook, et accessoirement LE nouveau Fincher (Seven, Benjamin Button, Fight Club : je suis fan absolu). Merci au Social Media Club pour le privilège 😉

J’avais lu ou entendu avant de le voir que le film s’annonçait tout de suite comme une réussite absolue, oscarisable, etc. Un énorme teasing donc. Verdict : oscarisable, je ne sais pas, mais effectivement c’est très réussi, et pas seulement parce que Jesse Eisenberg a réussi a se faire la même tête que Mark Zuckerberg (ou presque).

The Social Network réussit à mon avis un joli tour de force : raconter une histoire pas si passionnante que ça (des étudiants qui montent une société, on a déjà vu meilleur sujet pour un long métrage) sans tomber dans les excès du thriller (bouh ! tu es évincé de la société !), du mélo ou du drame antique (bouh ! comment as-tu pu trahir ton meilleur ami ?)… sans qu’on s’ennuie jamais. Je l’ai vu avec un copain pas du tout webologue ou blogueur, qui l’a peut-être trouvé un petit peu plus long et plus bavard que moi, mais qui valide cette théorie 😉

Surtout, le film ne tombe dans aucun des écueils qui auraient pu être les siens. Film à charge contre Mark Zuckerberg ? C’est un peu plus compliqué et loin d’être manichéen. Zuckerberg a volé l’idée ? On peut se faire une opinion différente (« Si vous aviez voulu faire Facebook… Vous auriez fait Facebook. »). Zuckerberg est un con ? Peut-être, mais surtout un mec brillant, visionnaire et borné, qualités indispensables pour réussir ce qu’il a réussi.

Au passage, je trouve hallucinant qu’un type qui a aujourd’hui 26 ans ait un long métrage qui lui soit dédié. Quelle réactivité ! Ca ne doit pas être facile pour MZ de faire face à une telle situation, mais ça en dit long sur l’importance de ce qu’il a fait. De ce point de vue, le film (The Social Network) est à l’image de son objet (Facebook) : profondément contemporain.

D’ailleurs, si j’imagine que Zuckerberg n’est pas profondément ravi du personnage porté à l’écran, il doit aussi se dire que The Social Network reste la meilleure pub pour son œuvre. Il matérialise en effet une réalité dont nous ne sommes pas toujours conscients (utiliser Facebook ne signifie pas que je me rende compte à quel point Facebook a changé le monde), et de ce point de vue il sacralise le réseau social — sans jamais le condamner bêtement (autre excès dans lequel le film aurait pu tomber et auquel le cinéma nous a souvent habitués : Internet c’est mal, les réseaux sociaux c’est dangereux, c’était mieux avant).

D’un point de vue cinéma, The Social Network est donc réussi car il parvient à transformer en histoire les origines de Facebook, et que cette histoire nous touche tous en tant qu’utilisateurs du réseau.

D’un point de vue « experts du web » (que vous êtes probablement si vous traînez sur ce blog ;-)), n’attendez pas que le film raconte les différentes étapes du développement de Facebook. On y voit l’extension de Facebook d’Harvard aux grandes écoles américaines puis européennes, mais pas tout ce qui a suivi et qui a permis à Facebook de conquérir le monde : l’ouverture à tous, l’ouverture de l’API aux développeurs, le chat, le recentrage sur le wall, etc.

Ici, ça reste du cinéma et la thèse est qu’une fois le site mis en ligne, on a assisté à la chronique d’une révolution annoncée, un rouleau compresseur en marche. Mais je garde en mémoire et avec délectation la phrase attribuée à Sean Parker (Justin Timberlake) :

« mettre de la pub sur Facebook, c’est comme si on était dans une super soirée et qu’on arrêtait tout à 23h ».

Il me reste tout de même une gêne : comme beaucoup de films à caractère « historique » (il raconte de façon réaliste une histoire réelle), The Social Network laisse penser qu’il raconte ce qui s’est passé, tel que ça s’est passé. Il grave une Vérité. Ce n’est certainement pas LA Vérité de Mark Zuckerberg, mais ce n’est sans doute pas non plus exactement LA Vérité tout court.

Edit : voici un extrait tout frais en VOST, où l’on voit apparaître à l’écran Sean Parker / Justin Timberlake (merci à Florence de Sony Pictures) :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=_q-lYJ08vhU]

Et la bande-annonce si vous avez réussi à la rater :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=lB95KLmpLR4]

Facebook nous appartient-il ? Un peu, pas beaucoup mais toujours passionnément

20-minutesFacebook fait polémique. Quand il n’est pas critiqué pour les dangers qu’il représente auprès des enfants et des adolescents, Facebook se prend les pieds dans son tapis – son modèle économique.

Paradoxe du cordonnier : alors que Facebook facilite les conversations entre pairs, l’entreprise enchaîne les malentendus et les incompréhensions avec ses utilisateurs.

À chaque fois, Facebook donne l’impression de faire machine arrière. Ce qui peut apparaître comme de l’ordre de la boulette à répétition (« un problème de communication » résumeront certains) est peut-être surtout un flottement des repères.  Facebook doit, en permanence, faire face au pouvoir de nuisance des médias, petits et grands, de la rumeur numérique issue de ses propres groupes aux JT. Pourquoi une entreprise si jeune est-elle sous le feu des médias ?

Pendant longtemps – et c’est encore le cas dans la grande majorité des secteurs productifs, la question était de savoir à qui appartiennent les moyens de production. Qui en est le propriétaire ? Comment distribuer les revenus issus de ces moyens de production ? Les réponses tournaient en fonction des points de vue politiques adoptés : actionnaires, salariés ou technostructure (ce que l’on appelle le management).

Mais aujourd’hui, une entreprise comme Facebook doit ajouter un nouvel entrant : ses usagers. Facebook ne peut pas, unilatéralement, modifier son service sans que son geste soit décortiqué, analysé, critiqué ou loué par ses « membres ». Les utilisateurs n’ont évidemment que le ministère de la parole – une position toujours à relativiser cela va de soi. Néanmoins, on sait aussi que la parole est devenue la valeur d’échange centrale de l’économie du web social. Facebook grandit parce que nous venons y parler, y écrire, y échanger. Wat, la plate-forme  de TF1 a longtemps eu du mal parce qu’elle n’arrivait à déclencher l’effet de réseau vertueux qui fait que le monde attire le monde.

En fins connaisseurs de ces marché à double face et aux effets de réseaux inhérents au web, les dirigeants de Facebook ne peuvent pas ne pas prendre en compte la dimension discursive des prises de positions de ses usagers (à la différence d’entreprises comme La Poste, la RATP ou la SNCF qui même si elles sont engagées dans de procédures d’écoute ne placent pas au coeur de leur stratégie les opinions des usagers). La gouvernance de Facebook est tributaire des opinions qui circulent sur le service.

Dans un sens, et à moins de fermer purement et simplement le site, Facebook doit prendre en compte ses utilisateurs dans la gestion de ses moyens de production – d’où son choix hier de les intégrer peu ou prou dans les processus de décission :

« Ce qui s’est passé la semaine dernière nous a rappelé que les utilisateurs cultivent un véritable sentiment de propriété, pas seulement sur les informations qu’ils partagent, mais également à propos de Facebook. Les entreprises comme les nôtres doivent développer de nouveaux modes de gouvernance » a déclaré Mark Zuckerberg.

Parce que les clients ou les utilisateurs sont de plus en plus intégrés au système de production des marques et des entreprises (cf. entre autres l’ouvrage de Marie-Anne Dujarier, Le travail du consommateur) il ne serait pas étonnant de retrouver le paradigme Facebook chez d’autres entreprises ou dans d’autres secteurs. A terme, à très long terme…

La décision de  Mark Zuckerberg montre que nous pourrions changer de paradigme dans la relation entreprises-usagers/consommateurs. Le modèle d’Albert Hirschman nous aide sur ce point. Cet économiste avait proposé une modélisation très simple des relations. Lorsqu’on est mécontent, pas d’accord, trois choix s’offrent à nous :

  • la loyauté – je ferme ma gueule et je continue parce que d’une manière ou d’une autre j’estime que le jeu n’en vaut pas la chandelle
  • exit – j’arrête d’acheter le produit ou d’utiliser le service
  • voice – je prends la parole pour dire tout le mal que j’en pense

Les procédures de prises de parole des consommateurs ou de contrôle de la paroles des consommateurs ne sont pas nouvelles (cf. les hotline, les numéros verts etc.). Néanmoins personne n’avait poussé aussi loin le dispositif voice. Enfin, il me semble… (contre-exemples bienvenus 😉

La décision rendue publique hier est symptomatique de l’imbrication étroite entre un réalisme économique et l’ére du temps :

  • réalisme économique parce que Mark Zuckerberg est obligé d’aller jusqu’au bout du modèle économique qu’il a développé. La superstructure de Facebook tendait à prendre ce genre de décision. Pourquoi ? 1) Parce que nous sommes Facebook. Facebook n’est pas grand chose sans ses utilisateurs. 2) Parce que nous sommes ses meilleurs représentants. Chacun de nous est un VRP, un commercial en puissance. Les nouveaux représentants des marques et des services web c’est nous. Donc c’est nous qui  assurons la monétisation (à venir ? sur la structure des coûts de Facebook, cf. F. Fillioux) et le développement commercial. C’est ça le vrai consomm-acteur dont on se gargarise (au fait, expression très largement utilisée dès les années 70 par les publicitaires). Economiquement parlant, les consommateurs devaient tôt ou tard obtenir une reconnaissance institutionnelle.
  • Mais la tendance même de la structure économique de Facebook n’aurait sûrement pas abouti sans le terreau idéologique et cuturel du web. Ce web dit social et dont les évangélistes de tout poil (c’est même une fonction assumée chez Google) annoncent la transparence, l’alchimie des multitudes et autres confiseries conceptuelles. D’ailleurs, tient que dit Mark ? :

« Notre objectif prioritaire est de rendre le monde plus ouvert et plus transparent. Nous croyons que si nous voulons que le monde aille dans cette direction, alors il nous faut donner l’exemple » (cf. le billet Governing the Facebook Service in an Open and Transparent Way)

Je serais bien mal placé pour prévoir si tout cela va aboutir ou non. L’histoire le dira. En tout cas nous l’aurons vu balbutier et nous proposer une nouvelle utopie : après l’autogestion et ses variantes, après la co-gestion à l’allemande, voici venu le temps de la tri-gestion à la Zuckerber.

Quelques liens pour aller plus loin :

  • Korben et le communiqué de Presse de Facebook.
  • RTL pour qui tout cela est une avancée démocratique tout comme 20minutes.fr dont nous avons repris le visuel.
  • Readwriteweb pour qui tout cela ressemble plus à un écran de fumée qu’autre chose.

Groupes Facebook, suite… (Edit : où l’on voit des nouvelles formes de spam massif sur Facebook)

Pour faire suite à mon billet du 24/12 sur les groupes Facebook les plus populaires

Je remarque ce matin l’existence du groupe « Pour savoir qui t’aime !!!!(absolument vré)« , qui compte plus de 393 000 membres, ce qui le classerait donc à la 6ème place de tous les groupes Facebook francophones.

Erreur de relevé quand j’ai fait mon étude le 23 décembre ? Même pas. Vu la date des premiers messages sur le groupe, celui-ci n’a que 10 jours d’existence. C’est dire à quelle vitesse les choses peuvent aller..

Ceci dit, on notera que ce groupe incarne une forme élaborée de spam puisque sa mécanique est la suivante :

« 1-mé toi ds le groupe
2-invite tout té amis
3-tape F6 ou F5 sur la page d’acceuil du groupe et tu verra apparaitre le nom de celui/celle qui t’aime »

Et voilà qui berne près de 400 000 personnes en 10 jours et ce n’est sans doute pas fini.

Je vais me mettre dans le groupe pour savoir si l’auteur diffuse des messages à ses membres ou si c’est une blague qui a « dégénéré » 😉

Edit : Spam, vous avez dit spam ?? On est en fait devant un vrai phénomène nouveau et massif.

– Je découvre à l’instant « pour savoir qui regarde le + votre profil !!!! et cette fois c est vrais !!« . 330 000 membres en moins de 3 semaines d’existence.

– Souvenons-nous aussi du billet précédent que l’alter ego « pour savoir qui regarde le plus votre profil !!! C SUPER SIMPLE » était le deuxième groupe francophone en nombre (480 000 membres au pointage du 23 décembre)… Ce « groupe » est désormais le plus gros groupe francophone, ayant dépassé les 700 000 membres pendant les fêtes.

– Il devance « Pour ajouter de la musique sur Facebook, cliquer ici » (désormais 600 000 membres) qui fait partie des groupes sur lesquels le wall a été… prohibé. Mieux vaut ne pas laisser des traces de mécontentement trop apparentes !

PS : bonne année à toutes et tous, avec nos voeux (pas si) corporate (que ça).

Les groupes Facebook les plus populaires

Alors qu’on n’en fait plus un événement médiatique (excepté bien sûr l’Envoyé Spécial très controversé de France 2), et contre pas mal de prédictions, Facebook continue sa croissance a un rythme très élevé.

Comme je le relevais dans un de nos derniers billets, le nombre de membres en France est passé en 2008 de 1 à 6 millions, en tout cas si on se fie à la page « advertising ». Rien que ça.

Pour le sociologue et le communiquant, il y a donc une très belle matière à étudier dans les groupes Facebook. Quels sont les « mégagroupes Facebook », ceux qui réunissent le plus de membres ? Il n’y a pas vraiment de littérature sur ce sujet à ma connaissance, je suis donc allé farfouiller dans Facebook pour extraire les groupes les plus populaires (francophones et globaux).

Deux méthodes pour extraire ces données :

– de proche en proche : en utilisant les « related groups » indiqués dans la colonne de droite de chaque groupe (c’est à dire les groupes qui ont le plus de membres en commun avec le groupe que vous regardez). Puisque les « related groups » des gros groupes sont aussi de gros groupes, il suffit de prendre un gros groupe au départ, par exemple « Contre les cons qui restent immobiles à gauche dans l’escalator » (mon préféré), et de dérouler le fil.

– en utilisant le fonction recherche de groupes de Facebook. Les recherches classent les résultats par popularité. Facebook ne faisant pas apparaître de classement global, seulement des classements par catégories (« just for fun », « geography », « common interest »), je suis allé voir les groupes les plus populaires dans chacune des 11 catégories proposées.

Voici donc — sous toute réserve d’erreur comme d’habitude quand je me livre à ce genre d’expérience — les 38 groupes francophones qui dépassent les 100 000 membres. Le nombre de membres est celui au moment où j’ai relevé l’existence du groupe, dans la soirée du 23 décembre :

1. ♫ ♫ Pour ajouter de la musique sur facebook, cliquer ici ♫♫ 529810

2. pour savoir qui regarde le + votre profil !!! C SUPER SIMPLE 482042

(Mise à jour 2 janvier : vous êtes nombreux à cliquer sur les noms de ces groupes qui sont en fait des groupes spam dont le principe est d’inviter ses amis pour mettre en place une fonctionnalité qui n’existe pas)

3. Pour que Coyotte arrive enfin à choper Bip Bip et lui défonce sa gueule ! 448605

4. Tous les matins je me dis: « ce soir je me couche tôt » 430116

5. 1 Membre dans ce Groupe = 1 Raciste en moins dans le Monde ! 418553

6. Il faut boire avec modération, mais putain c’est qui ce modération ? 379561

7. je me tape souvent des fous rires tout(e) seul(e) en repensant à un truc 364487

8. Toi aussi tu est né(e) entre 80 et 90, alors ce qui suit va te plaire!!! 348215

9. Si ce groupe atteint 6 milliards de personnes, tout le monde sera dedans. 327568

10. Groupe de recensement du nombre d’inscrits sur facebook 314940

11. Pétition contre les tortures & maltraitances sur les animaux en Chine! 313247

12. je suis mort(e) plus de 342 fois pour ne pas avoir renvoyé des chaînes. 293635

13. ♫ – Ajouter de la musique sur facebook © 289011

14. PETITION POUR QUE FACEBOOK PROTEGE NOS DONNEES PERSONNELLES ! 277213

15. Je ne critique pas … non, je constate. 271304

16. Pour ceux qui disent « J’arive!! » alors qu’ils sont toujours chez eux. 267175

17. L’expérience Interdite par Facebook: J’ai besoin de vous!!! 258744

18. Participe au record du plus grand nombre de personnes dans un groupe 249747

19. PQUOI VIVRE D’AMOUR ET D’EAU FRAICHE QD ON PEUT VIVRE DE SEXE ET D’ALCOOL ? 246866

20. Pour tous ceux qui espèrent en début d’heure que le prof sera absent 236218

21. Chuck Norris ne porte pas de montre. Il décide de l’heure qu’il est. 216193

22. L’alcool ne résoud pas les problèmes… ceci dit l’eau et le lait non plu 202953

23. 100 trucs pour ne pas s’emmerder en classe. 189656

24. PETITION POUR QUE LE SMS COUTE ENFIN QU’UN CENTIME D’EUROS ! 187447

25. Le samedi 22 novembre 2008, tous les Francais s’habille tout en blanc. 171727

26. Fédération Française de l’Apéritif 165755

27. Pour la création d’un congé « lendemain de cuite » 164012

28. Parce que toi ossi ta djà essayé d’inserer l’antivol du caddie sur lui meme 161970

29. J’ai Souvent l’Impression de déja Avoir Vécu ce Moment 159172

30. Contre les cons qui restent immobiles à gauche sur l’escalator 149393

31. Un million dans ce groupe avant la fin de l’année, et je gagne mon pari 🙂 147143

32. J’ai un problème de motivation jusqu’à ce que j’ai un problème de temps. 145456

33. Comité de Lutte contre l’union du SLIM, de la TECKTONIK & de la COUPE MULET 138139

34. Tu sais que t’es un vrai parisien quand… 127509

35. EXPERIENCE : 1 ami facebook habite près de chez toi … 114670

36. Génération 88/92 ! Pour ceux qui ont connu les Pokemon et le Bigdil 111200

37. Pour que la tva passe a 0,5 et le taux d`alcool a 19,6 109320

38. RASSEMBLER TOUTE LA BELGIQUE SUR FACEBOOK DANS CE GROUPE… C’EST POSSIBLE? 101250

Et voici les 22 groupes globaux qui dépassent le million de membres :

1. Let’s break a Guinness Record! 2009 Approved by guinnessworldrecords.com 3947922

2. Feed a Child with just a Click! 3815975

3. Let’s set and break a Guiness Record!!!! Approved by guinnessworldrecords.c 2770932

4. 1,000,000 AGAINST THE NEW FACEBOOK LAYOUT! 2722984

5. THEY ARE TRYING TO SHUT DOWN FACEBOOK – PETITION TO KEEP IT! INVITE ALL! 2281730

6. The Snowball Effect – Official Experiment 2213784

7. Six Degrees Of Separation – The Face book Experiment 2205442

8. 15,000,000 for lower gas prices 2170775

9. If you remember this you grew up in the 90’s 1783827

10. Petition Against the « New Facebook » 1637742

11. I Hate The New Facebook (www.new.facebook.com) 1523541

12. When I was your age, Pluto was a planet. 1507073

13. THE FACEBOOK BLACKOUT 1376868

14. COMO PONER EL FACEBOOK DE ANTES (APLICACION) 1302074

15. I Dont care How Comfortable Crocs Are, You Look Like A Dumbass. 1254180

16. 1,000,000 Strong For Stephen T Colbert 1203993

17. Facebook Will Be Forced to Shutdown in 7 Days! Join and Save it! 1196427

18. L’ ALBERO GENEALOGICO 1178888

19. Ultimate Social Experiment 1162602

20. The Official Petition for Colored Profiles on Facebook. 1152404

21. I Secretly Want To Punch Slow Walking People In The Back Of The Head 1103318

22. I bet I can find 1,000,000 people who dislike George Bush! 1003698

On ne se refait pas, voici donc quelques éléments d’analyse et de réflexion.

On s’en serait douté, une grande partie de ces mégagroupes sont à caractère potache. Mais pas que : 1 Membre dans ce Groupe = 1 Raciste en moins dans le Monde ! est le 5ème groupe francophone, tandis que Feed a Child with just a Click! est le 2ème groupe global.

Voici donc un essai de typologie des mégagroupes Facebook :

1. Les groupes potaches. Ils dominent le classement francophone et on peut les subdiviser en plusieurs catégories :

– les groupes absurdes ou rigolos : Chuck Norris ne porte pas de montre. Il décide de l’heure qu’il est. ; Pour que Coyotte arrive enfin à choper Bip Bip et lui défonce sa gueule ! ; 100 trucs pour ne pas s’emmerder en classe. ; I Dont care How Comfortable Crocs Are, You Look Like A Dumbass.

– les paris : Un million dans ce groupe avant la fin de l’année, et je gagne mon pari 🙂

– les groupes qui renvoient à la personnalité : Tous les matins je me dis: « ce soir je me couche tôt » ; Pour ceux qui disent « J’arive!! » alors qu’ils sont toujours chez eux.

– les groupes sur l’alcool et ses effets : Il faut boire avec modération, mais putain c’est qui ce modération ? ; Fédération Française de l’Apéritif ; Pour la création d’un congé « lendemain de cuite »

On notera que ces groupes potaches sont beaucoup plus dominants dans le top des groupes francophones que dans le top des groupes globaux.

2. Les expériences de groupe.

Là-dedans, je mets d’une part les groupes dont le principe est d’être le plus nombreux possible :

– soit à travers un « recensement » (euh, il faut expliquer à leurs membres que les données sont accessibles) : Groupe de recensement du nombre d’inscrits sur facebook

– soit à travers une volonté clairement affichée d’être le plus gros possible, en jouant sur l’absurde (Si ce groupe atteint 6 milliards de personnes, tout le monde sera dedans.) ou le fait de battre un record (Let’s break a Guinness Record! 2009 Approved by guinnessworldrecords.com). C’est un format qui plaît beaucoup aux anglo-saxons, il n’y a qu’à voir la liste.

Et d’autre part des groupes qui proposent une expérience on ou offline : EXPERIENCE : 1 ami facebook habite près de chez toi … (un jour donné, les membres portent un signe discret de leur appartenance au groupe sur eux) ; Le samedi 22 novembre 2008, tous les Francais s’habille tout en blanc. (moui…) ; Six Degrees Of Separation – The Face book Experiment ; THE FACEBOOK BLACKOUT

3. Les groupes à caractère politique ou citoyen

Et oui, il y en a donc quelques uns parmi les « mégagroupes » Facebook : on a mentionné « feed a child » et « 1 membre = 1 raciste en moins ». On peut aussi citer Pétition contre les tortures & maltraitances sur les animaux en Chine!.

On a aussi des groupes « politiques » avec une dimension pétitionnaire qui peut être fédératrice : I bet I can find 1,000,000 people who dislike George Bush!

4. Les groupes à caractère consumériste.

Et là c’est la question du prix des produits qui est fédératrice : au niveau francophone avec les SMS : PETITION POUR QUE LE SMS COUTE ENFIN QU’UN CENTIME D’EUROS ! ; au niveau global avec le prix de l’essence : 15,000,000 for lower gas prices.

5. Les groupes identitaires.

– les groupes générationnels, très populaires chez les jeunes : Toi aussi tu est né(e) entre 80 et 90, alors ce qui suit va te plaire!!! ; Génération 88/92 ! Pour ceux qui ont connu les Pokemon et le Bigdil ; If you remember this you grew up in the 90’s . Sur cette catégorie on a des équivalences évidentes entre les groupes francophones et les groupes internationaux.

– les groupes géographiques, culturels ou communautaires : Tu sais que t’es un vrai parisien quand… ; RASSEMBLER TOUTE LA BELGIQUE SUR FACEBOOK DANS CE GROUPE… C’EST POSSIBLE?

6. Les groupes sur Facebook.

Logique, on est sur Facebook, l’outil est donc aussi le contenu. Facebook vient d’ailleurs de créer une catégorie à part entière, à côté de « common interest », de « Internet & technology » ou de « Music » ; la catégorie « Facebook ». Dans cette catégorie, on a trois types de groupes :

– les pétitions pour améliorer le service, notamment le retour à l’ancienne version de Facebook : 1,000,000 AGAINST THE NEW FACEBOOK LAYOUT! ; Petition Against the « New Facebook » ; mais aussi sur son design (The Official Petition for Colored Profiles on Facebook.)

– les groupes parano : THEY ARE TRYING TO SHUT DOWN FACEBOOK – PETITION TO KEEP IT! INVITE ALL! (j’adore le « They ») ; Facebook Will Be Forced to Shutdown in 7 Days! Join and Save it!

– les groupes de spam. Ceux qui prétendent rendre un service autour d’une application Facebook et consistent en réalité à inviter ses amis pour pouvoir ajouter une application qui n’existe pas. Ces groupes sont une tendance récente et qui malheureusement cartonne. A surveiller de près : que fera Facebook face à ce nouveau phénomène ?

♫ ♫ Pour ajouter de la musique sur facebook, cliquer ici ♫♫ ; pour savoir qui regarde le + votre profil !!! C SUPER SIMPLE ; COMO PONER EL FACEBOOK DE ANTES (APLICACION)

Quand on rejette un oeil à la liste après avoir regardé la typologie, on note que pas mal de groupes peuvent être classés dans plusieurs rubriques de la typologie : pétitions absurdes, pari dans le domaine politique, etc. : c’est aussi ce qui fait leur force.

Sur les différences entre les francophones et les « globaux » (anglo-saxons très majoritairement), on voit donc plus de potache ici et plus d’expérience collective là-bas.

Une des choses qui me frappe est que, finalement, on ne trouve pas beaucoup, dans ces mégagroupes, des sujets ayant trait à l’actualité. On aurait pu imaginer des groupes autour des J.O., ou un mégagroupe Obama. Il paraît logique de penser qu’un groupe recrutera beaucoup plus facilement si son sujet est en résonance avec l’actualité médiatique. Mais j’ai le sentiment que ces groupes en phase avec une actualité sont des groupes de taille plus moyenne, et que les mégagroupes dont on parle ici atteignent leur taille justement parce qu’ils ont un caractère universel. Ils touchent au quotidien ou à la personnalité de l’individu avant de toucher à l’actu.

Dernier élément de réflexion : les créateurs et administrateurs de ces groupes sont devenus de véritables leaders d’opinion en puissance. Il serait intéressant de savoir s’ils ont beaucoup oeuvré à la popularité de leur groupe ou si les groupes sont devenus populaires très spontanément, par des mécaniques virales facilitées par le fonctionnement de Facebook.

Il y a sans doute des deux, mais une des choses qui m’ont frappées en visitant les groupes a été de voir que beaucoup d’entre eux, dans la partie « description », en haut de la page, communiquaient un mode d’emploi à l’attention de leurs membres pour que ceux-ci fassent du prosélytisme : « cliquez sur invitez vos amis, sélectionnez les tous… ». Il y a le hasard des choses, et les coups de pouce qu’on peut donner.

Enfin, et c’est un point très particulier, les créateurs et administrateurs de ces groupes ont la possibilité d’envoyer des mails à la totalité de leurs membres. Marketing direct à coût zéro. C’est un peu comme s’ils avaient hérité de la clé de l’arme atomique.

Si j’étais le créateur du groupe « Guinness Record » avec 4 millions de membres, qu’est-ce que je ferai de cette possibilité ? Le bon sens veut que l’on ne soit pas intrusif et qu’on ne poste que des informations en rapport direct avec la vocation du groupe, ce qui rend la fonction « mail aux membres » inopérante dans beaucoup de cas (tous les groupes potaches notamment). Mais je serais curieux de savoir si certains des administrateurs de ces groupes utilisent, même de temps en temps, ce « pouvoir »…

PS : Edit du 2 janvier à lire ici.

Sociogeek ou l’extension du domaine de la recherche

Une belle initiative monte en puissance sur la toile, Sociogeek. Pour l’instant, décrivons la bête comme un questionnaire en ligne dont la problématique tourne autour de notre exposition sociale sur la toile; citons les commanditaires – la Fing, OrangeLabs et Faber Novel et le développeur, Spinmedias.

SocioGeek est une initiative notable car elle prolonge la recherche sociologique « classique » et ce pour au moins deux raisons :

  • la plasticité du questionnaire
  • la fonction phatique du questionnaire

Extention n°1 : la plasticité du questionnaire

D’autres blogueurs l’ont déjà remarqué (Palpitt ou Gunthert). SocioGeek n’est pas un banal questionnaire en ligne. Il offre à l’internaute une interface de très grande qualité. Les photographies sont ainsi un élément clé du questionnaire ce qui est une chose assez rare pour être notée. Le principe du second jeu  fonctionne sur une logique indicière ce qui nécessite une architecture de développement bien plus complexe que les classiques questions à choix multiples en ligne.

La logique de SocioGeek peut faire penser à une autre enquête réalisée par Luc Boltanski et Laurent Thévenot dans les années 80, deux sociologues dont Dominique Cardon d’OrangeLabs a été proche. Les deux sociologues s’inspiraient des protocoles de psychologie sociale. Pour aller vite, ils utilisaient un « jeu de société » de leur cru pour  comprendre les compétences sociales des individus. Les joueurs devaient trouver la profession ou le statut de plusieurs personnages mystères. Pour ce faire, ils disposaient d’une somme d’argent (fictive) qui permettait d’acheter des indices.

La mécanique est assez proche de celle développée dans Sociogeek où l’interface nous propose de nous choisir des amis en fonction d’indices plus ou moins significatifs on line. Et ce petit rappel n’est pas anecdotique. En effet, les résultats de l’enquête n’ont jamais été dépouillés complètement. Les deux sociologues ont publié un article présenté comme exploratoire (Finding one’s way in social space, 1983) et puis plus rien. Les données accumulées n’ont jamais fait l’objet d’une analyse systématique. Pourquoi ? Sûrement, entre autres choses, parce que les données recueillies étaient difficiles à dépouiller, à coder et à analyser en raison de la masse d’info et de leur fort degré d’hétérogénéité. D’autre part, ces jeux expérimentaux demandaient également beaucoup de temps (deux jours complets pour une session) et le nombre de participants était sans commune mesure avec les possibilités d’un questionnaire classique.

L’expérience SocioGeek est donc très intéressante d’abord de ce point de vue là. L’interactivité et l’informatique aidant, les sociologues sont désormais capables de produire à grande échelle des questionnaires et disposent d’une liberté technique qui n’existait pas il y a encore quelques années. De cette manière, les sociologues élargissent leur possibilités d’observation (questionnaire avec des images, qui sort de la logique de la simple question traditionnelle, etc.) et maximise leur capacité d’analyse (tout passe par l’informatique, fini le codage fastidieux, etc.). SocioGeek est un superbe exemple des métamorphoses possibles du questionnaire en sociologie.

Extention n°2 : la fonction phatique du questionnaire

Mais cette métamorphose a un coût élevé. Si le ticket d’entrée s’est effondré pour le questionnaire classique, l’utilisation d’images (mais on pourrait imaginer du son, de la vidéo, etc.) le tout sur une interface de qualité n’est pas à la portée de tous. D’ailleurs, les commanditaires se mettent à trois pour réaliser un tel projet.  Dès lors, le questionnaire n’est pas seulement qu’un questionnaire.

En effet, jusqu’ici (dans la vie réelle), faire passer un questionnaire nécessitait de faire appel à la sympathie du répondant (cf. le jolie sourire de l’enquêtrice qui vous arrête rue de Rennes ou je ne raccroche pas au nez d’un étudiant sous-payé) ou à une contrepartie (cf. j’accepte de devenir un poulet sociologique et reçoit des batteries d’enquête en échange de coupons de réductions). Mais l’interlocuteur physique disparait avec le questionnaire en ligne. Dès lors comment capter et maintenir l’attention suffisamment longtemps ? SocioGeek dure quand même plus de 20 minutes. Désormais le questionnaire doit séduire ici par sa promesse (tester son profil) et son interface chic (le logo fait penser à Vice City, le curseur de la souris se transforme un temps à la façon de la baguette magique d’Harry Potter) et choc (je peux afficher mes résultats sur ma page, etc.). L’enquête sociologique doit composer avec un dénouement digne de n’importe quel QCM psychologique dans un féminin. La typologie finale et les commentaires sont dignes de la grande époque des styles de vie façon Cathelat (les casaniers, les aventuriers, les discrets, etc…). Sur le plan de l’énonciation, le questionnaire doit perdre ses attributs scientifiques pour assurer l’attention de l’internaute.

On sait très bien que les sondages sont utilisés pour communiquer. Le sondage est une manière de jouer à la marge sur l’agenda médiatique. Il s’agit de nourrir les journalistes en information plus que de faire progresser notre connaissance.

Cette fois, la recherche est face à une nouvelle instrumentalisation : faire passer un questionnaire n’est plus uniquement un acte scientifique mais aussi un acte de communication qui doit buzzer comme une vidéo virale. Il devra lui aussi répondre aux critères de « liking » que les publicitaires vénérent en matière de pub : quels que soient les résultats il aura déjà dû être plaisant de répondre au questionnaire. Pour faire passer aux internautes la pilule scientifique il faut être ludique. Dans la perspective sociale et relationnelle du web, un nouvel outil de communication vient donc de voir le jour…

Et pour finir, moi je suis un discret avec un zest d’aventurier, assez proche des résultats de Palpitt j’ai l’impression 😉

Le droit à l’oubli selon Alex Türk ou l’extension du domaine de la lutte ?

Passionnante entrevue de Télérama avec Alex Türk, le président de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (plus connue sous son acronyme CNIL). Comme je n’ai pas été formé à la fiche de synthèse, pas de résumé ici, juste une citation qui fait écho à d’autres analyses du blog (cf. L’arythmie).

Charles Baudelaire revendiquait deux droits fondamentaux : le droit de s’en aller et le droit de se contredire. Le droit de s’en aller, aujourd’hui, est malmené par la vidéosurveillance, la géolocalisation… et tous les traçages dans l’espace. Le droit de se contredire est bafoué par les informations et les images qui restent sur la Toile et qu’on ne peut pas faire disparaître : je dois quand même avoir le droit de dire blanc à 20 ans et de penser noir à 30 ! Il faudrait que les réseaux laissent la maîtrise de l’information aux utilisateurs. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Première remarque : lire Alex Türk, comme d’autres, c’est comprendre et anticiper les enjeux d’opinion auxquels devront faire face, un jour où les autres, les moteurs et autres plateformes sociales. Le refrain « tout le monde il est beau et tout le monde il est gentil » de la Génération Y avec lequel les uns et les autres nous serinent n’aura qu’un temps.

Deuxième remarque : à la première lecture, les propos d’Alex revigorent. Mais si on relit attentivement, il y a quelque chose qui cloche.

Ce n’est pas aussi simple. Est-ce une question de droit ? Google, Facebook, MySpace et consorts n’interdisent pas de dire tout et son contraire; ils rendent juste visibles, ils médiatisent (même à petite échelle) que l’on a dit tout et son contraire. Le risque n’est pas tant juridique que moral et social : du style apprendre qu’un de vos récents amis était un raciste notoire dans son adolescence. L’éclairage d’un Maître Eloas (déjà esquissé par là notamment) sur les propos d’Alex serait d’une grande utilité.

Il me semble (attention, j’enfonce une porte grande ouverte 😉 ) que l’ambivalence vient du fait que ce qui était jusqu’ici réservé aux personnalités publiques (qui donc avaient choisi de s’exposer) s’applique à nous tous désormais. S’exposer publiquement relevait d’une lourde industrie (discuter avec un journaliste, prendre un micro, etc.) comparée au simple mot de passe qui valide mon inscription sur Facebook (et non, je ne citerai pas l’artiste surestimé de la Factory).

En fait il n’y a pas de droit à se contredire, mais plutôt une tolérance sociale envers la contradiction plus ou moins forte et contraignante. Et dans nos sociétés, la tolérance à la contradiction est très faible ou disons qu’au mieux on ferme les yeux. Les participants de Mai 68 trainent parfois comme un boulet leur appartenance radicale : regardez Daniel Cohn-Bendit et son livre justement intitulé Forget 68 !

Et Internet dans tout cela ? Et bien, le net ne risque pas d’arranger cette intolérance à la contradiction, au contraire, il peut l’entretenir à moindre frais. Car jusqu’ici il fallait être bien informé pour retrouver ou avoir retenu telle déclaration tenue 10 ans auparavant et contradictoire avec la position actuelle. C’est par exemple un travail dans lequel excellent des journalistes comme Serge Halimi. Désormais, ce travail d’orfèvre est bien plus facile, voire accessible à tout un chacun.

Un dernier point pour finir : et si Google facilitait  l’oubli ? Trop d’information tue l’information, non ? Chercher dans les milliers de résultats qu’il nous propose équivaut à chercher dans une botte de foin. On ne trouvera sûrement la phrase qui fait mouche que si on a déjà une idée derrière la tête… Pas si simple donc !

Ciblage comportemental

MySpace is the bar, Facebook is the home, LinkedIn is the office.

C’est une citation de Reid Hoffman et c’est ce qui m’est venu à l’esprit en découvrant, chez Laurent François, ce tableau établi par Communispace pour décrire les besoins auxquels répondent les différentes catégories de « médias sociaux ».

Autrement dit, ce travail est très intéressant et mérite d’être largement commenté, mais il me paraît difficile d’amalgamer entre eux MySpace, Facebook et LinkedIn qui, bien qu’étant effectivement des « profile-driven social networks » comme les définit Communispace, répondent à des besoins différents les uns des autres. Dans leur vocation initiale, ou au moins dans l’usage qu’on en fait aujourd’hui.

Plus largement sur ce tableau, la distinction entre les 6 besoins me semble assez pertinente. On peut débattre de la façon dont les cases sont cochées et je serai ravi d’avoir vos avis, mais en lecture initiale ce qui me fait réagir se situe plutôt au niveau de la colonne de gauche : mélanger les réseaux sociaux pré-cités entre eux, donc ; mais aussi pourquoi amalgamer YouTube et les sites de bookmarking ?

« Les internautes disent que… » Vers un nouveau cliché journalistique ?

Vous connaissiez le JT et ses insupportables micro-trottoirs – Petite mise en scène, reconstitution médiatique de l’avis d’un groupe social ou d’une nation (rappelez-vous ces correspondants qui interrogent « La » population du coin).

Internet a enfin donné le change aux journalistes de la presse écrite (on et off sans distinction… ouf on évite une nouvelle bataille de tranchées). Désormais, les journalistes disposent d’une nouvelle matière, ce qui se dit sur les blogs, les forums, etc. On ne peut que s’en féliciter. Cela ne fait qu’élargir l’horizon des opinions, n’est-ce pas ? Mais cela s’accompagne d’un effet pervers. Oh, un petit effet pervers, de ces petites épines dans le pied avec lesquelles nous avons tous appris à marcher : une nouvelle figure rhétorique a fait son apparition et semble avoir pris son rythme de croisière. Trois exemples glanés ici et là dans Le Monde.

Les internautes et les fausses photos d’Hiroshima

Il y a environ deux mois (le 10/05/08 exactement), Sylvain Cippel et Philippe Pons signaient un article sur des photos (soit-disant) inédites des victimes d’Hiroshima. On y lisait ceci :

Depuis la divulgation de ces photos, blogueurs et internautes américains se déchirent sur le sujet. Une phrase revient souvent dans les commentaires : « Les Japs n’ont eu que ce qu’ils méritaient. » Sur le site MetaFilter, l’internaute signant « postroad » estime que le Japon « n’ayant aucune intention de capituler, comme le montre le film de Clint Eastwood (Lettres d’Iwo Jima), aussi horribles soient (ces photos), ces bombardements ont sauvé de nombreuses vies américaines – et aussi nippones ». Pour d’autres, à l’inverse, « l’Amérique masque ses crimes honteux ».

Beaucoup d’internautes se demandent aussi pourquoi ces clichés sortent aujourd’hui. Peu font confiance à la version officielle. Peut-on vraiment croire que M. Capp ait attendu cinquante-trois ans avant de montrer ces images à quiconque ? (…)

Pourquoi, également, M. Capp aurait apporté ces documents à la Hoover Institution? Celle-ci est perçue comme un centre de recherches néoconservateur extrême. Certains voient une volonté de « pousser » à une intervention américaine contre l’Iran avant que ce pays, disposant de la bombe A, puisse attaquer Israël. A l’inverse, d’autres suggèrent à Hillary Clinton de « bien regarder ces images avant de s’exprimer ». La candidate à l’investiture démocrate à l’élection présidentielle a récemment menacé d ‘« effacer l’Iran » de la carte s’il attaquait l’Etat juif. L’internaute appelé « oneirodynia » insiste sur « l’effort massif de censure tant de la part des Etats-Unis que de Tokyo après que la bombe eut été larguée. A l’été 1946, la censure américaine au Japon avait grandi au point d’occuper 6 000 personnes ».

Evoquant la « culture du secret » qu’ils croient déceler aux Etats-Unis, nombre de commentaires établissent un rapport entre Hiroshima, les bombardements massifs au napalm des populations locales durant la guerre américaine au Vietnam et… les prisons américaines de Guantanamo et d’Abou Ghraib aujourd’hui. D’Hiroshima à l’Irak, un internaute anonyme écrit, sur le site Yahoo!, que « le peuple américain ne s’intéresse jamais qu’à ses propres morts ».

Alors que le débat se développe sur Internet, la presse américaine n’a pas encore évoqué la divulgation de ces nouvelles photographies de la tragédie d’Hiroshima. Ni la presse japonaise, du reste.

Ce long extrait représente environ 35 % de l’article. Ainsi, en l’absence de prise de position dans les médias des deux pays les plus concernés, nos journalistes s’étaient engagés dans un micro-trottoir virtuel. Ils trainent leur souris dans la longue traîne histoire de nourrir leur article d’opinions contradictoires et ainsi offrir une mise en perspective analytique.

Quatre jours plus tard, les deux journalistes publient un long rectificatif. Les photos présentées par le journal n’ont pas été prises à Hiroshima. D’où un long papier d’explications et de justifications qui se conclut par le paragraphe suivant :

Les auteurs de l’article ont exposé les doutes exprimés dans divers forums sur Internet quant à la version officielle de l’histoire des images, mais aucun interlocuteur n’a mis en doute leur authenticité. Reste à savoir qu’elle sera la réponse de la Hoover.

En l’occurrence, Internet a servi de support pour recouper des opinions alors même que les experts sur le sujet n’avaient pas encore pris forcément connaissance de cette information. L’utilisation des commentaires disponibles sur Internet a tout bonnement fait office de simulacre d’expertise.

La médiatrice du journal, dans un article du 18/05/08 (Le piège des photos) explique que :

Le Monde, finalement, a surtout failli par excès de confiance, en accordant un crédit excessif à une institution reconnue. Et il a, sans le vouloir, enfreint une règle d’or du journalisme : le croisement des sources.

Et justement, dans la structure de l’article, c’est la figure rhétorique « des internautes », « de l’internet » qui a bouché le trou, c’est-à-dire l’absence de recoupement de sources avisées. Mais le glissement est important : l’article a privilégié le croisement des opinions avec le croisement des faits et de sources. D’où un risque : celui de prêter une trop grande attention à ce qui se dit sur Internet. Il est vrai qu’il est plus facile et moins couteux de reprendre un quelconque blog ou forum que d’identifier et de contacter une source fiable. Le verbatim a un coût proche de zéro désormais. Mais alors que le sujet est très sensible, ne sommes nous pas là en face d’un signal faible inquiétant ?

Raymond et les Internautes

La preuve avec une question plus futile. L’équipe de France est éliminée… Comment rendre compte de l’hallali envers le sélectionneur Raymond Domenech ? Tout simplement en titrant un papier « Les Internautes disent « non » à Raymond Domenech » :

Après le raz-de-marée médiatique et les réactions indignées des caciques du football français, la Toile s’est à son tour emparée de l’affaire.

Premier exemple du journaliste… Facebook :

Prompts à réagir par l’ironie, les utilisateurs du réseau social Facebook implorent Estelle Denis de dire « non » à son prétendant, une manière de punir celui qu’Internet désigne quasi unanimement comme le principal responsable du fiasco.

Pour introduire les citations de quelques blogs sur le sujet, le journaliste choisit sa phrase de transition :

Ridicule : le mot qui revient peut-être le plus fréquemment sur Internet.

Que dire de plus quand ces citations parlent d’elles-mêmes…

Le Pascale Picard Band et « La Blogosphère »

Mais le climax de cette figure de style journalistique a peut-être été atteint dans Le Monde 2 du 5 juillet. Le magazine consacre une double page à un jeune groupe québécois qui chante en anglais, Le Pascale Picard Band. Traitement de faveur puisque le groupe  a même droit à un envoyé spécial, Yann Plougastel. Le journaliste  qui a donc fait un long voyage nous explique ainsi :

La blogosphère s’est vite enflammée sur le sujet. Pour un certain Louis Dionne (…) Pascale Picard « n’est que l’expression d’une fraction de la population qui ne se respecte pas, n’est pas fière de ses origines (…) ». L’avis tranché, paraît être celui d’une génération ayant porté à bout de bras le rêve d’un Québec indépendant.

Plus jeune, Jonathan Bénac est plus compréhensif : « il faudrait s’interroger sur la façon dont on subventionne la culture au Québec. La culture québécoise n’est pas que francophone ».

Heureusement, vous pourrez lire le billet original de Louis et le commentaire de Jonathan ici, sur ce blog. Car tout est bien sur ce blog, sur un blog. Pas la peine de chercher plus loin : un blog = la blogosphère. Un raisonnement qui est tout le contraire de la longue traîne. Finalement est-ce encore la peine d’envoyer un journaliste sur place pour ramener du copier-coller amélioré ?

Pour éclairer ces trois exemples, je suis partagé entre l’appauvrissement du journalisme (perte de l’effort de chercher des sources expertes, figure de style « obligée » du genre « les internautes pensent que… », « la blogosphère dit que… ») et sa métamorphose (prise en compte de nouveaux lieux d’opinions). Pour les plus sages et les plus normands, peut-être que l’un ne va pas sans l’autre.

Et puis voyons, tout le monde n’y perd pas au change : depuis l’avénement de la télévision les  publicitaires ou « packageurs » pouvaient se targuer du fameux « vu à la télé »; désormais les gens des RP ont le « buzzé sur la toile » qui assure une reprise auprès des journalistes 😉

Tiens, une communication intelligente sur Facebook (mais pas très efficace pour autant)

Edit du 20 mai : l’analyse de l’évolution des données semble montrer que le nombre d’utilisateurs indiqué par l’application est calculé de façon assez restrictive, ce qui peut vouloir dire que l’appli a mieux marché que ce que je laissais entendre. Si c’est le cas j’en suis désolé et suis preneur des éclaircissements des concepteurs de l’appli !

Je n’ai pas souvent eu l’occasion de voir sur Facebook des initiatives intelligentes de marques. Un mot donc sur l’application qu’Eurosport a développé pour les fans de foot : « Liste des 23 pour l’euro« .

D’autant plus qu’il y a un truc très bizarre avec cette application.

Le principe, d’abord. C’est simple comme bonjour mais redoutablement efficace : l’application invite le facebooker à se mettre dans la peau de Raymond Domenech et à choisir les 23 qui iront à l’Euro. Poste par poste, on choisit les joueurs parmi une sélection assez large. Une fois qu’on a terminé, on peut inviter ses « friends » fans de foot ; on est ensuite informé du choix des 23 de ses friends. Et on peut même regarder la sélection moyenne des Facebookers, qui a un peu valeur de sondage à grande échelle (dont Raymond Domenech se fichera comme de sa première paire de chaussettes, faisons-lui confiance).

Dans la fenêtre de l’application s’affichent les flux d’info foot et de vidéos d’Eurosport.fr, permettant de cliquer… et de générer du trafic pour le site.

C’est archi-simple, mais dans cette application il y a tous les principes de bonne communication du web 2.0 et de Facebook en particulier :

– une logique communautaire (les fans de foot)

– une proposition qui entre en résonance avec les préoccupations et les conversations de son public (la liste des 23)

– une marque qui rend son public actif (choisir ses 23)

– un principe qui s’appuie sur la viralité très facile sur Facebook (inviter ses amis) et alimente la conversation (possibilité de commenter la sélection des autres)

– une mécanique qui donne envie de revenir plusieurs fois sur l’application (voir les sélections des amis, voir la sélection moyenne des internautes)

– une génération de trafic pour le site de la marque avec de l’écrit et de l’image (les news et vidéos)

Donc, une application d’autant plus géniale qu’elle est archi-simple.

Et pourtant… il y a un truc qui cloche.

L’application compte 4261 « daily active users » : pas terrible non ?

Il y a 1.7 millions de comptes Facebook en France. Même si beaucoup ont été ouverts dans un effet de mode ou de panurgisme, les chiffres de Facebook progressent assez rapidement (1 million en décembre, 1.7 million aujourd’hui, soit plus ou moins 140 000 nouveaux membres par mois).

Il doit donc quand même y avoir plusieurs centaines de milliers de français actifs sur Facebook en ce mois de mai 2008. Et vu le nombre de fans de foot dans la population française, vu le potentiel de cette application, je suis surpris qu’elle ne compte pas au moins 4 ou 5 fois plus de membres.

Je ne sais pas l’expliquer davantage. On en revient à un autre principe du web communautaire : la viralité est souvent mystérieuse.

En revanche et même si le nombre de téléchargements paraît peu élevé, il faut signaler que ce type de dispositif est peu coûteux : tout le monde aurait pu créer cette application. Les équipementiers, les sponsors de l’euro, les autres médias diffusant la compétition… tout le monde. Mais celui qui l’a fait, c’est Eurosport.