15 trucs pour la communication de crise sur Internet

Je sais, les listes en 10 ou 15 points c’est putassier, mais sur Internet et Opinion(s), on en fait. Bon, il se trouve qu’un sujet professionnel m’amène à poser quelques idées sur la gestion de crise sur le web. J’en profite donc pour dresser quelques grands constats et principes qui me semblent pouvoir s’appliquer à la gestion de crise en ligne.

1. Le web ne change rien aux principes universels de la gestion de crise : réactivité, humilité, circonscription, etc. Mais si la crise porte une dimension web spécifique, la cellule de crise doit accueillir un spécialiste du web.

2. La rapidité de circulation de l’information en ligne crée une tentation de la précipitation à laquelle il faut résister : en situation de crise, on ne peut communiquer que lorsqu’on a réuni un niveau d’information complet, ce qui n’est le plus souvent pas le cas en début de crise.

3. Une des difficultés réside dans la bonne évaluation de l’impact du web dans l’opinion. En multipliant le bruit à l’infini (ou presque), le web crée deux réactions potentiellement contradictoires au sein de l’entreprise : la dramatisation (« vous avez vu tout ce qui se dit sur le web ») et la banalisation (« de toute façon ce n’est que le web »).

4. En cas de crise de grande ampleur médiatique, le rôle du web est secondaire. La communication web de la Société Générale au moment de l’affaire Kerviel, c’est… la mise en ligne des statements officiels sur le site corporate, et c’est tout. A partir de là, le web reprend, commente et analyse les informations distillées dans les « grands » médias. Le besoin spécifique de parler aux publics du web est faible. Les interventions chirurgicales que supposent une stratégie sur les médias sociaux (répondre à un commentaire, contacter un blogueur, etc.) doivent être mesurées par rapport aux priorités (en cas de grande crise, on parle aux masses, donc à la TV).

5. Le choix de parler ou non aux publics en ligne est le résultat d’une équation entre la part d’influence du web dans la crise et la spécificité des communautés online (si certaines parties prenantes ne sont joignables que par le canal web).

6. Comme en gestion de crise offline, produire du silence peut être un objectif. Une prise de parole en situation de crise peut revenir à jeter de l’huile sur le feu.

7. Il est essentiel de distinguer les faits des opinions. Parce que les faits se propagent plus vite que les opinions, et parce que l’entreprise en crise à intérêt à répondre sur des faits plutôt qu’à entrer dans un débat d’opinion. La prise de parole doit viser à corriger au maximum les informations erronées.

8. Au niveau des moyens, le minimum est la publication des statements officiels sur le site corporate de l’entreprise. Le dispositif de prévention doit envisager l’hypothèse où le site saute et est remplacé par une simple page avec le statement.

9. L’achat de mots-clé pour renvoyer sur le site corporate doit être envisagé : il est facile à mettre en place et crée un contrepoids en dirigeant des internautes vers la position de l’entreprise.

10. L’idée d’un blog de crise ne fonctionne pas de manière évidente : le blog porte en lui une promesse de transparence et de régularité de publication qui n’est pas évidente à tenir lorsqu’on est en situation de crise et que les éléments d’information sont difficiles à réunir. La gestion de la crise des steaks hachés sur le blog de Michel Edouard Leclerc reste une exception.

11. En revanche, l’utilisation de son compte Twitter est un moyen rapide et viral de faire connaître ses positions en renvoyant vers son site corporate, d’autant plus que les blogueurs et journalistes en ligne sont nombreux sur Twitter. Twitter apparaît en particulier comme un des meilleurs moyens de lutter contre la désinformation et permet de répondre individuellement aux questions des internautes, donc d’afficher son attention.

12. Plus généralement, le web et les médias sociaux sont des moyens privilégiés de tenir informés ses publics les plus engagés (abonnés, membres du groupe Facebook…)

13. La vidéo est un moyen privilégié de nourrir le web et d’humaniser la communication, à chaud comme lors de la sortie de crise. Revoir l’exemple de la « promesse » du patron de JetBlue il y a deux ans. Le type est sincère, n’a pas dormi depuis une semaine… on y croit beaucoup plus qu’en lisant un communiqué de presse impersonnel.

14. Toutes les mises en ligne sur les médias sociaux et le site corporate doivent tenir compte des mots-clé recherchés par les internautes, de façon à favoriser leur position en référencement naturel.

15. En situation de crise le web est aussi un terrain de veille, qui permet de comprendre l’opinion en temps réel et d’ajuster sa stratégie (off et on) en fonction.

Quelques lectures pour approfondir ? Notre analyse du cas Domino’s et tous les billets tagués « crise » de ce blog.

Vos réactions, compléments, indignations, etc. naturellement bienvenus 😉

16 réponses à “15 trucs pour la communication de crise sur Internet

  1. Mince en voyant le titre dans mon flux RSS j’ai cru que c’était un billet sur le nouveau site de Désir d’avenir…

  2. François Guillot

    Ah non, le nouveau Désirs d’Avenir, il se regarde, il ne se commente pas.

  3. J’ai bien lu les « 15 trucs » – ce qui semble changer par rapport à une gestion de crise « classique » c’est la gestion des médias sociaux.
    Mais la question que je me posais en lisant, c’était à propos d’Hortefeux : un dérapage (mis) en ligne, puis une justification en image et en sons contredite par les images d’origine que tout le monde peut (et va alors) voir, ensuite l’appel à un allié : le jeune maghrébin que personne ne croit : il est à l’ump et joue une nouvelle fois « l’arabe de service » etc.
    Quelle aurait été la bonne utilisation du web dans cette crise qui venait du web ?…

    • François Guillot

      Excellente question. La démission d’Hortefeux, peut-être 😉
      Je n’ai pas regardé ce qui s’est dit du côté des militants UMP. S’ils gardent le silence, c’est bien mal barré pour le Ministre. Sinon, je laisserais plutôt l’occupation du web aux militants.

      En ce qui concerne la position d’Hortefeux, s’il veut sauver sa place je ne vois pas trop ce qu’il peut faire à part enfumer tout le monde avec des déclarations pas très claires, ce qu’il a fait…

  4. Pingback: Darklg Web (darklgweb) 's status on Wednesday, 16-Sep-09 21:56:29 UTC - Identi.ca

  5. Point 9 : potentiellement touchy non… Certes, la majeure partie des internautes qui cherche de l’info en ligne sur l’entreprise/crise ne détectera pas l’achat de mots clés. Mais la communauté d’avertis digitaux le saura et le relayera, jetant potentiellement un peu d’huile supplémentaire sur le feu ?

  6. François Guillot

    Hello M.P. Je pense que ça dépend. Là c’est sûr que je ne parle que canal, pas contenu, on part du principe que le contenu est bon.

    Si tu prends par exemple la crise Domino’s, tu sais que des internautes vont chercher « domino’s + disgusting » ou « pizza + disgusting »… Dans ce cas je pense que c’est une bonne chose d’acheter des mots-clé qui renvoient vers la position officielle, celle qui dit que c’est un incident isolé, que rien n’est plus important pour Domino’s que la qualité de ce qu’il propose aux consommateurs, etc. Et même si tu ne captes qu’une petite partie du trafic, tu paies au clic donc ça n’explose pas le budget et tu peux rassurer (un peu) une frange de tes consommateurs…

  7. Moi j’aime beaucoup la vidéo comme outil de « réponse » mais je trouve que l’utilisation du support audiovisuel est de plus en plus dangereuse…
    Combien de geek absolus sont-ils capables aujourd’hui (demain encore plus) de la remonter, sous-titrer, en un mot détourner de son usage initial ?
    La vidéo a une puissance d’impact colossale, mais a contrario, elle peut très facilement être retourner contre ses créateurs…

    • François Guillot

      Ca c’est vrai. Cf. les parodies de « La Chute » sous-titré à l’envi… Mais je crois que ça risque bp + d’arriver si la vidéo qu’on produit tombe dans la justification et que les arguments sont mauvais. A ce moment-là, on se foutera de nous. Mais si les arguments ne sont pas bons, autant ne pas faire une vidéo. Donc si tu as qqchde VRAI à répondre à la crise, la risque de parodie me paraît moindre… Et puis la parodie c’est la marque du succès non ?? 😉

  8. François : Comment analyseriez-vous la communication de France Telecom concernant les événements récents qui ont pu affecter l’image du groupe ou du moins ont généré un questionnement sur les conditions de travail des salariés ?
    J’ai un peu travaillé pour une agence de veille, un des client à l’époque avait été une entreprise dont un salarié venait de se donner la mort. Cela m’avait interpelée : la veille consistait à s’assurer que rien de cet incident n’apparaissait sur le web. Cela a duré plusieurs semaines.

  9. MOi non plus je n’aime pas les listes, voire je les détestes mais bon je m’intéresse 🙂
    Je ne suis pas d’accord avec ton point 2 pour moi, la rapidité de réponse est une clef.
    On ne te demande même pas d’apporter des réponses mais simplement dire : « oui je t’ai entendu » – cette action va faire redescendre la tension direct et donc sa viralité.

    • François Guillot

      Ca mérite débat je trouve ! Dans plein de cas, je suis tout à fait ok pour dire qu’il faut accuser réception de façon réactive du type : « on a bien pris connaissance de… on regarde ce qu’il en est », avant même d’avoir réuni les éléments d’info. Mais ça engage à donner une réponse ensuite. Or dans une crise la stratégie peut être le silence total, il ne faut pas l’exclure. Si on parle de VRAIE crise, impossible de ne pas répondre.

      Mais sur le web la « situation sensible » c’est très souvent des polémiques de plus ou moins grande ampleur… dans lesquelles on n’a pas forcément intérêt à se jeter. Donc dans ces cas-là, « accuser réception » ne s’impose pas.

      Après, il faut bien sûr être rapide et réactif à tous les niveaux. mais une des clés de la bonne gestion de la situation me semble être la capacité du client à réunir les éléments d’information qui font qu’il voit clair dans ce qui se passe, et qui permettent de définir la stratégie et les messages.

  10. Pingback: Effets Twitter sur le trafic des sites « internet et opinion(s) – françois guillot et emmanuel bruant – web, médias, communication, influence, etc.

  11. auriez vous des flow chart sur le gestion de crise 2.0 du type ?

  12. Pingback: Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace « internet et opinion(s) – françois guillot et emmanuel bruant – web, médias, communication, influence, etc.

  13. Pingback: Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace | Owni.fr