Le Président mytho de Facebook : quels enseignements ?

Edit 11/1 : je suis complètement interdit par cet article de Challenges signé Gilles Fontaine (rédac-chef adjoint), paru le 10 janvier soit une bonne semaine après que l’affaire a été démontée. Malgré plusieurs passages clairement ironiques, seule la lecture du blog de l’auteur m’a (vaguement) rassuré sur le fait qu’il n’était pas dupe. Subtil, très (trop) subtil.

Petit retour sur une affaire qui vient de faire beaucoup de bruit, l’annonce de l’élection du « Président Français de Facebook », Arash Derambarsh. On y voit maintenant à peu près clair et je vous encourage à lire la chronologie des événements retracée par Gilles Klein pour @si.

arash

L’affaire est intéressante d’abord pour voir comment les médias ont embrayé en reprenant des informations erronées sans les vérifier et rappelle à certains égards des impostures plus bluffantes encore, ou plus grave, c’est selon, comme celle d’Alexis Debat.

Je suis par ailleurs assez étonné de certaines réactions d’acteurs ayant « plongé » et qui ont un mal fou à reconnaître leur erreur dans l’affaire Derambarsh (à noter : Jean-François Achilli de France Inter s’explique sur @si), ainsi que de l’absence de rectificatifs sur les sites de médias qui s’étaient laissé berner.

Cette affaire pose plusieurs questions – bien connues.

D’abord, la question « blogueurs vs. journalistes ? » : il serait tentant de faire de cette affaire un cas d’école : des blogueurs qui sonnent l’alerte (je pense en priorité à Aziz Haddad sur Mashable), alors que les médias panurgiques reprennent largement une info erronée.

Ce n’est pourtant pas si simple : des blogueurs ont aussi plongé comme les journalistes et certains journalistes ont aussi vérifié l’info et dénoncé la supercherie (Gilles Klein : « @rrêt sur images contacte par courriel le siège de Facebook, qui confirme n’avoir aucun rapport ou contact avec cette soi-disante « élection » et Estelle Dumout de ZDnet dans cet article). Sans compter qu’un des « blogueurs » ayant remis les pendules à l’heure, Emmanuel Parody, se définit comme journaliste.

Une autre question que je me suis posée est « offline vs. online ? » : les reprises de l’information n’ont-elles pas été accélérées par le support web, moins prompt à vérifier l’information et davantage soumis à la pression de l’immédiateté ? Cette question était en fait caduque – j’ignorais qu’Arash Derambarsh avait fait l’objet d’une couverture presse écrite et TV bien avant l’annonce de son élection. On est bien dans le cas d’un bluff généralisé, quel que soit le support.

Il n’empêche que le web a contribué à la diffusion des fausses informations et on voit dans une affaire comme celle-là sa fonction paradoxale : être capable de produire du « mauvais bruit » comme être capable de le corriger rapidement (contrairement d’ailleurs aux autres supports où je n’ai pas connaissance de mea culpas).

Que retenir de tout ceci ? Les frontières entre les acteurs étant bien brouillées, la principale distinction entre ceux qui ont plongé et ceux qui ont vu clair me semble tout simplement relever de l’expertise : les non-experts se sont fait avoir, les experts ont joué leur rôle – journalistes ou blogueurs. La société a besoin d’experts, si les journalistes ne remplissent pas cette fonction (les contraintes économiques en décident autrement actuellement, avec de plus en plus de journalistes peu spécialisés), il faut espérer que d’autres le feront.

PS : cette polémique pourrait avoir fait naître des doutes sur le nombre d’utilisateurs de Facebook, Derambarsh utilisant le chiffre de 100 millions dans le monde. Il n’est pas très compliqué de vérifier ce chiffre, il suffit de se rendre sur la page « advertisers » de Facebook et de consulter les données d’utilisateurs pour chacun des pays proposés (47 en tout). En refaisant le compte ce soir, j’arrive précisément à 55 840 520 utilisateurs déclarés par Facebook. En y ajoutant les utilisateurs des pays non listés (pas plus de quelques dizaines de milliers par pays s’ils ne font pas partie de la liste affichée), on peut ajouter tout au plus 2 ou 3 millions d’utilisateurs supplémentaires. Ce résultat est cohérent (quoique légèrement en-dessous) avec le chiffre de 60 millions utilisé par les gens sérieux comme Mashable ou ZDnet.

2 réponses à “Le Président mytho de Facebook : quels enseignements ?

  1. L’article est assez étonnant en effet dans la mesure où il n’est pas clairement critique.

    Quand à Gilles Fontaine, il a pris la mouche rapidement semble-t-il (voir nos échanges sur son blog) alors que je lui faisais remarquer simplement que de nombreux journalistes se sont fait avoir par méconnaissance du net, des nouvelles technos et de Facebook, mais se sentaient obligés d’en parler à cause d’un effet cocorico (un Président Français pour le monde !) et de mode (Facebook, c’est tellement « in »).

  2. François Guillot

    En fait cet article ressemble beaucoup à d’autres… publiés une semaine plus tôt, par d’autres médias, mais au 1er degré. Gilles Fontaine aurait gagné à rentrer dans Derambarsh un peu plus, en tout cas je suis persuadé que ce troisième degré est loin d’être clair pour tout le monde.