L’avenir des médias (en toute simplicité)

Invité par la rédaction de Six35 à débattre avec Philippe Couve, Michel Levy-Provençal, Benoît Raphaël et Damien Van Achter sur LE sujet casse-gueule : l’avenir des médias.

Le résultat en version montée est ici, mais je vous recommanderais plutôt la version longue non coupée qui sera mise en ligne sur le PoliticShow la semaine prochaine. Ce genre de débat est à la base extrêmement difficile à cadrer et à approfondir, en plus pour ma part je n’avais pas suffisamment développé certaines idées… donc j’expérimente les joies d’un montage qui prend forcément des airs de bande-annonce.

Mais les joies du blog sont aussi d’aller au bout de ses idées comme Michel l’a déjà fait. Voici donc quelques points que j’aurais voulu développer davantage (quitte à dire des conneries comme l’exige l’exercice) :

– Le déplacement des audiences des médias traditionnels vers le web est progressif. Bien sûr, si on parle de la presse écrite, perdre environ 2% de son audience chaque année est catastrophique pour l’industrie. Mais du point de vue des usages, c’est un changement relativement progressif. Il ne faut pas confondre les usages technophiles et diversifiés des médias qui sont élitistes, et les usages traditionnels qui sont toujours bien là.

– Les écrans permettant la convergence de l’image, du son et de l’écrit et gagnant en nomadisme, ils ont de nombreux atouts pour l’avenir. Mais le format de presse écrite propose un usage de lecture confortable et nomade : il subsistera. La question est plutôt de savoir jusqu’où il va se faire grignoter par les écrans. Je pense que les nouveaux usages vont continuer à s’imposer progressivement, c’est une affaire de génération : il n’y a qu’à voir tous ces trentenaires qui n’ont un usage que minimal du web et qui ne vont pas opter pour le tout-techno demain.

– On va vers une normalisation du web, c’est à dire que le droit, la technique et les usages vont converger vers une voie médiane qui révèlera des formats de médias plus stables que ceux d’aujourd’hui qui évoluent constamment avec les nombreuses expérimentations. On observe déjà un impact stylistique (une écriture de moins en moins journalistique), la place grandissante de l’image, les formats interactifs, la cohabitation des professionnels de l’info et des amateurs au sein d’un même support… L’avenir n’est-il pas dans la mixité, quel que soit le support ?

– Les producteurs d’info brute que sont les agences de presse vont jouer un rôle encore plus déterminant.

– La demande d’information est au moins constante et l’information est stratégique dans les mieux économiques et politiques. Il n’y a pas à s’en faire pour le besoin d’information. Mais les thématiques couvertes seront de plus en plus segmentées et on pourrait voir certaines s’atrophier pendant que d’autres se développent. On verra donc peut-être surgir le débat sur un service public de l’information.

– Je crois à la voie de l’information d’enquête que seuls les journalistes professionnels peuvent produire ; cette information à forte valeur ajoutée pourra être payante – la revue XXI par exemple explore cette voie. Le web fera coexister l’information brute et les opinions ; la presse gratuite se consacrant à l’information brute (voir la nouvelle campagne de Métro ci-dessous), l’avenir de la presse écrite passe sans doute par l’enquête.

campagne métro

– Enfin et en vrac, on le voit déjà : un média, c’est une marque, capable de se décliner sous différents formats, différents supports, en information et en merchandising.

Sinon Emmanuel me dit qu’il va me démonter la gueule pour avoir parlé de « fin du média comme lien social de masse ». Je me protège en attendant.

Edit 3 mars : et voici la version longue du débat.

5 réponses à “L’avenir des médias (en toute simplicité)

  1. enfilez un casque.

    « Mais les thématiques couvertes seront de plus en plus segmentées et on pourrait voir certaines s’atrophier pendant que d’autres se développent. »

    Quelles thématiques pourraient s’atrophier selon vous ?

  2. Beau sujet, belle approche. La notion de service public de l’information est très intéressante, et tout à fait d’actualité.
    Je te rejoins sur la segmentation, et je pense justement que les médias de demain devront être capables d’organiser, pour leurs utilisateurs-contributeurs, la masse d’information disponible. Ils devront plus encore qu’aujourd’hui proposer une hiérarchie de l’information sans laquelle nous serions en surcharge informationnelle permanente. Alors, le risque est-il de voir apparaître des médias extrêmement segmentés, au risque de voir disparaître un espace public Habermassien commun ? C’est un écueil, mais je pense que nous saurons l’éviter, peut-être grâce à un service public comme garant du lien social ? Mais aussi sans doute grâce aux nombreuses passerelles qui existeront d’une communauté informationnelle à l’autre;
    Concernant Emmanuel, n’oublie pas, rien ne vaut un Mawashi circulaire lorsqu’il s’agit de contrer un sociologue…
    Anthony

  3. Pingback: PR2Peer

  4. François Guillot

    Sur la question de la segmentation c’est très difficile d’y voir clair. Il y a des raisons de penser que ça va se segmenter mais je ne saurais pas dire comment, sur quels sujets etc. D’où l’idée de service public mais il faudra attendre que le brouillard se dissipe 🙂

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