Clap

Etant donné ce qu’est devenu le rythme de publication d’Internet et Opinion(s) depuis presque deux ans, ce n’est pas comme si nos lecteurs attendaient de nouvelles publications et analyses tous les jours… mais voilà un petit message pour dire qu’on ferme la boutique.

Ces derniers temps, nous avions gardé le blog ouvert essentiellement pour nous permettre de publier si l’envie s’en ressentait. Internet et Opinion(s) a été hyperactif de 2007 à 2009, puis Emmanuel a cessé de publier — notamment pour se consacrer à sa thèse — et j’ai ralenti le rythme.

Et aujourd’hui, mon parcours professionnel prend une nouvelle direction : ce blog n’est pas le lieu pour en parler, mais disons que je ne souhaite pas publier sur un blog dont l’histoire est très liée à celle de mon ancienne agence (même si c’était bien NOTRE blog et pas celui d’une agence).

Donc, de la part d’Emmanuel et moi-même : un GRAND merci aux lecteurs, réguliers ou occasionnels, un TRES GRAND merci aux commentateurs, qui nous ont énormément apporté… Et à bientôt ici ou ailleurs !

Pour continuer à nous suivre, nous contacter ou nous donner de vos nouvelles :

▪   François : http://twitter.com/fguillot

▪   Emmanuel (alias kaptchas désormais) : http://twitter.com/kaptchas

PS : le blog reste ouvert et les articles disponibles.


The Social Network

Ca y est, j’ai vu The Social Network. LE film qui agite l’automne numérique, LE film qui par son existence même symbolise la toute-puissance de Facebook, et accessoirement LE nouveau Fincher (Seven, Benjamin Button, Fight Club : je suis fan absolu). Merci au Social Media Club pour le privilège 😉

J’avais lu ou entendu avant de le voir que le film s’annonçait tout de suite comme une réussite absolue, oscarisable, etc. Un énorme teasing donc. Verdict : oscarisable, je ne sais pas, mais effectivement c’est très réussi, et pas seulement parce que Jesse Eisenberg a réussi a se faire la même tête que Mark Zuckerberg (ou presque).

The Social Network réussit à mon avis un joli tour de force : raconter une histoire pas si passionnante que ça (des étudiants qui montent une société, on a déjà vu meilleur sujet pour un long métrage) sans tomber dans les excès du thriller (bouh ! tu es évincé de la société !), du mélo ou du drame antique (bouh ! comment as-tu pu trahir ton meilleur ami ?)… sans qu’on s’ennuie jamais. Je l’ai vu avec un copain pas du tout webologue ou blogueur, qui l’a peut-être trouvé un petit peu plus long et plus bavard que moi, mais qui valide cette théorie 😉

Surtout, le film ne tombe dans aucun des écueils qui auraient pu être les siens. Film à charge contre Mark Zuckerberg ? C’est un peu plus compliqué et loin d’être manichéen. Zuckerberg a volé l’idée ? On peut se faire une opinion différente (« Si vous aviez voulu faire Facebook… Vous auriez fait Facebook. »). Zuckerberg est un con ? Peut-être, mais surtout un mec brillant, visionnaire et borné, qualités indispensables pour réussir ce qu’il a réussi.

Au passage, je trouve hallucinant qu’un type qui a aujourd’hui 26 ans ait un long métrage qui lui soit dédié. Quelle réactivité ! Ca ne doit pas être facile pour MZ de faire face à une telle situation, mais ça en dit long sur l’importance de ce qu’il a fait. De ce point de vue, le film (The Social Network) est à l’image de son objet (Facebook) : profondément contemporain.

D’ailleurs, si j’imagine que Zuckerberg n’est pas profondément ravi du personnage porté à l’écran, il doit aussi se dire que The Social Network reste la meilleure pub pour son œuvre. Il matérialise en effet une réalité dont nous ne sommes pas toujours conscients (utiliser Facebook ne signifie pas que je me rende compte à quel point Facebook a changé le monde), et de ce point de vue il sacralise le réseau social — sans jamais le condamner bêtement (autre excès dans lequel le film aurait pu tomber et auquel le cinéma nous a souvent habitués : Internet c’est mal, les réseaux sociaux c’est dangereux, c’était mieux avant).

D’un point de vue cinéma, The Social Network est donc réussi car il parvient à transformer en histoire les origines de Facebook, et que cette histoire nous touche tous en tant qu’utilisateurs du réseau.

D’un point de vue « experts du web » (que vous êtes probablement si vous traînez sur ce blog ;-)), n’attendez pas que le film raconte les différentes étapes du développement de Facebook. On y voit l’extension de Facebook d’Harvard aux grandes écoles américaines puis européennes, mais pas tout ce qui a suivi et qui a permis à Facebook de conquérir le monde : l’ouverture à tous, l’ouverture de l’API aux développeurs, le chat, le recentrage sur le wall, etc.

Ici, ça reste du cinéma et la thèse est qu’une fois le site mis en ligne, on a assisté à la chronique d’une révolution annoncée, un rouleau compresseur en marche. Mais je garde en mémoire et avec délectation la phrase attribuée à Sean Parker (Justin Timberlake) :

« mettre de la pub sur Facebook, c’est comme si on était dans une super soirée et qu’on arrêtait tout à 23h ».

Il me reste tout de même une gêne : comme beaucoup de films à caractère « historique » (il raconte de façon réaliste une histoire réelle), The Social Network laisse penser qu’il raconte ce qui s’est passé, tel que ça s’est passé. Il grave une Vérité. Ce n’est certainement pas LA Vérité de Mark Zuckerberg, mais ce n’est sans doute pas non plus exactement LA Vérité tout court.

Edit : voici un extrait tout frais en VOST, où l’on voit apparaître à l’écran Sean Parker / Justin Timberlake (merci à Florence de Sony Pictures) :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=_q-lYJ08vhU]

Et la bande-annonce si vous avez réussi à la rater :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=lB95KLmpLR4]

Les blogueurs sont-ils journalistes ? (intervention colloque Ethic)

J’ai eu la chance d’intervenir hier au cours du colloque organisé par le Mouvement Ethic au Press Club sur le thème de la responsabilité des médias (programme complet). On peut d’ores et déjà en lire la synthèse complète de l’excellent @olivcim qui était dans la salle.

Ma table ronde portait sur le thème « tous journalistes ? », elle réunissait Pascal Perri à l’animation, et en intervenants Jean-François Kahn, le Général Jean-Philippe Ster du Sirpa et votre serviteur, dont la tâche était de répondre à la question « les blogueurs sont-ils journalistes ? »

Marrant comme angle, car si la question est aussi vieille que la blogosphère et paraîtra dépassée à certains, elle n’a me semble-t-il plus fait l’objet de grands débats blogosphériques depuis environ deux ans [et la polémique qui avait mis aux prises, entre autres Aphatie / Birenbaum / Morandini / Versac / Embruns / Luc Mandret / Koz, et qui avait conduit Versac a fermer Versac.net — une date dans l’histoire de la blogosphère a posteriori].

Mais je suis assez content que la question ait été posée, car depuis que toute l’attention publique s’est portée sur Twitter et Facebook, on parle moins du rôle des blogs qui sont toujours là et qui contrairement à Twitter et Facebook qui sont des lieux de distribution de contenus, sont des lieux de production de contenus. Au même titre que les médias.

Les blogueurs sont-ils des journalistes, donc ? A part Narvic (dont la relecture de la prose m’a beaucoup aidé à structurer mon intervention) et quelques autres, on va avoir du mal à trouver un journaliste qui considère qu’un blogueur est un alter ego, et un blogueur qui revendique faire du journalisme… La question pourrait donc être vite réglée.

Et pourtant : il y a « être journaliste » et « faire du journalisme ».

Etre journaliste (professionnel) : on peut identifier facilement un certain nombre de différences fondamentales entre l’exercice du blog et celui du journalisme (activité récréative vs. activité principale, point de vue particulier vs. point de vue général, prisme de l’information vs. prisme de l’opinion…). « Les blogs sont des médias, mais les blogueurs ne sont pas des journalistes », dit-on par chez nous pour résumer.

« Faire du journalisme » : de ce point de vue on peut tout à fait avancer l’idée que les blogueurs pratiquent une certaine forme de journalisme, voire en inventent de nouvelles. Commentaire, opinion, point de vue, humeur, contre-pouvoir sont aussi après tout des formes de journalisme, même quand on est dans un processus de production individuel qui ne comporte pas la commande d’un rédacteur en chef ou de contrainte de format (« tu me fais deux feuillets »).

Tous journalistes ? Non, mais tous médias… Potentiellement.

Au-delà de ces questions qui sont finalement des questions de définition (qu’est-ce qu’un journaliste ? Qu’est-ce qu’un blogueur ? Qu’est-ce qu’un média ? Qu’est-ce que l’information ?), il m’a semblé utile de réfléchir à la question de la concurrence et de la complémentarité entre les deux univers.

J’ai préparé une petite présentation sur tous ces sujets que vous trouverez à la fin du billet, et dont la conclusion aurait été (si le débat ne s’était pas installé en chemin, ô joies des tables rondes) que « bloguer n’est pas sale ».

Devant un parterre de chefs d’entreprises et d’intellectuels, cette idée est fondamentale. Dans un espace public ou la webophobie est encore maîtresse, je ne peux que vous conseiller de lire, relire, partager et archiver le billet de Cecil Dijoux intitulé « Intellectuels vs. Internet : l’autre fracture numérique« . Il y explique les résistances de l’élite intellectuelle française de multiples manières et conclut ainsi :

« Il est de la responsabilité des intellectuels d’aller au delà du rejet pour s’immerger enfin dans cette culture numérique pour l’enrichir, lui donner du sens et stimuler une innovation et une créativité numérique qui s’inscrit dans la tradition culturelle hexagonale. Sans quoi, l’adoption (inéluctable) de ces outils restera sans “conscience” et, en France, le 21ème siècle n’aura pas lieu. »

Tous inégaux devant le numérique

Un des problèmes de l’évangélisation au numérique est que l’on tend à faire croire à toutes les marques et entreprises qu’elles sont Apple ou Obama.

Les multiples études, listes de conseils, infographies sur lesquelles ont peut tomber encouragent les marques à entrer dans des « stratégies de bouche à oreille » ou à « faire agir les fans ». Mais quand on fabrique des chariots élévateurs, je doute que ce type d’approche soit complètement tenable.

Au contraire, les marques, entreprises et organisations sont très inégales devant le potentiel numérique qui s’offrent à elles.

Pour certaines, le numérique est une menace qui remet en question le business model (les médias, les producteurs de contenus) ; pour d’autres, c’est un terrain naturel (les marques pour jeunes, l’e-commerce) ; pour d’autre encore, ce n’est a priori ni une menace ni une opportunité, juste un enjeu qui peut être majeur.

On trouve finalement assez peu de littérature sur cette inégalité devant le numérique (il y a bien l’étude Nurun qui met en évidence le rôle du web dans la décision d’achats en fonction des secteurs d’activité) et je suis certain que les annonceurs ont du mal à se retrouver dans le magma de conseils qui peuvent leur être prodigués, du fait de ce manque d’adaptation à leur problématique propre.

Bref, je me suis livré à un exercice de modélisation visant à permettre une lecture des enjeux du numérique en fonction de plusieurs paramètres : la nature de l’offre, le profil des publics, les attributs de la marque, la taille d’entreprise, le modèle de distribution et la culture d’entreprise.

Voyez-le comme un premier jet, je ne garantis pas l’exhaustivité des cas de figure. Ce sont les commentaires qui permettront de mûrir cette réflexion 😉

Du ROI (Return On Investment) au RONI (Risk Of Non-Investment)

La question du ROI, qui embarrasse tant dans les métiers de la communication, est légitime. Un individu qui dépense de l’argent est en droit de savoir ce qu’il a en échange de son argent. Cela s’appelle une transaction. Le ROI est le produit de cette transaction, ce que j’achète. Même si la transaction (l’investissement) comporte une part de risque.

Il n’y a pas de raison que les médias sociaux fassent exception. Investir dans le web social ne doit pas être un jeu de hasard pour les marques, entreprises et organisations: je mets un peu d’argent, ça peut tomber, mais la probabilité la plus élevée est que je ne voie rien venir en retour…

Bien sûr, on peut définir les indicateurs de mesure d’une stratégie web social. La pertinence des critères donnera toujours lieu à des discussions infinies, mais les données quanti possibles sont nombreuses : trafic, clics, action, nombre d’abonnés, de fans, position d’un contenu dans le moteur de recherche, partage, etc.

Qui dit indicateurs ne dit pas mesure du ROI, mais c’est un début.

Le problème du ROI n’est pas là. Le problème est qu’il est un élément d’un système économique toutes choses égales par ailleurs.

Si je mesure un retour sur un investissement (humain, publicitaire, R&D, croissance externe, etc.), c’est que je souhaite en être en situation de décider d’investir, OU PAS. L’idée même de ROI suppose donc que j’ai la possibilité de ne pas investir et de laisser mon business tourner à l’identique.

Or le monde n’est pas identique, il change, il change de manière particulièrement fondamentale en ce moment même avec le développement des technologies en général et du web social en particulier. Et il change qu’on le veuille ou non.

Nous ne sommes pas dans une situation où toutes les choses sont égales par ailleurs. Le changement induit par le digital est profond : c’est la structure même du business qui est impactée (distribution des produits, décision d’achat, circulation de l’information).

Et plus largement, ce changement est culturel, car social. Un changement culturel qui se caractérise pèle-mêle par l’émergence de valeurs (transparence, ouverture, partage, etc.), de nouvelles pratiques (par exemple, dans le journalisme, le LOLjournalisme), de nouveaux codes (par exemple, dans des usages plus informels de la conversation) par une économie de la demande (le système Google), par un retour du consumérisme.

Il impacte donc l’organisation dans son ensemble. Les pratiques métier sont amenées à évoluer à plus ou moins court terme dans toutes les grandes fonction traditionnelles de l’entreprise : marketing et communication bien sûr, mais aussi RH, service client, commercial, etc. et même dans la fonction « traditionnelle » Internet (trop souvent réduite au management du site officiel).

Entendons-nous bien, cela ne signifie pas que le métier de chacun dans l’entreprise est bouleversé, mais que des pratiques doivent être acquises par tous (par exemple dans le cas d’un recrutement, une recherche sur le candidat permettant de mieux le cerner et de valider ses acquis, expériences, etc.).

Oh bien sûr, toutes les marques et entreprises ne sont pas égales devant le web social : les disparités sont liées, là aussi en vrac,

– aux secteurs d’activité (plus un achat est impliquant, plus le web va jouer un rôle crucial)

– à l’exposition médiatique / puissance de la marque

– à la taille du business (le web social ne signifie pas vraiment la même chose pour une PME ou une grande entreprise)

– à la nature des acheteurs de ce business (ce n’est pas exactement la même chose si le public est les 15-24 ou une niche BtoB).

Mais dans ces conditions, la question du web social est moins une question de ROI (Return On Investment) que de RONI (Risk Of Non-Investment).

Autrement dit, la première question n’est-elle pas : que se passe-t-il si j’investis ? Mais : que se passe-t-il si je n’investis pas ?

Les réponses possibles, en vrac et à compléter :

– méconnaissance du consommateur, de ses opinions, priorités, attentes…

– manque de réponses pertinentes aux questions que se posent les consommateurs et les parties prenantes et à leurs attentes

– occasions perdues de recueillir un feedback

– détérioration de la relation avec les consommateurs

– perte d’impact des campagnes traditionnelles

– absence de bouche à oreille positif

– affaiblissement du réseau d’alliés de l’entreprise

– méconnaissance et vulnérabilité face aux risques d’opinion

– circulation d’informations négatives voire fausses, ou encore stratégiques (fuites)

– faible maîtrise des discours tenus sur la marque et l’entreprise

– contenus obsolètes sur les dirigeants de l’entreprise

– coûts inutiles de gestion de la relation client (par exemple, de centres d’appel)

– manque d’information utile à la prise de décision

– process internes obsolètes

– décalage entre le management et les salariés

– dégradation d’image auprès de la génération Y

– retard concurrentiel

On peut s’amuser à faire peur quasi indéfiniment. Mais, dans le cas d’une absence de conviction ou d’envie de la marque et / ou de ses décideurs, c’est bien par cette réflexion sur le Risque de Non-Investissement qu’il faut commencer. La question du ROI viendra ensuite.

Pour dire tout cela autrement, une réflexion ROI comme base de décision d’une stratégie d’investissement dans le web social serait une erreur. N’attendons pas de connaître le ROI pour y aller. Si on ne choisit pas le web social, on le subit.

ROI or RONI (Risk Of Non-Investment)?

Great thanks to Michelle who took the time to translate the following article in English!

ROI has been a legitimate problem for communications specialists for some time now. Anyone that’s willing to fork over their money has the right to know what he/she is going to get for it. It’s a transaction. The ROI is a product of this transaction, which is what I’m buying. Even if the transaction (an investment) has some risks that go with it.

There is no reason for social media not to be treated the same way. Investing in the social web shouldn’t be something that brands, businesses, and organizations do just for kicks, i.e. “maybe I’ll put little money into it and get lucky, but chances are I probably won’t see a return anytime soon”.

Of course we can define certain KPIs for measuring a social web strategy. The pertinence of the criteria will always leave room for an infinite number of disagreements, but the data is nonetheless substantial : traffic, click-throughs, conversions, number of subscribers, number of fans, SEO of your content, the number of times shared, etc.

An “indicator”/KPI doesn’t necessarily mean that it “measures ROI”, but it’s a start.

But that’s not the problem with ROI. The problem is that it is an element of an economic system all things being equal.

If I want to measure the return on my investment (be it manpower, advertising, R&D, external development, etc), it’s usually because I’m going to decide to invest, OR NOT. The very idea of ROI presumes that I can choose not to invest and allow my business to run as it were.

But the world doesn’t stay the same; it changes. Right now it’s changing in such a fundamental manner all its own with the development of certain new technologies, in general, and with the social web, in particular. And it’s changing whether you want it to or not.

We are not in a situation where all things are equal. Change brought about by the digital age is profound: it is the very structure of business that is being impacted (distribution of products, purchasing decisions, information flow, etc).

On a much larger scale this change is cultural, because it’s social. It is a cultural change that is characterized by a mix of emerging values (transparency, openness, sharing, etc), new types of practices (in journalism, for example, LOLjournalism), new codes (more informal types of conversation, for example), by a demand economy (à la Google), and by a return to consumerism.

It has therefore had an impact on the entire organization. Business practices are bound to evolveon a more or less short-term basis in all major traditional businesses : marketing and communications of course, but also HR, customer service, sales, etc. and even in the “traditional” Internet domain (too often reduced to the management of the company’s official website).

Don’t misunderstand me, I don’t mean to say that that means everyone’s job has totally changed, rather that there are new methods for everyone to learn (when hiring, for example, you can find out more information about the person that’s applying, her qualifications, past work experience, etc).

Of course not all brands or companies are going to have the same experience with the social web : the differences are tied as well to :

  • the business (the more likely the chance of a deal, the more the web is going to play a crucial role)
  • media exposure / brand notoriety
  • the size of the company (the social web doesn’t always mean the same thing for asmall or large company)
  • the nature of the company’s customers (it isn’t exactly the same thing if a company’s customers are the 15-24 age group or a B2B niche group).

But in these conditions the question of the social web is less a question of ROI (Return on Investment) than of RONI (Risk of Non-Investment).

In other words, the first question you ask yourself shouldn’t be : what will happen if I invest ? But : what will happen if I don’t invest ?

Some possible answers at random to start things off :

  • a misunderstanding of your business’s consumers, of his/her opinions, priorities, desires…
  • an inability to respond to your customers’ and stakeholders’ pertinent questions and expectations
  • lost opportunities for gathering feedback
  • a deterioration of customer relationships
  • a loss of impact from traditional campaigns
  • a lack of positive word-of-mouth
  • a weakening of the company’s network of friends
  • an ignorance of and vulnerability to the risks of online opinions
  • the circulation of negative or false opinions or even strategic information, in the case of leaks
  • a weak knowledge of the brand’s and company’s main rhetoric
  • outdated content on company executives
  • wasteful customer service costs (call centers, for example)
  • a lack of information needed for making decisions
  • obsolete internal processes
  • a gap between management and employees
  • a weakening of the company’s image in the eyes of Generation Y
  • a delay in terms of sales

….

We can have fun casting fear into the souls of people almost indefinitely. But for companies that aren’t convined or don’t necessarily have a predeliction for investing, it’s good to start by questioning the Risk of Non-Investment. The question of ROI will only naturally follow.

In other words, thinking about ROI as a basis for decision for your investment strategy in the social web is a mistake. We shouldn’t wait to see an ROI in order to advance. If we don’t choose the social web, we’re sure to have problems.

Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace

Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des 15 derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS

L’affaire, donc : à la mi-mars, Greenpeace a déclenché une campagne online contre KitKat, marque du groupe Nestlé, responsable à ses yeux de la déforestation de l’Indonésie pour la production de l’huile de palme.

On peut lire une chronologie de la crise ici, et une interview de Greenpeace sur son dispositif là.

Au travers des différentes sources que j’ai pu réunir, voici une reconstitution des faits :

16 mars : le rapport Greenpeace

Greenpeace incrimine Nestlé dans un rapport sur la déforestation en Indonésie. Les victimes sont le climat, la forêt et les orangs-outangs.

17 mars : la machine se met en route

Nestlé répond dans une position officielle qu’il ne travaille plus avec le fournisseur incriminé, Sinar Mas, et dit son engagement à n’utiliser plus que de l’huile de palme « durable » en 2015. (un engagement qui semble antérieur).

Je ne suis pas sûr de savoir si cette position a été publiée avant ou après les autres événements de la journée (voir ci-dessous), mais peu importe.

Greenpeace entre en campagne avec mini-sites dédiés à l’appui, sur lesquels on trouve vidéo parodique, « kit de campagne » (avec logos détournés), information de référence, fil twitter en temps réel, connection avec Facebook, Twitter et YouTube, e-cards de Pâques, email à envoyer au Président de Nestlé, etc.

Des militants Greenpeace déguisés en orangs-outangs manifestent devant les bureaux du groupe en Angleterre.

Greenpeace poste la vidéo parodique sur Youtube, parodiant le concept « have a break » de KitKat de manière, disons, interpellante :

[Youtube id=http://www.youtube.com/watch?v=VaJjPRwExO8]

Alors que la vidéo a été vue moins de 1000 fois, Nestlé la fait retirer de YouTube pour violation du copyright.

Réponse de Greenpeace : republication de la vidéo sur Viméo et information via les médias sociaux comme quoi Nestlé a tenté de censurer la vidéo.

Les militants Greenpeace commencent à poster des commentaires négatifs sur la page Facebook de Nestlé, qui compte 90 000 fans. Nestlé ne les censure pas.

Nestlé répond via un statut sur sa page Facebook qui et renvoie vers la page « statements » de son site corporate – le post reçoit 30 commentaires.

Certains utilisateurs Facebook modifient leur photo de profil au profit du logo KitKat détourné en « Killer », créant un « meme ».

En parallèle, Nestlé publie aussi sa position sur Twitter (moins de 1000 followers) et répond à deux commentaires.

18 mars

Nestlé reçoit un certain nombre de critiques sur la manière dont la page est gérée et réagit de façon sèche. Un statut demande aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné.

Nouveau statut Nestlé, reprenant la position officielle. Une quarantaine de commentaires s’ensuivent.

Le même jour, Nestlé publie un update plus détaillé sur son site corporate, sous la forme d’un questions-réponses.

19 mars : emballement sur Facebook

C’est le jour où l’activité sur la page Facebook et dans les médias sociaux sera la plus intense. Nestlé demande aux utilisateurs Facebook de ne pas utiliser le logo KitKat détourné (tout en se disant prêt à accepter tous les commentaires). C’est le premier d’une série de 8 statuts consécutifs dans la journée, qui seront commentés de 30 à 200 fois.

Nestlé publie un update de « mea culpa » sur la demande de non-utilisation du logo détourné et l’impolitesse des réponses faites.

L’histoire fait le tour des médias sociaux et de Twitter en particulier, alimentée notamment par Greenpeace qui a habillé ses pages web et médias sociaux aux couleurs de la campagne « Killer » et renvoie vers la page Facebook de Nestlé.

Nestlé republie aussi sa position sur Twitter.

Il est mentionné à plusieurs reprises que Nestlé a fermé sa page Facebook pendant quelques jours, mais je n’ai pas réussi à savoir quand exactement.

22 mars

Nouveau statut de Nestlé : « Social media: as you can see we’re learning as we go. Thanks for the comments. »

Le syndicat des producteurs d’huile de palme indonésiens publie un communiqué menaçant Nestlé de boycott.

23 mars et depuis

Greenpeace appelle a continuer à faire pression sur Nestlé : les engagements pris ne sont « pas suffisants ».

On notera aussi le très grand nombre de posts anti-Nestlé sur la page Facebook, dans l’onglet « just fans » : le rythme de publication continue à être soutenu (une vingtaine rien qu’aujourd’hui, 3 semaines après les faits). Cela continue à être le principal élément visible aujourd’hui. Nestlé ne les retire pas.

LES QUESTIONS QUE CE CAS POSE

La première question est la suivante : la crise présente-t-elle un caractère exceptionnel ?

C’est une des questions les plus importantes et la réponse est oui et non.

La campagne est-elle exceptionnelle par le caractère de l’attaque de Greenpeace ?

Pas vraiment. Les méthodes de Greenpeace sont connues et on a déjà vu de sa part des cas de campagnes :

–       ciblées contre une marque

–       produisant un rapport « choc » de référence

–       parodiant les codes et les publicités de la marque, vidéo à l’appui

–       proposant un site dédié et habillant les espaces web de l’ONG

–       équipant les militants pour faire du bruit (e-mailing au Président de l’entreprise, maintenant social media)

–       comportant des manifestations « IRL » d’activistes

Les précédentes campagnes Greenpeace contre Apple et Dove, contre la déforestation de l’Indonésie déjà, étaient de bons exemples d’un peu tout cela.

L’originalité de la campagne Greenpeace repose donc plutôt sur la combinaison des moyens proposés et sur le fait d’utiliser tous les canaux disponibles, comme la modification des avatars des militants et le vandalisme de la page Facebook de la marque.

On l’avait vu à l’occasion du « hoax » Sprite de l’été dernier : les formes d’attaques contre les marques se font de plus en plus sophistiquées. La contestation des marques et des entreprises a toujours existé, elle s’étend sous de nouvelles formes, de nouveaux territoires et avec plus de professionnalisme.

Le web social offre aux organisations qui ont des bases de militants de nouveaux moyens d’action : c’était d’ailleurs la principale leçon de la campagne online du candidat Obama.

Là où le cas Nestlé n’a pas de précédent, c’est dans le vandalisme de la page Facebook de l’entreprise ciblée. Et c’est justement sur cet espace-là que Nestlé a commis ses erreurs.

Mais dire qu’on entre dans l’ère de la web-guérilla, comme le fait ReadWriteWeb, n’aura comme effet de faire fuir les entreprises du web social dont le cauchemar est de se retrouver à gérer une situation similaire à Nestlé.

La campagne est-elle exceptionnelle par les résultats qu’elle a obtenus ?

Oui, mais pas unique pour autant. Pour répondre à cette question, je prendrais 4 indicateurs qui se veulent objectifs :

–       le nombre de vidéos vues. Greenpeace en comptabilise plus de 900 000 sur l’ensemble de la campagne. Il est certain qu’aucune entreprise ne signerait pour avoir 900 000 vues sur une vidéo dénigrante. Pour autant, on a déjà vu des phénomènes d’embrasement plus importants : les vidéos Domino’s par exemple avaient totalisé 1 million de vues en deux jours. Les vidéos Sprite sus-mentionnées n’en étaient pas loin après quelques jours d’activité. Certaines vidéos de « mauvaises pratiques » de la grande distribution ont été vues des millions de fois sur DailyMotion.

–       l’activité sur la page Facebook. Les statuts postés par Nestlé ont donc été commentés jusqu’à 200 fois, ce qui n’est somme toute pas gigantesque pour une page qui compte 90 000 fans. En revanche, sur l’onglet « just fans », c’est un véritable carnage.

–       La visibilité dans les médias de masse. Difficile d’avoir une réponse claire à cette question pourtant clé : c’est lorsque la crise bascule dans les médias de masse que l’entreprise ou la marque est véritablement en danger. Hors, il est difficile de reconstituer le bruit « offline » autour de cette affaire. On retrouve assez facilement la couverture des grands médias anglophones de la presse écrite ; en ce qui concerne l’impact télévision et radio, je n’ai pas beaucoup d’éléments.

–       l’impact sur le cours de bourse : il est réel comme le montre la capture d’écran de ReadWriteWeb. Mais pas forcément durable.

A noter enfin sur ces aspects quantitatifs : Greenpeace annonce 120 000 e-mails envoyés à Nestlé.

Le reste (billets sur les blogs, mentions sur Twitter, etc.) est surtout un gros os à ronger pour les experts en médias sociaux qui font leurs choux gras de ce genre de cas, pas si fréquents d’ailleurs, afin de démontrer l’impact du web social en matière d’opinion et de réputation.

Méfions-nous de la circulation circulaire (tous les professionnels de la communication en auront entendu parler, mais quelle part du grand public ?) et de l’ethnocentrisme du microcosme et de l’intelligentsia des médias sociaux (« les blogs que je lis en parlent, donc tout le monde en parle »).

Mais surtout, la visibilité de cette campagne, Greenpeace la doit à… Nestlé : ce qui a permis à la mayonnaise de monter, c’est avant tout la réaction de Nestlé qui a ouvert des brèches à Greenpeace.

Chercher à faire retirer la vidéo a été une aubaine pour Greenpeace. Demander aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné à envenimé les choses.

Bref, et une nouvelle fois dans l’histoire de la communication sensible, c’est en plaçant le juridique (le droit) avant l’opinion (le débat, la morale) qu’on jette de l’huile sur le feu.

Pour autant, la campagne montre-t-elle le rôle déterminant du community manager ?

On aurait tort de croire qu’un bon community manager, ou un bon community management, aurait permis de rééquilibrer la situation (voir l’analyse très juste d’Anthony Poncier): le community management ici aurait surtout pu éviter quelques erreurs :

–       la demande de non-utilisation du logo détourné

–       le trop grand nombre de statuts qui montrait une forme de panique

–       les réponses sèches à certains internautes, qui ont donné lieu à des captures d’écran qui sont en effet assez hallucinantes. L’humilité est pourtant l’une des premières valeurs à s’appliquer en situation sensible. Ici, la tonalité employée est évidemment inadmissible de la part d’une entreprise… C’est en réalité celle d’un individu, forcément rendu nerveux par les événements, et on ne peut faire que l’hypothèse d’une trop grande liberté laissée à l’administrateur de la page.

Cela dit, je trouve injuste de dire que Nestlé n’a pas géré ou a fait preuve de l’amateurisme le plus total.

Des erreurs plombantes ont été commises, cf. ci-dessus, mais c’est assez facile de charger l’entreprise et on notera que Nestlé a quand même :

–       fait preuve de réactivité : réponses quasi-immédiates sur le site du groupe, certes dans une tonalité très corporate, mais elles étaient là et bien là

–       systématiquement renvoyé sur ces positions qui n’ont pas bougé

–       observé un principe de « laisser parler », quitte à laisser sa page facebook se faire vandaliser

–       publié son mea culpa quant à son attitude

Quelle organisation pour les médias sociaux ?

On peut se demander à qui reportait l’administrateur de la page Facebook Nestlé, ce qui pose justement la question de l’organisation de la fonction social media dans l’entreprise.

Derrière cela, il y a deux choses :

–       la question du profil du community manager

Si vous vous êtes intéressés au cas, vous aurez déjà lu plusieurs fois qu’il faut cesser de confier des postes de community managers à des juniors juste parce qu’ils sont de la génération Y. C’est tout à fait exact. Jeremiah Owyang : « voyez votre page Facebook comme un point de vente. Le confieriez-vous à un junior ? ».

La compétence est complexe parce qu’elle suppose à la fois une compréhension des codes des médias sociaux (et on observe de sacrés gaps culturels entre, disons, les moins de 35 ans et les plus de 35 ans) et une compréhension des enjeux de marque (rare chez les juniors), voire du porte-parolat (qui demande carrément d’être très senior).

C’est aussi une compétence qui s’encadre : par exemple avec des guides d’animation des médias sociaux et des formations à l’animation des espaces sociaux. Pas de solution miracle pour autant : le community manager va apprendre l’essentiel en marchant.

–       la question du pilotage de la fonction.

Je suis effaré de voir ReadWriteWeb (dont vous aurez compris que le papier m’a quelque peu… agacé) écrire que les agences de communication doivent être hors du coup, c’est une grave méconnaissance du rôle des agences qui sont là pour conseiller (et justement pour éviter aux entreprises de commettre des erreurs), pas pour piloter… Mais passons.

Plus globalement, il s’agit de savoir si la fonction community management relève du marketing (ce qui fait sens sur Facebook quand on est sur une page de marque, outil de relation client avant tout), de la communication (ce qui fait sens pour un espace d’entreprise), d’une autre direction ou d’un autre service.

Le ou les community managers de Nestlé viennent-ils d’une culture marketing ou réputation ? Dans un cas de crise comme ici, c’est en tout cas à la communication de piloter, pas au marketing. Les process internes doivent donc permettre à la com de prendre le lead.

Quid du porte-parolat sur les médias sociaux ?

Et oui, une entreprise cotée a des obligations et on voit ici à quel point les médias sociaux sèment la zizanie dans l’organisation de la communication des entreprises : un statut, un commentaire sur Facebook restent des prises de position publiques de la compagnie… Les procédures de validation ont parfois du bon.

Un problème de stratégie ?

On a aussi beaucoup lu dans les billets d’analyse de cette crise Nestlé que cela montrait que Nestlé n’avait pas de stratégie médias sociaux, pas de réflexion, que cela montrait qu’on avait juste lancé un outil, etc.

Peut-être est-ce le cas, peut-être pas, je n’en sais rien : personnellement, je ne crois pas que Nestlé partait de zéro ou a construit tout cela n’importe comment ; mais je crois surtout que la question posée ici est celle de la bonne gestion de crise plutôt que de la bonne stratégie médias sociaux.

Car ce n’est pas en définissant des principes de bonne conduite sur sa page Facebook que l’on empêche des militants d’ONG motivés de la pourrir.

Comment gérer les attaques ?

C’est ici qu’il ne faut pas confondre expertise des médias sociaux et expertise de la crise. De nombreuses entreprises se préparent aux situations de crise en réfléchissant sur la nature des risques, les scénarios possibles, en définissant des process et des responsabilités et en formant leurs équipes. D’autres ne le font pas et ce cas vient rappeler qu’il est tout simplement bon de se préparer.

Rien de nouveau sous le soleil : il faut se préparer aux crises, entretenir son état de préparation… et intégrer la dimension social media dans la crise, à plusieurs niveaux :

–       dans l’analyse des risques (les médias sociaux font naître de nouveaux risques ou permettent à des signaux de se propager plus facilement)

–       dans la fonction de veille (savoir ce qui se dit en situation sensible)

–       dans la gestion de crise (du site corporate aux espace sociaux, en passant par les moteurs de recherche), ce qui suppose a minima d’intégrer un spécialiste du web dans la cellule de crise. Voir notre billet « 15 trucs pour la communication de crise en ligne ».

Qu’aurait pu faire Nestlé ?

En dehors de toutes les considérations de stratégie ou d’organisation, la réponse n’est pas franchement simple.

Il me paraît d’abord difficile, comme je le disais ci-dessus, de se fixer comme objectif de calmer les ardeurs de militants d’ONG. Ils ne sont pas là pour être de bonne foi avec Nestlé et feront tout ce qu’ils peuvent pour appuyer là où ça fait mal. Avec ce type de public, c’est une bataille de communication qui s’engage, mais l’enjeu est la décision industrielle (raccourcir le délai de 2015 comme horizon pour une « huile de palme 100% durable », entre autres).

Au mieux peut-on donc ne pas envenimer la situation, ce qui consiste souvent à faire le dos rond.

De plus, il s’agit d’un sujet où la marque n’aura pas d’ambassadeurs : on ne peut pas imaginer de voir la conversation s’équilibrer d’elle-même.

Il aurait sans doute fallu davantage de proximité dans la formulation des positions : la production d’une vidéo questions – réponses avec la Président ou l’autorité compétente chez Nestlé aurait peut-être permis de mieux faire comprendre les positions de la compagnie et permis d’équilibrer le débat.

Je ne crois pas à la possibilité de cantonner le débat dans un onglet spécifique de la page Facebook prévu à cet effet. Je pencherais plutôt pour la définition d’une politique d’usage de la page Facebook qui renverrait l’intégralité de la discussion « huile de palme » sur un espace type plate-forme de feedback (« si vous souhaitez parler de l’huile de palme, rendez-vous sur notre espace dédié »), plus facile à modérer.

Maintenant, faut-il ou pas supprimer les commentaires négatifs qui continuent à être postés en permanence, telle est la question. C’est tout à l’honneur de Nestlé de les laisser en ligne, mais ça fait sacrément désordre.

Franchement ? Comme Cédric Deniaud, qui a à mon avis produit la meilleure analyse du web francophone sur le sujet, je définirais le « contrat social » de la page Facebook et une fois que l’espace de « discussion » sur l’huile de palme (et/ou d’autres sujets) est créé, je renverrais la totalité des conversations dessus, quitte à supprimer les commentaires « hors sujet ».

La bonne nouvelle pour Nestlé, c’est que la critique se lasse toujours. Nestlé doit donc aussi et surtout reprendre le cours de l’animation de sa page avec son flux d’infos et d’annonces, et reprendre la question de son organisation social media et process de crise.

LES ENSEIGNEMENTS

Allez hop, on résume en 10 points clé :

  1. Cette crise nous apprend que les attaques contre les marques peuvent se faire de façon de plus en plus sophistiquée, en s’engouffrant sur les espaces sociaux des marques.
  2. Facebook (beaucoup plus que Twitter) est le lieu à risque, de par la population massive qu’on y trouve d’une part, de par la liberté de s’exprimer que les fonctionnalités permettent.
  3. Quand la logique juridique prend le pas sur la logique d’opinion, on risque le pire. Les codes du web s’accomodent mal des réglementations : les entreprises sont renvoyées à des interrogations morales et ne peuvent se réfugier derrière le Droit.
  4. Tous les cas de démonstration de l’impact du web, comme celui-ci, sont utilisés par les professionnels de la profession à des fins prosélytes. C’est à la fois normal et polluant, mais cela invite à bien se poser la question de l’impact réel.
  5. Cette crise peut être qualifiée de crise à fort impact, mais on n’est pas pour autant devant quelque chose de dévastateur (notamment parce que l’impact dans les médias audiovisuels ne semble pas clair et massif)
  6. L’activisme est avant tout un truc anglo-saxon. Très clair ici.
  7. C’est grâce aux erreurs de Nestlé que Greenpeace a réussi sa campagne.
  8. Cette crise pose la question de la réflexion de l’entreprise sur la gestion de ses risques, plutôt que de celle de sa stratégie médias sociaux (mais elle ne l’empêche pas pour autant). Il faut plus que jamais se préparer aux risques (évaluation, scénarios, process, formations), et y intégrer la dimension médias sociaux.
  9. La bonne gestion des médias sociaux est avant tout une question d’organisation pour les entreprises, et une question complexe. Nécessité d’avoir une stratégie claire, besoin de profils seniors, de multi-compétences, enjeux de périmètres entre la communication et le marketing, ROI à expliciter : c’est la quadrature du cercle et il faut faire des choix.
  10. Chaque espace social doit avoir une vocation clairement définie : le mythe de la transparence et du laisser-faire doit être dépassé. Laisser publier des messages négatifs revient in fine à les encourager (enfin, à ne pas les décourager). Et à ce sujet, Facebook est davantage un lieu à vocation « marketing » que « corporate ». Même si les deux ne s’excluent pas toujours.

La participation sur YouTube

Nous venons de faire une petite expérience avec Un_Dix (c’est le nouveau nom d’Emmanuel Bruant) autour des lois de la participation sur Internet, un sujet qui nous est cher (voir par ex la pyramide de consommation des médias ou l’étude McKinsey ou encore l’étude de participation des riverains Rue89).

L’idée est simple : mesurer les niveaux de participation sur une grande plate-forme 2.0 : YouTube.

YouTube a non seulement l’avantage de donner ses compteurs de vues par vidéo, mais aussi de donner les statistiques de nombre de commentaires, nombre d’avis donnés (note sur 5), nombre de fois où la vidéo a été mise en favoris.

Nous avons donc relevé les statistiques pour les 60 vidéos les plus vues sur YouTube.FR (histoire de se rapprocher des comportements des internautes français) au cours du mois dernier (histoire de sortir des chiffres à peu près à jour). Et Emmanuel, pardon, Un_Dix, a fait une étude de corrélation (il fait ça mieux que moi).

Les résultats sont imposants car ils vont bien au-delà de la règle « conceptuelle » des 90-9-1 (pour un internaute qui produit, 9 commentent et 90 sont spectateurs).

– Le ratio « commentaires sur vues » est à 0,15%. Quand une vidéo est vue 100 fois, elle est commentée en moyenne 0,15 fois. Aucune vidéo n’est commentée plus de 0,6% des fois où elle est vue.

– Le ratio « favorites sur vues » est à 0,16%. Quand une vidéo est vue 100 fois, elle est mise en favorite 0,16 fois.

– La ratio « avis sur vues » est à 0,13%. Quand une vidéo est vue 100 fois, elle est notée 0,13 fois.

Les données sont plutôt bien fiables car les taux de corrélation sont autour de 0,9 pour chacun de ces indicateurs.

Conclusions :

– L’action de participation de l’internaute sur YouTube est extrêmement minoritaire.

– On ne voit pas de grosse différence entre des actions qui supposent des niveaux d’engagement pourtant différents (laisser une note, c’est anonyme et c’est un clic ; laisser un commentaire, c’est déjà autre chose)

Il faut poser deux bémols : d’abord, YouTube n’est pas un site social au sens premier du terme. On l’utilise comme moteur de recherche de vidéos (deuxième moteur de recherche au monde après Google…). La fonction sociale y est annexe et le commentaire n’y est pas conversation. Ensuite, YouTube met une barrière volontaire à la participation puisqu’il faut être inscrit et connecté pour chacune de ces actions (commentaire, favori, avis).

Mais quand même, ce sont des données intéressants pour compléter ce que l’on sait déjà sur la participation des internautes et qui montre que seules une minorité, et même une petite minorité participe. L’immense majorité est simple spectatrice, est sur le site mais pas dans le site.

Autres infos sur les 60 vidéos étudiées : leur durée est en moyenne de 3 minutes 07 et leur note moyenne de 4,41. Plus qualitiativement, on a vu du Rémi Gaillard, du foot, et les 3 i : RnB, Haïti, Super Nanny.

PS : ça fait du bien de publier dans une autre interface que Twitter… pardon pour cette absence.

Conférence de Brian Solis chez Publicis : la vision des PR dans les médias sociaux

A peu près depuis que les blogs sont un sujet grand public, nous sommes un certain nombre de consultants à avoir réfléchi publiquement et collectivement à l’avenir de nos métiers, et notamment des relations publiques, puisque c’est d’elles qu’on parle ici. Une logique de partage qui dépasse les questions de concurrence entre les différentes agences pour lesquelles nous travaillons.

C’est dans cette logique très open source que Stanislas (directeur de Publicis Netintelligenz) m’a invité à assister à une conférence que Brian Solis donnait pour les équipes PR de Publicis.

Brian Solis, de passage à Paris, c’est Monsieur PR 2.0, le porteur de la vision des PR dans les médias sociaux.

Ce billet est donc un peu particulier puisque c’est le compte-rendu d’i&e sur une conférence Publicis. Magie des médias sociaux ! 😉

La conf s’est avérée passionnante et très inspirante. Beaucoup de points développés par Brian Solis me confortent dans ma vision des médias sociaux, mais, et c’est comme ça qu’on fait bouger les lignes de force, Brian va très loin dans son interpellation de l’évolution des PR à l’avenir : un métier qui doit se réinventer. Place au compte-rendu à proprement parler maintenant. Avec des trous et des raccourcis probablement, mais en espérant ne pas trahir la pensée de l’auteur.

L’intervenant.

Brian Solis est un consultant en « PR 2.0 », terme qu’il a popularisé à la fin des années 1990 quand il a lancé son agence FutureWorks. Son blog : http://www.briansolis.com/ ; son Twitter : http://twitter.com/briansolis.

Il est considéré comme l’un des porteurs de la vision de l’évolution des Relations Publiques dans les médias sociaux. Il est l’un des co-fondateurs du Social Media Club et l’auteur de « Putting the Public Back in Public Relations ».

(info concurrentielle : Publicis reçoit avec des viennoiseries et du jus d’orange Tropicana)

La conférence (ou plus exactement, ce que j’en retiens)

Pour Brian Solis, les médias sociaux renvoient tout le monde à l’école. Toutes les disciplines estiment avoir un leadership dans les médias sociaux. On peut donc poser la question : les PR sont-elles mortes ?

C’est tout le contraire : les médias sociaux nous donnent une opportunité de renaissance.

Le stéréotype des PR, c’est des gens qui diffusent de l’information, qui font des annonces, qui envoient des communiqués de presse. Cela se fait dans un modèle top-down où les seniors définissent les stratégies et les juniors les exécutent.

Ce modèle ne fonctionne pas dans les médias sociaux. Les seniors doivent s’y engager par eux-mêmes. Il faut repartir de la base pour ré-apprendre les process de l’influence. Les médias sociaux modifient les process business des PR : une des premières choses que Brian a faites, c’est baisser son tarif horaire.

Avec les médias sociaux, les intermédiaires sont toujours là ET on peut toucher les gens en direct (désintermédiation). Les clients nous disent : « la couverture, c’est bien, mais je veux vendre plus, gagner des parts de marché ». C’est là qu’il faut repenser le processus d’influence. Par exemple, le rôle du moteur de recherche : les gens s’informent par les moteurs avant d’acheter, qu’est-ce qu’ils vont y trouver ?

Dans les PR traditionnelles, on a les communiqués de presse, les fact sheets, etc. Tout ça ne marche pas dans les médias sociaux. Pour comprendre ce qui marche, il faut apprendre à penser soi-même comme un influenceur. Il ne s’agit pas juste de parler aux gens, mais de faire partie des gens qui parlent : devenir soi-même un influenceur. Les médias sociaux donnent à chacun l’opportunité de devenir un producteur.

La question « qui possède (« owns ») les médias sociaux ? » est posée : toutes les disciplines sont en concurrence pour prendre ce lead. Mais poser cette question, c’est comme de demander « qui possède l’e-mail ? ». Personne ne possède les médias sociaux. Les médias sociaux interviennent dans les processus RH, dans les processus de réputation, dans le service client… Personne au sein de l’entreprise ne possède tout cela.

C’est là qu’est le job des PR. Notre job n’est pas de « pitcher » des médias et des blogs. Notre job, c’est d’être une ressource pour tous les départements de l’entreprise. Les aider à comprendre comment raconter leur histoire.

Les PR doivent donc très fortement s’imprégner de la culture de marque, aller très loin dans la compréhension de la marque qu’elles représentent. Il faut trouver les bonnes personnes qui seront les ambassadeurs de la marque dans les médias sociaux, qui vont participer à la conversation. Les utilisateurs parlent aux utilisateurs. [Chez nous, on dit : « la conversation ne se fait pas de marque à cible mais de pair à pair »]

Nous sommes les formateurs des nouveaux médias. Nous créons des contenus (vidéos, blogs… pas juste des communiqués de presse). Nous sommes des « storytellers ».

Et pour y parvenir, nous devons mener un gros travail de compréhension des communautés, de leurs valeurs. Les fonctions dans les PR : « content producers, sociologists, ethnographers, research librarians, community managers, digital architects, connectors, industry experts, strategists » (…)

C’est un terrain sur lequel tout le monde est en apprentissage. Il y a plus de questions que de réponses. Mais 2010 sera une année beaucoup plus orientée business. On dit souvent qu’il penser « out of the box », alors qu’il faut carrément « get rid of the box ».

Avec les médias sociaux, on n’a jamais aussi bien réussi à tracer l’effet des PR. On dit souvent que les médias sociaux c’est la perte de contrôle, alors que c’est tout l’inverse : c’est une opportunité formidable de comprendre les perceptions et de suivre les conversations.

La monnaie dans les médias sociaux, c’est l’Attention. L’Attention, c’est par exemple le nombre de Re-Tweets d’un billet. Le nombre ou l’amplitude des RT est un objectif RP. Comment faire pour mériter l’Attention de nos publics ? Cela commence avec l’écoute et l’observation. Brian insiste énormément sur la dimension Research de nos métiers. Si on ne comprend pas qui sont les publics et ce qui les motive, on ne peut pas être influent.

L’influence, c’est la capacité à inspirer l’action et à la mesurer.

Une des clés pour être influent est l’empathie. Et cela manque souvent dans les PR car on n’en avait pas toujours besoin. Les médias sociaux nous forcent à cette empathie car il faut individualiser la relation. Un journaliste est formé à son métier, les pratiques RP sont connues ; un nouvel influenceur n’est pas formé, seule compte la relation individuelle. Nous sommes dans une économie de la confiance.

On retombe sur l’importance des réseaux humains. Les gens ne croient pas les marques et les entreprises. Ce qui compte ce sont les relations interpersonnelles, les messages individuels. D’où l’importance pour les seniors de descendre dans l’arène, car ils peuvent mieux que les juniors comprendre les enjeux et représenter les marques. Les représentant des marques doivent être l’équivalent d’un « brand styleguide » humain, on doit savoir exactement ce qu’est la marque et ce qu’elle n’est pas.

En synthèse, je retiens 4 points sur lesquels Brian insiste énormément :

–       le rôle des PR au sein des organisations, qui doivent devenir une ressource centrale, ce qui nous amène à réfléchir sur notre rapprochement du métier des conseils en organisation. Comme le disait Stan à l’issue de la conférence, « aujourd’hui les RP sont concurrentes des agences de pub ; demain elles seront concurrentes de McKinsey »

–       le rôle des études (« research ») pour nourrir la réflexion : compréhension des communautés et des usages

–       le rôle de formateur que les PR doivent jouer

–       l’apprentissage d’une nouvelle culture pour tous

Je souscris à tout cela, ce qui ne m’arrange pas car le boulot est immense. Je pense que tous ceux qui baignent dedans en ont conscience. On doit se battre contre d’autres disciplines et d’autres approches du conseil pour prendre le lead ; nos clients eux-mêmes se battent en interne pour la même chose ; on nous pose des questions d’organisation du management des médias sociaux ; on nous demande (ou pas) de former des équipes de toutes natures sur toutes sortes de sujets ; les seniors doivent s’engager ; il faut mener de front toutes ces missions tout en restant présent dans les médias sociaux et en veille sur leurs évolutions ; etc. La remise en question des modèles traditionnels est très forte.

Mais en lisant tout cela, on peut se poser la question : pourquoi les PR devraient-elles être la ressource centrale en matière de médias sociaux, pourquoi les PR plutôt que les autres ? C’est en tout cas la question que j’ai posée à Brian, sachant que j’ai bien sûr ma petite idée là-dessus.

La réponse de Brian, c’est d’abord que quelqu’un doit être la ressource centrale de la marque ou de l’entreprise sur les médias sociaux. A partir du moment où fonction ressource doit exister, les relations publiques sont les mieux positionnées pour cela, car c’est dans la nature même de la discipline : il s’agit de relations, avec des publics. On parle d’influence (la définition de Brian Solis : « the ability to make something happen » ; mes critères de définition de l’influence sont ici), pas d’acheter de la visibilité.

Pour autant, on n’en est qu’au début : n’importe quel spécialiste des PR ne fait pas un bon spécialiste des médias sociaux. Ceux qui ne s’y intéressent pas vont rester sur le carreau.

Côté clients, tout ceci pose notamment la question des ressources à affecter à la gestion des médias sociaux en interne, question que certains clients évitent savamment. On touche au management, à la vision de l’entreprise et c’est parfois très dérangeant.

Mais finalement, la question que je me pose à la relecture de tout ceci est celle du temps. On peut débattre sur les différents points soulevés par Brian mais je suis globalement assez d’accord : il faut prendre le virage, descendre dans l’arène, apprendre l’empathie, devenir conseil en organisation, devenir producteur de contenu, de vidéo (YouTube est le 2ème moteur de recherche derrière Google, devant Yahoo!, ce qui est très interpellant pour nos métiers)… Mais dans quel espace temps cette mutation doit-elle être effectuée ?

On serait tenté de dire : le plus vite possible, en raison de la concurrence autour de ces questions : les premiers (vraiment) arrivés, les premiers servis.

Et en même temps, cette mutation ne peut pas aller beaucoup plus vite que celle des usages. Or les usages des médias sociaux se consolident, mais ne sont pas à maturité. Toutes les entreprises, toutes les marques n’ont pas intérêt aujourd’hui à dépenser de l’énergie à ouvrir un compte Twitter. C’est sans doute ce qui est passionnant dans cette mutation : être obligés d’inventer, être en découverte permanente.

La mesure de l’influence sur Twitter : on refait le point

Un des trucs fascinants sur Twitter reste la faculté que l’on a à bidouiller des scores d’influence à partir des indicateurs disponibles : nombre de followings, de followers, de tweets, nombre de RT…

Dernier exemple du genre, le TweetLevel d’Edelman qui a un triple mérite : explorer, communiquer sa formule et ne pas prétendre à lire l’influence seulement à travers les chiffres (voir le « about« ).


La lecture de l’influence, entre le simpliste et le complexe

Mais finalement, dans nos pratiques de webologues et de consultants, j’ai un peu l’impression que la lecture de l’influence sur Twitter se fait de façon paradoxale :

– soit de façon simplificatrice à travers le choix d’un indicateur seul : par ex le nombre de followers, le nombre de listes auxquelles le compte a été ajouté…

– soit de façon ultra-sophistiquée à travers un indicateur complexe – comme le TweetLevel qui va attribuer une note sans réelle signification (mais qui permet de hiérarchiser)

L’un comme l’autre ne me satisfont pas :

– un indicateur seul – type le nombre de followers — est réducteur et facilement manipulable (cf. la méthode Thierry Crouzet qui montre que l’on peut se constituer une audience ahurissante… principalement constituée de robots et de comptes spam)

– les indicateurs complexes me semblent souvent vouloir intégrer trop de données et s’éloigner de la rigueur intellectuelle au profit du plaisir des calculs mathématiques (exemple pour les blogs : le Power 150 d’AdAge qui s’est rationalisé autour de 5 critères après en avoir compté… beaucoup trop)

Tous les indicateurs ne se valent pas et ce n’est pas parce que des données quanti existent qu’il faut toutes les intégrer dans une analyse d’influence. 3 exemples d’indicateurs que l’on est tenté d’intégrer dans un calcul « complexe » et qui pour moi n’ont pas de signification véritable :

– le nombre de following : pourquoi serait-il un élément dans un calcul d’influence : plus je suis de comptes, plus je suis influent ? Non, il n’y a aucune raison.

– le nombre de tweets seul, qui montre si je suis actif ou pas mais qui n’est pas pertinent non plus : plus je tweete, plus j’ai de chances de noyer mes tweets et qu’ils ne soient pas lus. Même si plus je tweete, plus j’augmente mes chances d’avoir de nombreux followers…

– l’analyse du contenu des tweets pour mesurer le niveau d’engagement d’un utilisateur. L‘influence, c’est la capacité qu’on a à se faire écouter, à la limite peu importe ce que l’on raconte. (ce que je raconte ne préjuge pas de la réaction de mes publics)


L’influence, c’est quoi ?

La question de la pertinence des indicateurs d’influence sur Twitter est hyper complexe. Pour la traiter, j’en reviens à la définition de l’influence : « pouvoir social qui amène les autres à se ranger à son avis », de mémoire, dans le petit Robert. Autrement dit, l’influence renvoie à la question des opinions.

Mais plus précisément, il y a à mon avis 4 composantes de l’influence — que l’on parle de Twitter ou juste de son influence sociale. Il y a une progressivité dans ces 4 composantes de l’influence, on pourrait donc les représenter sous forme de pyramide avec de bas en haut :

  1. La capacité à produire un contenu : c’est à dire la capacité à se constituer un avis, à forger une analyse, à rapporter des faits, à les mettre en forme. Ce qui renvoie à l’éducation de l’individu, à sa consommation de médias, à son expertise, à son métier, etc.
  2. La capacité à prendre la parole. C’est à dire le fait de rendre public le contenu. (je ne suis pas influent si j’ai des avis sur tout mais que je ne les communique pas). A la limite, peu importe ce que l’on raconte, mais on ne peut pas être influent si on n’est pas « vocal » (même si la rareté de la prise de parole peut être une stratégie)
  3. Le fait d’avoir une audience (sur Internet en particulier, on peut tout à fait prendre la parole dans le désert)
  4. Le fait d’être écouté et de bénéficier d’une reconnaissance de la part de tout ou partie de cette audience (qui peut se mesurer par le fait d’être cité, repris, linké…), où l’on touche réellement à la question de l’influence, mais qui n’est pas possible sans les 3 composantes qui précèdent.

(Pour ceux qui aiment ce type de réflexion, voir les travaux très intéressants du Guardian pour démontrer que ses lecteurs sont des influenceurs).


Et dans Twitter ?

Si l’on relit ces critères d’influence par rapport à la logique de Twitter, il y a plein de choses à dire :

–       la capacité à produire du contenu ne se lit pas dans Twitter : si je publie dans Twitter, je suis déjà au deuxième niveau de la pyramide : la prise de parole

–       la capacité à prendre la parole se lit bien dans Twitter : c’est le nombre ou la fréquence des tweets. Mais Twitter pose le problème de la trop grande fréquence de publication chez certains utilisateurs. Est-ce intéressant pour moi qu’un utilisateur avec 10 000 followers publie un lien vers mon blog, s’il tweete 100 fois par jour ?)

–       le fait d’avoir une audience se lit également bien dans Twitter : c’est le nombre de followers. Mais cette audience dépend aussi de la visibilité de mes tweets : c’est à dire de la faculté que ces followers vont avoir à lire mes tweets (et oui : si mes followers ont tous 2000 following hyperactifs, mes tweets ont des chances de passer inaperçus…)

–       le fait d’être écouté et de bénéficier d’une reconnaissance se lit dans Twitter essentiellement grâce aux citations : RT, @fguillot.

Et finalement, fait-on de l’opinion sur Twitter ? En 140 caractères, on émet peu d’avis et on les argumente encore moins. Twitter fonctionne beaucoup comme distributeur d’informations, mais sa logique est-elle celle d’un lieu d’influence ? Au fond, non : le pouvoir de Twitter c’est de me recommander des lectures, et ces lectures vont m’influencer ou non. Mais c’est rarement ce que je lis à l’intérieur de Twitter qui influence mes opinions. Twitter n’est pas un lieu d’influence, mais un outil d’influence.

Cela rejoint aussi le point de Cédric Deniaud : « L’expert ne peut pas être une personne qui seulement lit, relaie et tweet une information ». J’ai envie de remplacer le mot « expert » par « influenceur ».


5 critères plus pertinents et utiles (mais non sans limites)

Donc, en considérant tout ce qui précède et après avoir pas mal retourné la question des indicateurs d’influence dans Twitter dans ma tête, j’en vois 5 principaux, pertinents et utiles :

1. Un indicateur d’audience : le nombre de followers. (renvoie au point 3 de la pyramide de l’influence : l’audience)

Il reste un moyen simple et rapide de se faire une idée de l’audience potentielle d’un compte.

Problème : il peut être manipulé et reste fortement réducteur. Le nombre de followers ne fait pas l’influenceur (mais un petit peu quand même).

2. Un indicateur d’audience : le nombre de followers de mes followers. (renvoie au point 3 de la pyramide de l’influence : l’audience)

Etre suivi par 1000 personnes qui ont chacun 5 followers, c’est a priori moins bien que d’être suivi par 10 personnes qui ont chacune 10 000 followers. Et si possible, il faudrait mesurer le nombre de followers dédupliqués, puisque sur Twitter on tourne beaucoup en rond.

3. Un indicateur de visibilité : le nombre de following de mes followers. (renvoie aux points 2 et 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à prendre la parole ET la capacité se faire écouter)

Je le disais plus haut, si je suis suivi uniquement par des utilisateurs qui suivent 1000 comptes, j’ai peu de chances d’être visible dans leur timeline. Moins mes followers ont de following (et moins ces following sont actifs), plus mes tweets sont visibles.

Problème : si mes followers ont des timelines peu actives, c’est probablement qu’ils sont peu actifs eux-mêmes dans Twitter.

4. Un indicateur de réputation : le rapport entre nombre de followings et nombre de followers. (renvoie au point 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à se faire écouter)

J’en avais déjà parlé, plus la différence entre followers et followings est importante, plus cela montre que l’on s’intéresse à moi. Quand on voit que Francis Pisani a 2150 followers et 31 followings, cela montre assez bien qu’on s’intéresse à lui : il n’a pas besoin de s’engager dans Twitter pour avoir une audience.

Il est déjà un influenceur en dehors de Twitter, et parce qu’il est un influenceur, ses tweets bénéficient d’une attention sans doute supérieure à la moyenne.

Problème : les utilisateurs qui ont une politique de following très active sont pénalisés dans cette méthode. L’usage que l’on fait de son compte peut « gêner » la lecture de cet indicateur.

5. Un indicateur d’écoute et de reconnaissance : le rapport entre nombre de citations (RT, @) et nombre de tweets. (renvoie au point 4 de la pyramide de l’influence : la capacité à se faire écouter et reconnaître)

Le fait d’être retweeté ou plus exactement cité dans des tweets (@fguillot) reste un bon indicateur de reconnaissance : on parle de moi, donc je compte. C’est le type d’indicateur assez classique dans la mesure d’influence, en quelque sorte l’équivalent du lien entrant pour les sites et les blogs.

Reste à savoir comment le mesurer et plutôt que de regarder un simple nombre de retweets ou de @ (qui peut masquer une hyperactivité peu efficace : si je tweete 100 000 fois et que je suis cité 1000 fois, vous conviendrez que je ne suis pas très influent), il me semblerait très intéressant de voir pour un compte Twitter quel est son ratio « citations » / « nombre de tweets ».

Si on regarde un compte comme @thisissethsblog, qui est dans une pure logique de diffusion (broadcast) avec 0 following, on voit que chaque tweet est retweeté plusieurs dizaines de fois… ce qui témoigne de la grande influence de Seth Godin.

Et mieux : de la même façon que pour les blogs, l’autorité mesure le nombre de blogs différents qui ont mis un lien, l’indicateur que l’on recherche ici devrait mesurer le nombre de citations provenant de comptes différents, rapporté au nombre de tweets. (si je suis très fréquemment cité par 3 utilisateurs, je suis sans doute influent auprès de ces 3 utilisateurs mais pas au-delà).

Variante de cet indicateur : le ratio nombre de followers / nombre de tweets.


Un champ de recherche très vaste… mais pour quel ROI ?

On pourrait voir d’autres indicateurs dans cette « short list » : le nombre de listes auxquelles un compte a été ajouté, voire mieux le nombre de followers des listes auxquelles le compte a été ajouté… mais je m’arrête là car le but de cet exercice est justement de limiter le nombre d’indicateurs qui font réellement sens par rapport à la question de l’influence. Autrement dit, si je devais construire un TweetScore, je le ferais à partir de ces 5 indicateurs.

On peut aussi imaginer un méta-indicateur qui fasse une mise en abîme des données (mon score d’influence serait le résultats des scores d’influence de mes followers…), à la façon des classements en tennis (pour ceux qui connaissent ;-)…

Il y a évidemment beaucoup à explorer, mais se pose tout de même assez fortement la question de l’intérêt à investir dans ce type de recherches : on peut avoir très envie d’automatiser des calculs parce que Twitter donne envie de le faire, mais avoir un score d’influence ne permet pas de lire l’influence réelle d’un compte (mais juste de se faire une idée et de hiérarchiser les utilisateurs entre eux).

Cela restera de toute façon un calcul : très pratique pour les communicants quand on attaque la question du ROI, mais qui ne remplace pas la lecture qualitative des phénomènes d’opinion.

D’autant plus que Twitter n’est pas massivement utilisé : il reste pour beaucoup un outil d’éditeurs (journalistes, blogueurs).

D’autant plus que Twitter ne vit pas indépendamment du reste du web et du système médiatique. Il leur est au contraire très fortement interconnecté et dépend d’eux. La mesure de l’influence dans Twitter seul est passionnante, mais a ses limites. Un pur exercice intellectuel ?