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Quand Challenges classe les blogs pour promouvoir les siens

Pierre Chappaz, photographié en penseur, faisait donc la une du numéro de Challenges daté du 5 au 11 juin. Le magazine, aidé d’un jury de personnalités, nous proposait un palmarès des meilleurs blogs et de « toutes les adresses Internet qui comptent ».

On ne discutera pas ici de la pertinence des choix du jury et des internautes (le gros du débat est déjà passé et vous le retrouverez chez Versac mais aussi chez Gilles Fontaine; quelques liens encore chez Jean-Baptiste Ingold).

Mais il semble qu’un élément soit resté inaperçu pour la plupart de nos blogueurs ronchons. Ils n’ont peut-être pas, tout simplement, acheté la version papier – ce qui reste quand même le plus important pour Challenges (enfin j’espère). Alors justement, concentrons-nous sur le cadre du papier, la démarche de départ. Quatre Cinq catégories étaient sélectionnées :

  • Politique
  • Médias
  • Technologies
  • Bourse et Finance
  • Economie et Entreprises

Marrant non ? Pour chacune des catégories il existe un blog… Challenges (vous me direz… c’est normal jusqu’à preuve du contraire Challenges n’est pas Elle et ne parle pas de littérature ou de cuisine). Les blogs du magazine sont justement très bien mis en valeur par l’organisation des pages. Le lecteur pressé ou flâneur ne peut pas manquer ces encarts de présentation où la notice ne tarit jamais d’éloge, photo et typo en italique à l’appuie. Petite perle :

Alliant un style très personnel à la rigueur d’un enquêteur reconnu de la presse économique, les « posts » de Gilles Fontaine sont un concentré d’informations et d’analyses pour être au fait de l’actualité du high-tech.

Le dossier se conclut enfin avec une double page titrée « Challenges.fr fait peau neuve » (G. Klein en avait parlé sur Le Phare il y a un mois).

Trois remarques donc :

  • Côté pile : on peut critiquer le flou entretenu par nombre de blogueurs entre information/opinion/communication etc. mais notons quand même que l’effacement de ses repères est au coeur du système journalistique contemporain. La preuve une nouvelle fois. Le mélange des genres n’est pas réservé aux internautes et touche les rédactions les plus professionnelles.
  • Côté face : il est toujours intéressant de voir un média traditionnel proposer à ses lecteurs les plus novices les clés pour entrer dans la blogosphère, belle alternative à la labellisation proposée par certains. Cela montre encore une fois comment les journalistes traditionnels cherchent à s’instituer en médiateurs de ce nouveau monde qui, quoi qu’on en pense, reste encore très hermétique (et anecdotique) pour la très grande majorité des Français.
  • Le mix des deux nous offre un bon exemple des processus de consécration au sein de l’espace médiatique. Rien de mieux qu’un bon palmarès pour instituer les vainqueurs en meilleurs et l’organisateur en prescripteur (et oui, cela donne un truc quasi tautologique… c’est justement là où réside la force de la chose) !

Quoi qu’il en soit, que les lauréats en profitent… c’est le seul mal qu’on leur souhaite !! (en particulier à Ecopublix)

Sarkozy et les connards de journalistes ou l’avénement de l’OTM (Off Techniquement Modifié)

Ici, comme sur d’autres blogs – à tel point que c’est devenu une tarte à la crème 2.0 – on aime parler de la « fin du off« .

Jusqu’au web 2.0, le off se dégustait à l’apéritif dans un entrefilet, ce confidentiel écrit petit mais chuchoté tout haut et permettait à un journal folklorique satirique comme le Canard Enchaîné de vivre. Et puis le web 2.0 est arrivé, on a vu George Allen traiter un militant adverse de macaque, Ségolène Royal à propos des profs, Alain Duhamel déclarer sa préférence pour Bayrou, Rachida Dati sur… pas mal de choses, Nicolas Sarkozy demander aux pauvres cons de se casser, etc.

Mais le off a connu une nouvelle mutation cette semaine (enfin, n’étant pas omniscient sur la toile, il y a sûrement des précédents me direz-vous).

Vous avez peut-être suivi la controverse (vite réglée) entre la rubrique Téléphone rouge du Nouvel Observateur et le blog Coulisses de Bruxelles de Jean Quatremer, journaliste à Libération : à lire chez Qautremer, épisode 1 et épisode 2.

En gros, Le Nouvel Obs publie dans sa rubrique un off qui rend compte d’une réunion entre Sarko et les journalistes où le président aurait lâché un nom d’oiseau à l’égard de la profession (« connards »). Problème, parmi les journalistes présents un d’eux, Jean Quatremer donc, tient un blog. Il a donc la possibilité technique de réagir rapidement et personnellement.

Le journaliste de Libération publie alors un long billet détaillé qui brise le off de circonstance pour prouver que l’information du Nouvel Hoax Obs était mensongère. L’administration de la preuve est fouillée : verbatims, photos de la réunion et fines description de la journée. Tout ce qui doit faire la différence entre un bruit de couloir et une information.

Bref : on voit à travers cet exemple que le off sécrète son propre anticorps… et devient le « Off Techniquement Modifié » (OTM).

Et là réside la morale de l’histoire. Techniquement modifié, le off change de statut.

Je m’explique : relayé dans la presse papier, il relève de de l’irréfutable : pour des raisons professionnelles (solidarité pro., filtre de la rédaction par exemple), techniques (attendre la prochaine parution, etc.), le off est difficilement réfutable et rarement réfuté dans l’espace public. Le off à la papa emprunte plus à la rumeur qu’au journalisme. Dans ces rubriques, on peut dire tout et son contraire, la vérité est toute relative. Pour pousser la caricature, ces rubriques sont des sortes de no man’s land de l’information. Vrai ou faux, on ne discute pas de la véracité du propos. C’est un espace entre parenthèses.

Le off techniquement modifié a lui au moins le mérite de permettre la confrontation des témoignages et le recoupement des informations décrédibilisant ainsi la mauvaise herbe du ragot.

Voilà une raison pour laquelle, même pour les journalistes, Internet a aujourd’hui du bon…

Tiens, une communication intelligente sur Facebook (mais pas très efficace pour autant)

Edit du 20 mai : l’analyse de l’évolution des données semble montrer que le nombre d’utilisateurs indiqué par l’application est calculé de façon assez restrictive, ce qui peut vouloir dire que l’appli a mieux marché que ce que je laissais entendre. Si c’est le cas j’en suis désolé et suis preneur des éclaircissements des concepteurs de l’appli !

Je n’ai pas souvent eu l’occasion de voir sur Facebook des initiatives intelligentes de marques. Un mot donc sur l’application qu’Eurosport a développé pour les fans de foot : « Liste des 23 pour l’euro« .

D’autant plus qu’il y a un truc très bizarre avec cette application.

Le principe, d’abord. C’est simple comme bonjour mais redoutablement efficace : l’application invite le facebooker à se mettre dans la peau de Raymond Domenech et à choisir les 23 qui iront à l’Euro. Poste par poste, on choisit les joueurs parmi une sélection assez large. Une fois qu’on a terminé, on peut inviter ses « friends » fans de foot ; on est ensuite informé du choix des 23 de ses friends. Et on peut même regarder la sélection moyenne des Facebookers, qui a un peu valeur de sondage à grande échelle (dont Raymond Domenech se fichera comme de sa première paire de chaussettes, faisons-lui confiance).

Dans la fenêtre de l’application s’affichent les flux d’info foot et de vidéos d’Eurosport.fr, permettant de cliquer… et de générer du trafic pour le site.

C’est archi-simple, mais dans cette application il y a tous les principes de bonne communication du web 2.0 et de Facebook en particulier :

– une logique communautaire (les fans de foot)

– une proposition qui entre en résonance avec les préoccupations et les conversations de son public (la liste des 23)

– une marque qui rend son public actif (choisir ses 23)

– un principe qui s’appuie sur la viralité très facile sur Facebook (inviter ses amis) et alimente la conversation (possibilité de commenter la sélection des autres)

– une mécanique qui donne envie de revenir plusieurs fois sur l’application (voir les sélections des amis, voir la sélection moyenne des internautes)

– une génération de trafic pour le site de la marque avec de l’écrit et de l’image (les news et vidéos)

Donc, une application d’autant plus géniale qu’elle est archi-simple.

Et pourtant… il y a un truc qui cloche.

L’application compte 4261 « daily active users » : pas terrible non ?

Il y a 1.7 millions de comptes Facebook en France. Même si beaucoup ont été ouverts dans un effet de mode ou de panurgisme, les chiffres de Facebook progressent assez rapidement (1 million en décembre, 1.7 million aujourd’hui, soit plus ou moins 140 000 nouveaux membres par mois).

Il doit donc quand même y avoir plusieurs centaines de milliers de français actifs sur Facebook en ce mois de mai 2008. Et vu le nombre de fans de foot dans la population française, vu le potentiel de cette application, je suis surpris qu’elle ne compte pas au moins 4 ou 5 fois plus de membres.

Je ne sais pas l’expliquer davantage. On en revient à un autre principe du web communautaire : la viralité est souvent mystérieuse.

En revanche et même si le nombre de téléchargements paraît peu élevé, il faut signaler que ce type de dispositif est peu coûteux : tout le monde aurait pu créer cette application. Les équipementiers, les sponsors de l’euro, les autres médias diffusant la compétition… tout le monde. Mais celui qui l’a fait, c’est Eurosport.

Le web comme terrain d’études : brand tags

« Le web 2.0, c’est du market research à l’état pur, et à un coût très réduit. Pourquoi s’en passer ? », disait le célèbre Mathieu Vaidis dans sa cultissime vidéo.

Le pire, c’est qu’il a raison. Dans nos métiers, plutôt que de ‘market research’ on parlera d’études de perceptions, mais l’idée est la même : le web est un formidable terrain d’étude de ce que les gens pensent (et chez Internet et Opinion(s) on a une faiblesse pour Summize).

Dernier joujou pour les études de perceptions : Brand Tags.

Brand tags présente sous forme de nuage de mots les qualificatifs spontanés qui passent par la tête des internautes quand on leur cite le nom d’une marque. C’est un peu comme de lancer une question sur la percption des marques sur Yahoo! Questions et de restituer les réponses sous forme de nuage de mots.

Il est très marrant de constater que le nuage d’Harley Davidson avait cette tête à jusqu’à hier, et faisait beaucoup rire sur le web en raison de la taille de « over-compensating »… :

… et que le mot gênant en question a considérablement diminué de taille en 24 heures :

Des « ambassadeurs » auraient-ils « noyauté » brand tags pour rétablir sa réputation, ou est-ce l’effet naturel de la popularité du service qui a été beaucoup linké sur des blogs très récemment ? 😉

Bref, amusant et limité mais toujours instructif car révélateur des représentations les plus spontanées – donc les plus ancrées. J’aime beaucoup la baseline du site :

« L’idée de ce site est qu’une marque existe entièrement dans la tête des gens. Donc, quoiqu’ils en disent, c’est ce qu’elle est. »

A quand la version française ?

(via BienBienBien).

De la légitimité web des RP

L’article de Rita Mazzoli dans La Tribune d’hier, « Les agences de relations publiques investissent les blogs », est payant mais mérite lecture. Non que les professionnels des relations publiques y découvriront des choses qu’ils ne connaissent pas, mais parce qu’il témoigne d’une forme de reconnaissance publique pour l’intérêt des RP dans le web 2.0.

En substance, l’IREP constate que les dépenses de relations publiques des annonceurs ont cru de 3.4% alors que les dépenses globales de communication n’augmentaient que de 0.6%. L’interprétation faite par l’article de cette reconnaissance pour les RP réside notamment dans l’explosion des besoins liés au développement du web communautaire.

Le web au service de la croissance du marché des RP ? L’article est même plus précis puisqu’il évoque le rôle des RP pour conseiller face à « l’effet boomerang », autrement dit liés les bruits négatifs que le web produit sur les marques, entreprises ou organisations. Les RP tireraient donc leur principale légitimité web de leur savoir-faire traditionnel en matière de gestion de crise.

Il ne faudrait pas pour autant négliger le volet « opportunités » du web communautaire pour les RP. Dans un marché des stratégies Internet toujours très confus, où les annonceurs n’ont ni une vision claire des besoins et du marché, où les conseils empiètent sur les savoir-faire les uns des autres (relire cette discussion à propos du marché pour mémoire), il est juste que les RP fassent valoir leur savoir-faire. Stanislas ne disait-il pas y a quelques semaines sur PR2Peer :

« dans le grand chambardement actuel de l’ensemble des métiers de la communication, les PR ont sans doute le plus à gagner. Dans un environnement où la communication relationnelle redevient la base de la communication, (…) les professionnels des PR devraient se sentir comme des poissons dans l’eau. »

Je pense que nous sommes donc assez nombreux sur le marché à rejoindre Patricia Ott (Lewis PR France) quand elle dit à la Tribune que « nous sommes les mieux placés pour identifier les internautes les plus influents, pour analyser les demandes, mettre en oeuvre des stratégies personnalisées et délivrer des contenus utiles ». Il y a de nombreuses raisons à cela, on n’y reviendra pas, et il est agréable de voir la profession revendiquer sa légitimité sur le marché des stratégies web.

Web 3.0 : la lutte des définitions est déjà bien entamée

La récente interview de Vinton Cerf dans Le Monde est l’occasion de revenir sur un point qui me tient à coeur et dont j’ai trouvé une analyse parmi les plus pertinentes chez Sarah Labelle, qui vient de terminer une thèse sur la société de l’information (pour en savoir plus).

Car les expressions comme « web 2.0 » et maintenant « web 3.0 » ne sont que les nièmes avatars d’expressions qui circulent dans l’espace social de manière assez paradoxale. L’histoire du terme « société de l’information », ancêtre du web 2.0, est à ce titre très instructive. « Société de l’information » est une expression à la fois évidente et floue (comme « web 2.0 »), nous explique Sarah Labelle. L’évidence vient de son usage dans plusieurs sommets internationaux. Le flou vient d’une absence de définition stable :

« on ne sait jamais si cette fameuse société est d’ores et déjà présente, par la force d’un usage généralisé des médias informatisés, ou s’il s’agit impérieusement de la faire advenir, parce que sa réalité, hautement désirable, serait incertaine » (pp. 21-22)

Voilà qu’à un moindre niveau (web 2.0 et 3.0 sont des expressions propres aux régimes techniques et marketing tandis que « société de l’information » tient aussi du registre politique) l’histoire recommence donc avec « web 3.0 ». Que sera le « web 3.0 » ? La bataille des définitions est déjà bien entamée et le printemps qui arrive verra peut être son embellie…

Perso, j’avais compris que « web 3.0 » serait sémantique ou ne serait pas. Mais non, dixit Vinton Cerf qui prend un malin plaisir à décrédibiliser « web 2.0 » (il suffit de lui accoler l’adjectif « marketing »;-). En tant que Chief Internet Evangelist chez Google, le voilà qui explique ce que sera le « vrai » « web 3.0 » :

Ce que vous décrivez ne s’inscrit-il pas déjà dans le Web 3.0, l’Internet des objets ?

Tout à fait. De façon générale, l’Internet des objets permettra de déléguer la gestion des objets à des tiers. Il sera ainsi possible d’adresser à des sites de services des demandes telles que : « Enregistrer tel film », sans avoir à se plonger dans la liste des chaînes ni dans les programmes de diffusion. Les machines s’en chargeront. Elles communiqueront entre elles pour déterminer le prochain passage de ce film et l’enregistrer pour nous.

Des milliards d’objets seront ainsi dotés de capacités de communication entre eux. Ce qui permettra de masquer la complexité des technologies à l’oeuvre. Tout se passera dans les coulisses.

« Web sémantique », « internet des objets »… l’enjeu des définitions est aussi industriel. Car celui qui imposera sa définition (aux communautés spécialisées, aux grands médias) maximisera ses chances d’en devenir l’étendard, le symbole ou plus prosaïquement l’étalon ou le référent. Car les rôles peuvent différer selon que l’accent est mis sur tel ou tel aspect des innovations actuelles et à venir. L’article, encore à l’ébauche, sur Wikipedia se révèle un bon départ pour comprendre les luttes de définitions qui opposent certains grands acteurs du web. (la série proposée en octobre dernier par Francis Pisani est aussi très instructive : définitions; la version O’Reilly épisode 1 et épisode 2; ou encore là )

Signalons enfin que ce jeu sur les termes et les définitions est très proche des processus décrit dans d’autres domaines à propos des « entrepreneurs de morales » (ici des « entrepreneurs de définition »… le titre de Vinton Cerf chez Google est assez explicite, non ?) qui cherchent à peser sur les manières de considérer tel ou tel acte comme déviant ou pathologique (cf., entre autres, le travail de Howard Becker).

Plus que jamais l’affaire est à suivre…

Zapping de la semaine

Lundi c’est la reprise du travail… alors le blog en prend un coup, on joue les feignants et on parle des autres :

Un n-ième débat (mais toujours instructif) chez Embruns au sujet du dernier classement de Wikio.

A ce propos, une nouvelle version à venir de Wikio qui indexe notamment des vidéos. Internet et opinion a la chance de pouvoir la tester. On vous tient au courant.

La vidéo d’un cours de Emery (oh et puis non… il vaut mieux aller la voir sur Dailymotion pour le commentaire de l’utilisateur « super-slip », entre autres). On aurait préféré ne rien voir (ou alors une version intégrale, car j’espère pour lui que le « directeur des contenus » est entré dans les détails) : les extraits choisis frisent le ridicule (à force d’être sérieux aussi, les mecs…). Quoi qu’il en soit…tendez l’oreille 😉

Un article passionnant et très fouillé d’Olivier Ertzscheid sur son blog Affordance : « Docteur Google, quelle médecine pour demain? »

Et pour terminer un article de Benoît Raphaël un peu fouillis et qui part dans tous les sens. C’est pour ça (entre autres ;-)) qu’il est intéressant.

Alimenter son blog : les contraintes de forme et de formats

Ces derniers jours, j’ai parlé de « normalisation du web ». Dans la continuité de ces billets (ici, et ) je me permets de revenir sur un sujet mille fois abordé sur Internet et dont on retrouve des réminiscences ces dernières semaines. Rendez-vous chez un Darkplanneur songeur, qui commente un billet d’Hervé Resse au titre évocateur : « Mon heure de gloire sur le web est passé ». Extrait de l’homme en noir :

Oui, on a sur-vendu la puissance d’un Blog, véritable nouvelle pierre philosophale qui permettait soit disant :

– De devenir Riche grâce à la publicité (on rigole vu le prix du « CPM 2.0 »)
– D’Influencer les Marques en toute liberté (les agences de Buzz Marketing ont magnifiquement castré les quelques Blogueurs révolutionnaires, à coup de pass à Eurodisney et autres produits cosmétiques et même pas de « Crème de la Mer »)
– De Devenir une Star de la TV (les rares Comiques de la Blogosphère, se sont transformés en VRP Californien…dans les bas fonds du San Francisco 2.0)
– De Devenir un Artiste reconnu ( ils visaient les ventes londoniennes de Sotheby’s, les expositions people au Palais de Tokyo; mais n’ont jamais dépassé la sinistrée catégorie « Art et Antiquité » d’Ebay.fr)
Oui, on se pose nombre de questions, quant à l’avenir des blogs (comme le soulignait dans son JDD Emery, un seul de mes étudiants en troisième cycle marketing et internet a un blog…), alors que faire ?

(pour vous remonter le moral avec Eric, passez lire la suite par là)

Que retenir de cette désillusion passagère, chaleureusement saluée d’un t’es naze par un Loïc Le Meur en pleine forme (il est dans l’ère du temps sarkozyste à vrai dire;-).

Ouvrir un blog est à la portée de tous. L’alimenter régulièrement et dans la durée se révèle un exercice bien plus délicat. Car comme n’importe quel coureur de fond, nous avons nos hauts et nos bas, nos crampes et nos accélérations.

Or, précisément, la rationalisation et l’organisation des médias traditionnels répond à cette faiblesse : tout est fait pour que le public ne ressente pas ces hauts et ces bas. C’est le principe même de la standardisation. Le JT est là tous les jours à la même heure. De même pour les journaux du matin ou les flash radio.

Ainsi, la « normalisation du web » est à inscrire dans ce contexte de fatigue, d’épuisement : soit on décide d’arrêter, de lever le pied (au risque de devenir invisible sur la toile), soit on écrit sur autre chose, soit encore on met en place des routines, des habitudes, des repères. Le cas de Dark Planneur est un cas d’école, puisqu’il s’appuie sur le système classique du « rubriquage » propre aux médias traditionnels (des « semaines thématiques », des rubriques bien arrêtées plus que des tags).

Il s’installe aussi des codes d’écriture (un bon exemple de formalisation d’un blog est celui de sixtysecondview : la lecture du billet n’est pas censée dépasser 60 secondes) ou des modes d’organisation (chez i&o ou chez PR2Peer on écrit à deux – l’un pouvant remplacer les carences de l’autre…), etc.

Bref, la normalisation du web passe aussi par un phénomène souvent passé sous silence, celui de la difficulté à alimenter en contenu la forme que l’on a mise en place et mis à la disposition d’un public (ici on parle des blogs, mais c’est le même problème pour une radio associative, un journal lycéen ou un « grand » média).

Pour une version classique de l’analyse du formatage dans les médias traditionnels je vous recommande ce récent entretien avec Cyril Lemieux sur Mediapart. Rien de neuf sous le soleil mais il est bon de se le rappeler.

R4V3N & Cie c’est fini : la normalisation du web par le droit

mob14_1184908853.jpgJ’évoquais hier un sujet qui me tenait à coeur : l’hypothèse d’une normalisation du web de par une stabilisation des usages et des productions à mi-chemin entre l’avant garde du web et les médias traditionnels.

Dans le même temps, nous voyons la disparition des annuaires de streaming type R4v3n. Extrait du communiqué, dernier vestige de cet annuaire :

Quand r4v3n a lancé son projet d’annuaire de streaming au début 2007, nous pensions à l’époque, que faire des liens vers des sites diffuseurs de streaming qui ont pignon sur rue n’enfreignait en rien la loi. (…)

Mais suite à l’affaire Chacal-Stream de Janvier 2008, nous avons pris le temps de faire le tour des évènements judiciaire liés au streaming Français, de Juin 2007 à Janvier 2008. Nous avons pris connaissance de l’affaire MySpace/Lafesse de Juillet 2007. Ce jugement remet en question la pérennité de notre site et du concept même d’annuaire de streaming en france.

Depuis maintenant 1 an que nous existons, nous n’avons JAMAIS reçu de mail nous demandant d’arréter notre activité. A notre connaissance aucune poursuite judiciaire n’a été portée à notre encontre. Toutefois, à la vue des éléments de l’affaire MySpace/Lafesse et de chacal-stream nous décidons de stopper r4v3n de notre propre volonté. Nous suivons donc nos confrères, qui durant le mois de Février 2008, ont fermé les uns après les autres. Nous encourageons vivement les annuaires de streaming encore actifs à fermer leurs portes.

La normalisation du web s’effectue aussi (et surtout) par le droit. C’est évidemment un des outils les plus puissants pour contenir et réguler les nouveaux usages (que ces usages soient justes ou non etc. n’est pas la question).

Ainsi, les internautes peu expérimentés aux arcanes du code et du tag sur des plate-formes alternatives à Google vidéo, youtube, dailymotion etc. vont avoir du mal à trouver les vidéos de leur série préférée.

Une bonne solution donc pour endiguer les usages qui mettent en péril les modèles économiques des producteurs. L’économie traditionnelle est très loin d’avoir dit son dernier mot. Et avec le temps, ce genre de distinction n’aura plus de sens.

Michel Lévy-Provençal contre Rue 89, un signal faible de la normalisation du web ?

info 3 voixJe ne pouvais pas ne pas m’attarder plus longuement sur un article déjà linké par François Guillot il y a quelques jours.

Rappel des faits : Un des fondateurs de Rue 89 critique ouvertement les options éditoriales prises par ses dirigeants au point de claquer la porte (en toute amitié ?). En résumé, il reproche à Rue89 une infidélité à son projet de départ (l’info à trois voix : journalistes, experts, internautes) et de n’être finalement qu’un Libé bis. Allez ici pour lire son point de vue très instructif et passionnant.

La question n’est pas de savoir qui a raison ou tort. Je me garderai bien d’avoir un avis tranché pour une simple raison : j’ai toujours été circonspect quant à la force du 2.0, etc. Je suis pour ma part partisan de l’hypothèse suivante : celle de la « normalisation du web ».

Je m’explique : l’intégration d’une innovation au sein d’une société suit plusieurs phases. Avec Internet, ces dernières années nous avons vécu dans un moment de destruction créatrice : pertes d’emplois, pertes de supports, pertes de repères qui s’accompagnent de nombreux discours optimistes sur l’avenir et de nouvelles applications en phase bêta (vous avez vu le web c’est du bêta), etc.

Mais les applications du 2.0 ont des usages socialement situés. Il n’est pas dit que tout le monde va s’en emparer. Au contraire, quand on connaît l’ensemble des travaux sociologiques sur la prise de parole et la formation des opinions, on a de quoi être dubitatif.

La normalisation du web résulte de la convergence entre deux types de nouveaux entrants :

– du côté de la demande, des internautes moins expérimentés que les avant-gardistes. Dès lors les usages les plus en pointe et les plus valorisés au sein des communautés très actives ne vont pas devenir des automatismes.

– du côté de l’offre, des producteurs traditionnels en difficulté sur leur secteur off-line et qui viennent continuer l’aventure en on (Arrêt sur Image, rue 89, Télérama, TF1 bientôt avec sa régie, Mediapart etc. et plus généralement tous les sites média en ligne). Les pure players en France et qui réussissent sont rares.

Dès lors, la critique adressée par Michel Lévy-Provençal est un bon exemple de cette normalisation : le projet de départ, l’info a trois voix, bat de l’aile. La faute à qui ? Aux internautes inexpérimentés qui envoient de mauvais papiers ? Aux journalistes qui veulent protéger leur juridiction (« les producteurs d’info c’est nous ») ? Je ne sais pas.

Ce que l’on sait grâce à MLP (et que les lecteurs de Rue89 avaient pu remarquer) c’est que Rue 89 devient un journal comme les autres. Son positionnement de départ le voulait différent, il se normalise.

Pour terminer un mot d’histoire. Prenez le projet d’origine de Libération et comparez avec aujourd’hui. Pour mémoire, un mot d’ordre lors de la création du journal était : « Peuple , prend la parole et garde-la » (tiens, cela ne vous rappelle pas les belles heures de la mythologie 2.0?). Vous connaissez la suite.

La normalisation médiatique, c’est ça (sur une question proche, vous pouvez lire ça).